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Centres d’appels : 25 députés veulent déclarer l’état d’urgence anti-délocalisations

Publié le 19 février 2019 à 17:03 par Magazine En-Contact
Centres d’appels : 25 députés veulent déclarer l’état d’urgence anti-délocalisations

Dans une tribune appelée à être publiée dans un « grand media »*, 25 députés emmenés par Ludovic Mendes,  tentent d’alerter sur les délocalisations de call centers. Y a-t-il un 911 efficace anti-délocalisations ?
Ça va être du grand Mendes** ? 

Aux États-Unis, le mouvement s’était appelé Neshore America, en Italie, Protocole italien… Inspiré par ces exemples, de nombreux députés tentent d’alerter depuis des mois sur une révolution en marche depuis des années, celle des installations de centres d’appels en offshore, nearshore (destinations proches de la France).
L’exemple récent de Engie, qui a choisi de sous-traiter son service client à des prestataires installés en offshore semble avoir gratté des plaies mal cicatrisées.
Depuis 2004, de nombreux ministres ont tenté, par différents biais réglementaires de stopper une évolution qui semble incontournable et qui s’appuie sur 3 faits majeurs : le service client, que chacun de nous souhaite voir fonctionner 24/24h, ne peut pas être légalement assuré en France avec une telle amplitude, sauf à disposer d’une autorisation préfectorale. L’heure de travail d’un agent bien formé de centre d’appels se vend 9 euros par heure au Cameroun, au Bénin, 14 euros au Maroc, contre 28 en France.
Enfin, malgré de nombreuses initiatives, le métier attire peu.
Pourtant, de nombreux grands comédiens, des ministres même ont débuté leur vie professionnelle, un casque sur la tête.

Le 911 anti-délocalisations des plateformes téléphoniques, une bonne idée ? Une bonne nouvelle ?

*Date non connue à cette heure.
**Dans une scène culte de Camping, un mécano fort en gueule annonce qu’il va réaliser des exploits mécaniques.

Ci-après, la tribune : 

Centres d’appels, l’état d’urgence !

Quel secteur de l’économie française pèse aujourd’hui 264 000 emplois et occupe près de 1% de la population active française ? Quel secteur peut perdre plus de 20 000 positions de travail en une seule année, dans un marché européen en croissance moyenne de 3% par an, sans que personne ne s’en émeuve ni même ne s’en aperçoive ? Quel secteur connaît, au nom d’un dumping social sans fin, des délocalisations croissantes menaçant, à terme, son existence même ?

Il s’agit du secteur des centres d’appels qui, de la télévente au service après-vente, est devenu un élément indispensable de la stratégie commerciale des entreprises et, bien plus important encore, de leur stratégie de relation client.

Ce secteur n’est pas qu’une statistique. Il existe au quotidien pour les consommateurs et les usagers à travers toutes ces voix qui nous répondent (ou parfois nous démarchent) et nous délivrent informations et services. Il recouvre 3500 centres de contacts en France disséminés en interne au sein des organisations ou « externalisés » chez leurs prestataires spécialisés. Il emploie de nombreux jeunes, une majorité de femmes et facilite l’accès à l’emploi tout en devant satisfaire à une exigence croissante de formation.

Ces plateaux d’appels se trouvent partout en France, au cœur de nos territoires, souvent dans des bassins d’emplois fragilisés. Nombreux sont ainsi les acteurs de la relation client qui ont bénéficié de l’investissement des collectivités à l’image de Saint-Jean-Bonnefonds et de son parc Technologique Metrotech installé aux portes de Saint-Etienne, parmi de nombreux autres exemples.

Le secteur des centres d’appels en France voit, depuis au moins une dizaine d’années, augmenter le nombre d’emplois délocalisés ou directement créés hors du territoire. Ces délocalisations, notamment en direction du Maghreb et de l’Afrique, obéissent à une double logique de réduction des coûts et de recherche d’une flexibilité accrue.

Ces « gains » peuvent être réels dans une perspective financière de très court terme mais ils sont déjà à relativiser grandement car les délocalisations possèdent de nombreux coûts cachés : formation, conformité, contrôle qualité, sécurité, etc. Ces « gains » apparents deviennent même des pertes lorsque l’on envisage toutes les « externalités négatives » produites.

Ces délocalisations génèrent, en effet, des situations de chômage préjudiciables aussi bien aux individus concernés et à leurs familles qu’aux territoires impactés et, plus généralement, à l’ensemble de la collectivité qui doit en supporter le coût social et économique. Par ailleurs, la qualité de service liée à la relation client s’en trouve fortement dégradée et constitue pour le consommateur un motif légitime de plaintes. Lesquelles portent atteinte à l’image et à la réputation des entreprises diminuant ainsi leur capital immatériel en ayant, à moyen terme, un impact sur leur potentiel commercial et leurs résultats.

