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Carole Barkatz, ex-hipto, nommée directrice générale de Maddyness

Publié le 10 octobre 2024 à 10:00 par Magazine En-Contact
Carole Barkatz, ex-hipto, nommée directrice générale de Maddyness

Carole Barkatz, ex-hipto, nouvelle directrice générale de Maddyness. Marion Gatimel, nouvelle directrice générale d'Opportunity. Qu'est-ce que le journalisme, comment faire du new biz, à l'époque du digital ?

Un an et demi après qu’il en est devenu actionnaire à 50%, Marc Ménasé remodèle le management de Maddyness, le média en ligne qui évoque l’actualité des entreprises avec un focus sur le digital. Louis Carle et Etienne Portais, les deux co-fondateurs, prennent du recul sur les fonctions opérationnelles et laissent la place à Carole Barkatz, qui quitte hipto où elle aura passé deux ans, comme directrice du new biz, comme on dit dans le digital (Chief of Growth). Notre dernier rendez-vous avec elle dût être annulé. On va en reprendre un !

Carole Barkatz connait le secteur des médias puisqu’elle a travaillé chez Condé Nast et Auféminin. Julien Khaski, ex BFM-Business, est nommé rédacteur en chef de Maddyness. 

Carole Barkatz, chez hipto. © Edouard Jacquinet

Qu’est-ce que le journalisme ? 

Et comment parler de l’économie des entreprises, puisque tout un chacun peut émettre un communiqué de presse ou s’exprimer sur Linkedin, par exemple. Voir son propos relayé, aimé par ses amis, obligés, partenaires ?

Comment savoir qui génère des leads intentionnistes de bonne qualité et à un bon prix, ou qui propose une solution d’écoute de la voix du client et des collaborateurs, en mode SaaS et adaptée à une PME ? On a relu le discours, à Berkeley, d’un grand journaliste du New York Times, décédé, et qui fut choisi en mai 2014 pour prononcer un discours devant une promotion de jeunes diplômés de l’école de journalisme de Berkeley, à l’université de Californie. Fidèle à lui-même, il s’y était exprimé avec présence d’esprit, sagesse, verbe fleuri et en toute honnêteté.

Je m’appelle David Carr et je suis alcoolique. (Rires dans l’assistance)
Je trouve ça cool d’autoriser des ivrognes, des toxicomanes et des pirates à monter sur scène pour s’adresser à vous. J’ai déjà une longueur d’avance pour ma part, pour avoir participé à une autre remise de diplômes à l’université de New York. La contremarche ressemblait beaucoup à celle-ci. Et en tentant de prouver à tous que je n’ai rien perdu de ma vitalité, j’ai voulu sauter dessus, mais je me suis pris les pieds dedans. Je suis tombé face contre terre et me suis cogné le visage très, très fort, devant un public de quatre cents personnes. Je peux vous dire deux choses : un, c’est… embarrassant. Et deux, il est très difficile de parler quand on a si mal à la tronche. J’ai répété plusieurs fois la descente et la montée de ces marches, mais j’étais tendu malgré tout. Et là, un de vos camarades de classe dont je tairai le nom m’a avoué que la plupart d’entre vous ne portiez rien sous vos toges. En imaginant mon public nu, je me sens soudain bien plus calme. Je me sens en sécurité sur cette estrade…
J’ai aussi parfaitement conscience que si vous vouliez entendre des paroles pleines de sagesse ou un discours d’une grande éloquence convoquant des événements historiques, vous auriez choisi quelqu’un d’autre. Vous auriez aussi relevé dans mon parcours qu’il m’a fallu sept ans pour venir à bout de l’université.
Je n’ai ni master, ni doctorat, ni rien. J’ai été cinq fois en cure de désintox, j’ai été arrêté pour plusieurs délits mineurs et un grave, mais malgré cela, vous m’avez sélectionné. Je me suis posé pas mal de questions sur cette décision, mais je pense qu’il est trop tard pour recompter les voix! (..).
J’ai regardé les travaux de quelques élèves parmi les cinquante-et-un assis ici et je suis honoré de pouvoir dire aujourd’hui que je suis leur collègue. J’étais étonné : ils sont ambitieux, précis et veulent raconter des histoires de toutes les manières possibles, pour ensuite les partager avec le monde entier. D’après moi, la tradition qui permet à un vieux gars teigneux dans mon genre de vous donner des conseils est plutôt absurde. Qu’est-ce que je sais réellement de vos vies et de cet instant ? Je ne connais même pas la moitié des logiciels sur lesquels vous travaillez (..)
Mon premier article avait pour thème la brutalité chez les policiers. Il a été publié dans un petit hebdomadaire local, et il a été probablement lu par quelques 30 000 personnes. Erin – au même âge, 24 ans – a décidé de filmer un gars fabriquant des pistolets à partir d’imprimantes 3D pour contourner la loi fédérale sur les armes à feu. Je lui ai tapoté la tête, en lui disant : « C’est mignon comme sujet, très bonne idée ma chérie. » Je crois qu’elle a eu 12 millions de vues sur YouTube. J’aimerais l’étrangler. J’aimerais vous étrangler vous aussi, mais j’ai peur de devoir travailler un jour pour vous, alors je vais vous cirer les pompes à la place.

