Aller ou ne pas aller au Charbon, c’est la question…
« Monter au créneau, aller au charbon…», c’est le quotidien de nombreux français, parisiens qui s’y évertuent, en silence et avec opiniâtreté.
Mais au 109 de la rue d’Oberkampf, une fine équipe fait mentir, pour une fois, la langue française : grâce à la cuisine de Nathan, aux cocktails de Franck, à l’inspiration de Bruno, de Richard et de sa cousine de bretagne parfois, aller au Café Charbon devient synonyme de plaisir.
Aller au Charbon, ça n’est plus la question, c’est un devoir !
On peut ou pas aimer l’Auvergne, force est de reconnaître qu’elle nous a donné quelques présidents de la République, une entreprise qui sait fabriquer et vendre des pneus, la fourme d’Ambert, Alexandre Vialatte, etc. et surtout les cafetiers. Plus exactement des travailleurs qui montèrent à Paris et y créèrent ces fameux établissements où l’on vendait du café, du vin, du charbon. Les cafés Charbon, ancêtres du bistrot étaient, paraît-il, majoritairement situés dans le 11ème, à proximité de la rue de Lappe. L’Auvergne, en résumé, nous a légués quelques trucs indispensables mais elle m’est également chère pour une autre très bonne raison, très personnelle : la station du Super Lioran ou j’appris à skier, sur des Rossignol… Saga.
Mais s’il faut pousser jusqu’en haut de la rue Oberkampf, au 109 précisément, ce n’est pas parce qu’on peut y farter ses skis mais parce que s’y trouve, depuis plus de deux cents ans, un genre d’établissement unique en son genre et qui fait que les scénaristes ou réalisateurs américains ont encore envie de tourner en France ; que des écrivains – tel Douglas Kennedy – des songwriters – tels que Eliott Murphy – ont envie d’y vivre : le café-brasserie. Boire un café au comptoir y est possible.
Au Café Charbon, on peut en sus, refaire le monde le soir en écoutant de la bonne musique, recharger sa locomotive de charbon grâce à un plat du jour savamment composé, et depuis les banquettes rouges et marrons, laisser son esprit embarquer : la décoration, le spectacle des hauts plafonds nous y invite, la discrétion de la clientèle l’autorise, bien que le repaire accueille souvent des têtes connues, jeunes ou pas, du monde du cinéma, de la production. Les hipsters sont restés plus bas dans la rue, ou peut-être le nom de l’affaire les a-t-il effrayés.
En 1996, c’est un artiste-peintre, Ulysse Ketselidis, qui a refait les peintures des plafonds et d’autres éléments et suggéré quelques unes des idées de décorations qui font la marque de l’affaire, en sus des murs d’enceintes hi-fi, par exemple les lustres renversés.
Hauts plafonds, banquettes rouges, murs d’enceinte, le charme du Charbon est dans l’assiette, mais pas que…
« Quand il passait devant cette brasserie, Richard me disait toujours qu’il aimerait tant gérer une affaire comme celle-là, un jour, avec son équipe », indique le père du gérant. C’est en effet un breton d’un peu plus de trente ans, ancien cuisinier de métier, fils de boucher qui est aujourd’hui aux commandes de ce café unique, après avoir peaufiné sa vision dans quelques autres brasseries du centre de Paris (voir page suivante). Tandis que le moindre café essaie de se créer un style, une histoire, pas de chichis au Charbon mais la simple et volontaire association de passionnés, chacun dans leur domaine :
« Ce qu’on veut faire ici, c’est proposer tous les jours de la bonne cuisine, à partir de produits qu’on a rigoureusement sélectionnés et découverts et que le chef va mettre en scène à sa façon. » Passé par de très grandes maisons où il a appris son métier, Bruno Saint-Louis est au sein de la fine équipe l’homme et l’âme de ce qui arrive dans votre assiette. « J’ai appris la cuisine en regardant ma mère préparer les repas, quand j’étais petit : elle me posait à côté d’elle et je la regardais faire, sortir la poêle, faire cuire le poisson… ». Après Ferrandi, le jeune papa depuis quelques jours sera passé par le Gavroche à Londres, par les cuisines de l’Elysée, jusqu’à ce qu’un jour Richard le contacte.