Dans un contexte de chômage de masse persistant, de territoires fragilisés en termes d’emplois et d’activité mais aussi de responsabilisation grandissante de tous les acteurs (décideurs publics, entrepreneurs, salariés, etc.), nous pensons que l’heure d’une mobilisation générale est venue !

Le secteur des centres d’appels peut constituer un levier décisif dans l’indispensable lutte contre toutes les formes de relégation et en faveur de l’émancipation et d’une mobilité retrouvée. Pourquoi ? Parce qu’il facilite l’accès à l’emploi des populations locales en ne faisant pas d’une qualification préalable un obstacle. Parce qu’il forme et professionnalise. Mais aussi parce que, confronté à la digitalisation de la relation client, il permet une montée en compétence, adaptée à l’innovation et créatrice d’emplois à valeur ajoutée.

Soyons clairs : si rien n’est fait, si les délocalisations deviennent la règle, si, par ailleurs, la formation, les conditions de travail et les perspectives professionnelles ne sont pas optimisées, si l’amélioration de la qualité du service apporté ne devient pas plus importante que la seule réduction du coût minute, alors le prix à payer sera triple. Il sera social avec la perte des emplois, politique en précipitant les « perdants » de la mondialisation dans les bras des populistes et économique, enfin, avec des organisations dont l’image sera abîmée proportionnellement à l’insatisfaction de leurs clients et usagers.

Nous saluons la mobilisation de certains élus qui, encore très récemment dans le cadre de l’examen de la loi PACTE à l’Assemblée nationale, ont fait de ces enjeux un sujet digne du débat public.
Un amendement visant à instaurer une obligation d’information au profit des utilisateurs des centres d’appels de relation-client a notamment été discuté. Il visait à obliger toute entreprise ou organisation utilisant un centre d’appel à informer ses correspondants téléphoniques sur le ou les pays d’implantation desdits centres.


Voir notre article : Et si Blackstone rachetait Oscaro.com ? (Ça va être du grand Mendez)


Cette information pourrait permettre aux utilisateurs d’intégrer le critère de localisation dans le choix éventuel de leur fournisseur de biens ou de services. Elle pourrait aussi permettre aux entreprises ou aux organisations faisant le choix d’opérer leur service de relation client en France, d’utiliser leur engagement en faveur de l’emploi comme un levier de promotion de leur image auprès des utilisateurs et des consommateurs.

S’agit-il pour autant de stigmatiser les salariés opérant depuis les pays étrangers ? Non car l’objectif est bien de rendre possible et d’initier un retour contrôlé et partiel des emplois délocalisés. Il s’agit de partager les emplois (notamment selon des critères de valeur ajoutée) et de trouver des clés de répartition qui ne soient pas contraires aux objectifs légitimes de co-développement.

Pour autant, nous refusons le cynisme de ceux qui maquillent le dumping social sous les oripeaux du développement international et nous récusons la vraie ou fausse naïveté du « laisser faire laisser aller » qui enkyste le chômage et assigne à résidence, dans des territoires perdus, les moins armés pour la compétition internationale.

Nous devons et nous pouvons agir ! Au-delà de cette éventuelle obligation d’information, nous voulons travailler ensemble à faire de ce secteur un levier d’inclusion sociale et de développement économique, pouvant profiter à ses parties prenantes comme à l’ensemble de la société.
Le « Protocole italien » constitue pour nous une intéressante base de travail et la preuve que le volontarisme est possible et que la responsabilité sociale n’est ni un vain mot ni seulement un slogan de communication.

En mai 2017, treize grandes entreprises opérant en Italie (Eni, Enel, Sky, Mediaset, Tim, Vodafone, Wind, Tre, Fastweb, Inesa SanPaolo, Unicredit Poste Italiane, Ntv et Tranitalia) ont ainsi signé un « protocole d’autorégulation sur les activités des centres d’appels ».

Ce code de bonne conduite, encadré et garanti par la puissance publique, a permis de fixer un seuil maximum de délocalisation des activités de relation client (entre cinq et vingt pourcents selon qu’elles sont effectuées en interne ou déjà sous-traitées). Il a conduit à une forte (re)localisation des emplois dans un secteur employant, en Italie, 80 000 personnes.

Le protocole italien détermine et garantit aussi les différents critères de la qualité de service à destination des clients. Il neutralise la variable des coûts salariaux dans le cadre des appels d’offres publics et engage, enfin, ses signataires au mieux-disant en termes de protection sociale.