Marion Gatimel, nouvelle directrice générale chez Opportunity. 

Vous entrez dans un monde qui n’est incontestablement plus le même qu’avant, où le modèle économique est supposé être sur la corde raide. Mais la capacité même à faire du journalisme, à toucher des publics, n’a jamais été aussi prospère. J’aime les risques que vous prenez. Vraiment. Enfin, j’ai de l’affection pour vous, mais je ne suis pas inquiet. Tout ira bien.
Les journalistes sont aujourd’hui aussi divers que les méthodes qu’ils pratiquent. Regardez l’année dernière, un informateur isolé a contacté un blogueur isolé et ils ont dévoilé à deux l’intrusion massive du gouvernement dans la vie des Américains. Ce gouvernement est arrivé au pouvoir en affirmant être le plus transparent de l’histoire des gouvernements. Il apparaît qu’en fait, il nous cache des tas de choses. Et si nous sommes au courant, c’est grâce au travail qui a été réalisé.
On nous a appris que des espions, au sein de l’appareil de sécurité nationale, étaient infiltrés au cœur du gouvernement. Du secret à toutes les sauces : attaques de drones, listes de personnes à abattre, poursuites judiciaires et personnes sur écoute. Edward Snowden a travaillé de concert avec Glenn Greenwald, Barton Gellman et Laura Poitras pour révéler au grand jour cette affaire. Beaucoup d’autres, dont mes collègues du New York Times, ont fait avancer cette histoire avec de nouvelles pistes et ont mis en lumière des secrets bien cachés. Ils ont changé le cours de l’histoire. Je ne sais pas si vous la changerez vous aussi, mais vous aurez du moins l’occasion d’essayer ( ..)

En ce moment même, pas si loin de l’endroit où nous nous trouvons, il y a toute une génération de jeunes gens talentueux comme vous qui aident d’énormes sociétés comme Google, Twitter et Facebook à se saisir de chacun de nos moments privés pour les transformer en opportunités commerciales. Notre société a troqué notre vie privée et notre indépendance contre un tas d’applications, de services et de fonctionnalités sur Internet. La plupart du temps, les services sont gratuits, ce qui signifie bien sûr que les produits, c’est nous. Il faut comprendre qu’à chaque fois qu’on ouvre ou qu’on envoie un e-mail, qu’on télécharge une application ou qu’un cookie s’enregistre en surfant sur internet, que si tout est gratuit, il y a un coût dissimulé. Et comme je l’ai déjà dit plus tôt, quelqu’un devrait faire un article à ce sujet.
À cet instant, des gens sont en train de passer un temps considérable à décider quelle sorte de voiture ils devraient acheter, car ils ont tant d’argent qu’ils ne savent plus qu’en foutre… mais comme nous sommes à San Francisco, ils ne veulent pas prendre une voiture qui les ferait paraître riche. Leur vrai problème, c’est d’essayer de comprendre comment gérer l’image de leur richesse. De très jeunes gens, très riches, doivent conduire leur bagnole – comme je l’ai fait remarquer plus tôt – à travers un hôpital psychiatrique en plein air. Et je crois que quelqu’un devrait faire un article à ce sujet (..)
 

Le digital et la tech, des secteurs où il est complexe de faire du fact-checking. Ici, chez Zendesk. © En-Contact. 