« Il a été cuisinier et ce que j’ai aimé, c’est le projet qu’il avait en tête, simple sur le papier mais qui reste la ligne directrice dans les autres cafés-brasseries qu’il dirige : offrir ce qu’on appellerait ailleurs de la cuisine de bistrot de chef, respecter le client en permettant à l’étudiant de profiter d’un vrai poulet-frites ou à celui qui est un peu plus argenté de découvrir tous ces produits qu’on va sélectionner, en prenant notre temps. Jambon noir de Bigorre, gorgonzola au lait de chèvre qui vont, combinés à la saveur de noisettes du Piémont, faire de la dégustation d’un plat de pâtes un moment mémorable. Dans cette quête, la sélection et la découverte de producteurs, récoltants, éleveurs est essentielle et s’appuie sur un travail régulier de découvertes, de rencontres avec des artisans, producteurs : tous les produits italiens viennent de chez Terra Candido, le vinaigre de chez Paulmier, les Saint-Jacques et les palourdes de chez Aquaprod (souvent également fournisseurs de restaurants gastronomiques). Ce qu’on cherche à faire, c’est amener le client à nous faire confiance : redécouvrir un pressé de langue de bœuf ou du thon sauvage est le résultat d’un long travail et nécessite aussi de faire des choix. Celui d’annoncer par exemple à une ancienne clientèle d’habitués… « qu’on ne fait pas de crème caramel ou de mousse au chocolat parce qu’on n’a pas ou plus envie d’en faire ».
La fidélité à une vision, la créativité laissée à chacun, ces principes s’appliquent également à l’équipe de chefs de cuisine que le «chef exécutif» a formés, pris sous son aile, aidés à conforter leur propre identité afin qu’ils volent chacun de leurs propres ailes dans leur cuisine respective : « ça fait six ans qu’on travaille ensemble, avec chacun des chefs dans les différents cafés ; maintenant, je le sais, je le sens on est en place ».
Au Charbon, en cuisine le boss, c’est Baisley
Oubliez son jeune âge et entendez plutôt l’énergie qui transparaît dans son discours où le mot rigueur fait vite son apparition. Nathan Baisley, qui accompagne Bruno Saint-Louis-Augustin depuis 6 ans, est ce jeune chef qui a pris les commandes des cuisines lors de la reprise de l’affaire en Juillet 2015, à 22 ans à peine.
Sur l’ardoise, chaque jour ce sont ses propositions qui font saliver, et nécessitent parfois des explications : « J’avais un grand père chef de cuisine et une grand-mère vietnamienne, je crois que ça doit ressortir dans ma cuisine, indique l’ancien élève du lycée Jean Drouant (rattaché à l’école hôtelière Médéric) qui a quitté Orly et les copains à 17 ans pour apprendre la cuisine et tout ce qui va avec : « la patience, la précision, la rigueur et la capacité à prendre sur soi. »
De C à N, 7 bonnes raisons de se rendre au 109 rue d’Oberkampf, au Café Charbon !
C comme Chef : Nathan Bailey, le chef, vous prépare chaque jour sa carte du jour : lisez l’ardoise.
H comme Harmonie : depuis les banquettes, profitez du décor, des peintures, jetez un œil sur les murs d’enceintes hi-fi qui composent un pan de décoration ; elles nous rappellent qu’avant Sonos ou Devialet, on écoutait déjà de la bonne musique.
A comme Aquaprod ou Terra Candido : quelques-uns des nombreux producteurs, sélectionneurs, artisans du goût que la fine équipe de Bruno et Richard convoque dans votre assiette : palourdes, pain, chèvre frais ou jambon noir au noisettes, c’est un festival de saveurs qui vous attend.
R comme Richard : le boss discret qui a convoqué son E-Street Band du café brasserie, j’ai nommé Bruno, Nathan, Franck aux cocktails, la cousine de bretagne, Jean-Luc et les autres…
B comme Bon.
O comme Oberkampf : la rue qu’il faut monter jusqu’au 109, pour découvrir et profiter de tout ceci, sans chichi.
N comme Nouveau Casino : la salle de concert mythique qui jouxte le café et dont la programmation est pensée par David.
Par Manuel Jacquinet
Les autres café et brasseries animés par l’équipe du Charbon :
Café Le Charbon, 109, rue d’Oberkampf, 75011
Brasserie La Fronde, 33, rue des Archives, 75004
La Bonne Bière, 32, rue du Fbg du Temple, 75010
Le Plein Soleil, 90, avenue Parmentier, 75011