Élus, entrepreneurs, salariés, experts, nous ne voulons plus nous payer de mots et nous satisfaire de réponses qui soulignent toutes la légitimité de notre engagement mais remettent toujours à demain le travail concret sur les enjeux du secteur. Demain n’a que trop duré et d’abord pour les salariés qui perdent leur emploi ou l’exercent dans de trop mauvaises conditions.

Face à la stérilité de la technocratie, face aussi à certains intérêts trop particuliers, nous créons un collectif inédit qui travaillera sur tous les enjeux du secteur des centres d’appels. Notre feuille de route est claire et opérationnelle : établir dans les six mois qui viennent un diagnostic partagé et proposer puis mettre en œuvre un ensemble d’actions favorables à la croissance du secteur, renforçant son attractivité et garantissant le plus haut niveau possible d’emploi dans nos territoires.

Parce que nous croyons à la force de l’intelligence collective, à la pertinence des solutions construites au plus près du terrain et à une responsabilité synonyme de création de richesse sociale et économique, nous invitons tous les acteurs partageant nos valeurs à nous rejoindre et à venir enrichir notre travail !

Les signataires

Entreprises
Notamment celles qui privilégient, en interne ou en externe, des centres d’appels situés en France et qui s’engagent en matière de qualité de service et de conditions d’emploi.

Prestataires
Les opérateurs de call centers qui privilégient majoritairement l’emploi en France et qui s’engagent en matière de qualité de service et de conditions d’emploi.

Élus nationaux (25)
Les parlementaires et les élus concernés (ou solidaires) et engagés.
Ludovic MENDES, Député LREM de Moselle
Erwan BALANANT, Député MODEM du Finistère
Jean-Michel MIS, Député LREM de la Loire
Laurent GARCIA, Député apparenté MODEM de Meurthe-et-Moselle
Pierre-Alain RAPHAN, Député LREM d’Essonne
Sarah EL HAÏRY, Députée MODEM de Loire-Atlantique
Régis JUANICO, Député apparenté PS de la Loire
Yannick VAUGRENARD, Sénateur PS de Loire-Atlantique
Jean-François MBAYE, Député LREM du Val-de-Marne
Olivier DAMAISIN, Député LREM de Lot-et-Garonne
Stéphane TESTE, Député LREM de Seine-Saint-Denis
Patrice PERROT, Député LREM de la Nièvre
Jean-Pierre PONT, Député LREM du Pas-de-Calais
Jacques MARILOSSIAN, Député LREM des Hauts-de-Seine
Joël LABBÉ, Sénateur rattaché au RDSE du Morbihan
Laurianne ROSSI, Députée LREM des Hauts-de-Seine, Questeure de l’Assemblée nationale
Brigitte MICOULEAU, Sénatrice LR de la Haute-Garonne
Roland COURTEAU, Sénateur PS de l’Aude
Fabien GAY, Sénateur PCF de la Seine-Saint-Denis
Cécile CUKIERMAN, Sénatrice PCF de la Loire
Laurent DUPLOMB, Sénateur LR de la Haute-Loire
Danièle HERIN, Sénatrice LREM de l’Aude
Nathalie SARLES, Députée LREM de la Loire
Damien PICHEREAU, Député LREM de la Sarthe
Philippe CHALUMEAU, Député LREM d’Indre-et-Loire

Élus locaux (3)
Les élus locaux concernés (ou solidaires) et engagés.
Marc CHAVANNE, Maire de Saint-Jean-Bonnefonds
Cécile HELLE, Maire d’Avignon
Gaël PERDRIAU, Maire de Saint-Etienne et Président de Saint-Étienne Métropole

Experts
Les personnalités reconnues en raison de leur expertise et de leur expérience du secteur.

Syndicats (3)
Les représentants des salariés notamment les fédérations et les confédérations.
François HOMMERIL, Président confédéral Confédération française de l’encadrement – Confédération générale des cadres (CFE-CGC)
Vincent HERNANDEZ, Secrétaire Général de la Fédération Nationale des Énergies Force Ouvrière (FNEM-FO)
William VIRY-ALLEMOZ, Secrétaire Général de la Fédération de la Confédération française de l’encadrement – Confédération générale des cadres Énergies (CFE-CGC Energies)
En cours : FO national, CFE CGC national, CGT…

Salariés
Les salariés travaillant dans des centres d’appels au sein de services de relation clients internes ou chez des prestataires spécialisés. Syndiqués ou non, disposant d’une expertise et d’une expérience éprouvées.


Photo de Une : A Manille, dans un call center et centre de BPO (business process outsourcing) de Sitel – © Édouard Jacquinet

 

 

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