En tant que journaliste, je ne m’en veux jamais de parler aux étudiants en journalisme, car le journalisme est pour moi une immense aventure. On doit sortir, parler à des inconnus, leur demander tout ce qu’on veut, revenir, écrire leurs histoires ou monter l’enregistrement. Vos emprunts ne seront pas remboursés aussi vite qu’avec une autre activité, et vous n’êtes pas près de ressembler à ces gens qui s’inquiètent du modèle de voiture qu’ils doivent acheter. Mais c’est ainsi que cela doit être. Je veux dire, c’est plus intéressant qu’un simple travail. Dans le cas contraire, vous devriez vous trouver un vrai boulot. Pensez à ceux qui vont tous les jours au travail et détestent ce qu’ils font. Nous, nous sommes heureux d’aller travailler. C’est toujours mon cas. C’est consternant. Je m’amuse tellement…Vous travaillerez peut-être pour un site internet, pour un journal, vous vendrez vos histoires à Frontline, ou même à HBO si vous avez de la chance. Mais en fin de compte, ceux pour qui nous travaillons, ce sont les gens qui nous racontent leurs histoires. Nous sommes leurs messagers. Nous sommes leurs guides. Nous sommes les témoins de l’histoire de ces personnes (..)

Il y aura toujours quelqu’un de plus intelligent ou de plus capable que vous qui devrait être à votre place. Comme à mon arrivée à l’aéroport, quand ma valise est passée sur le tapis roulant et que j’ai vu ma carte de visite du New York Times. J’ai presque eu un choc. Comme Ed l’a souligné, quelles étaient les chances qu’une personne comme moi finisse par y travailler ?
Et la semaine dernière – vous savez, la plupart du temps, c’est assez sympa de travailler au New York Times. Mais mercredi dernier, ma patronne – que j’admire et respecte beaucoup, Jill Abramson – a été virée sous nos yeux. Juste virée. Elle a été remplacée par Dean Baquet, un autre super journaliste que j’admire et respecte. On est resté bouche-bée. On s’est demandé comment notre lieu de travail avait pu se transformer en un épisode de Game of Thrones. On aurait dit qu’il y avait du sang partout !
Et dès que cela a commencé, j’ai sorti mon carnet et me suis mis à écrire. J’ai sorti mon iPhone et j’ai commencé à enregistrer. Je me disais que quelqu’un allait bien finir par devoir écrire un article à ce sujet. Après quoi nous nous sommes tous réunis – je pensais qu’il était important que quelqu’un, au sein même du New York Times, raconte cette histoire aussi fidèlement que possible. Et malheureusement, cette personne s’est avérée être moi. Je suis sérieux. Je me suis dit : « Que faire ? Je veux bien faire mon travail, mais je veux aussi garder mon boulot. Bien faire mon travail. Garder mon boulot. »

(…)

Enfin, mon dernier conseil, c’est de ne pas avoir peur d’être ambitieux. Je vis un rêve utopique. Et je le vis parce que je l’ai voulu. Je l’ai vraiment voulu. J’avais 34 ans, plus de boulot, je vivais des allocations, j’avais une horrible réputation, j’étais parent célibataire et je venais de rencontrer celle qui allait devenir ma femme. Elle m’a demandé : « Où est-ce que tu te vois dans cinq ans ? » Ce à quoi j’ai répondu : « Je veux compter dans le paysage médiatique national. » Sa réaction : « Mais mon amour, pour l’instant tu es au chômage et tu vis des allocations. » Je le sais ! J’essaye juste de définir mon objectif. Mais il y a aussi des gens qui douteront de vos capacités. Comme si vous alliez sortir de chez vous et vous faire directement des amis qui travaillent pour Morgan Stanley ou peu importe pour qui, ils bossent pour un site très réputé. Ceux-ci vous diront : « Bon, je pense que tu n’y arriveras jamais, mais bonne chance. » Ces gens qui doutent de vous, ce sont vos amis. Parce que vous allez leur prouver qu’ils ont tort.
Je pense souvent aux gens qui croyaient que j’allais échouer. Ces gens sont vos alliés. Ce sont vos amis secrets. Gardez-les proches de vous (…)
 Traduit de l’anglais par Estelle Sohier d’après la transcription du discours parue dans The Desk.

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