Welcome to the Philippines
De Manille à Palawan, rencontre avec les équipes de Sitel aux Philippines.
« It’s Manila »
Il m’a saisi la main et m’a incité à regarder à travers le hublot. Nous n’avions, en 14 heures de vol entre Paris et les Philippines, via Oman, échangé aucun mot, mon voisin et moi. Je ne voyais dans la nuit que les lumières d’une grande ville. Mais ce que je percevais, derrière les deux mots de mon nouvel « ami », s’apparentait au récit bref d’un miracle à venir.
Beaucoup de Philippins quittent leur pays pour aller gagner leur croûte, ici ou là et reviennent souvent ensuite pour s’installer ou installer leur petite affaire, une fois le pécule constitué. J’ai compris, entre l’annonce du miracle et les premiers effleurements du tarmac, que j’avais été assis à côté d’un homme heureux de retrouver sa femme et son pays, quittés depuis deux ans.
Plus tard dans cette même journée, un autre homme m’a saisi le bras et partagé sa joie. De vivre là, d’avoir laissé son Amérique natale bien loin. Craig Reines qui vous explique avec mille détails son amour pour ce pays, les missions engagées dans les centres pour tenter de combattre tel ou tel « ennemi », c’est Paul, apôtre, qui part sur les routes pendant trente ans pour convertir pacifiquement, après que le message de Jésus l’a touché.
« It’s a special place »
La « conversion » du pays aux centres d’appels et à leur installation est récente mais elle a été foudroyante, reléguant l’Inde à la 2ème place sur le podium des pays adeptes du BPO (Business Process Outsourcing), sept ou huit ans à peine après le début de la course.
Edsa Road, l’artère de Manille engorgée une large partie de la journée, est jalonnée des panneaux éclairés qui témoignent de la même ardente bataille : celle du « hiring ». Ici, les armées qui recrutent s’appellent Teleperformance, Convergys, Accenture, Alorica.
En prononçant, ce soir-là, ces quelques mots, le maréchal d’empire Craig Reines me faisait donc presque une confidence. Certainement, Craig était-il venu pour gravir une marche supplémentaire dans sa carrière de militaire des call centers, mais peut-être était-il tombé amoureux des champs de bataille. Comme d’autres américains avant lui, et les espagnols longtemps avant, de ces îles stratégiques sur les routes maritimes.
Les premiers avaient laissé de nombreux vestiges positifs tels la maîtrise de la langue, la conviction que l’éducation aide, les seconds un peu moins de souvenirs positifs apparemment, à ce qu’on en a compris, sinon des traces dans les noms de famille.
« It’s a special place », c’était soit un mauvais slogan de pub, soit une invitation intrigante et habile à faire notre travail. La princesse de Palawan, Rafi Cabresos et les autres « associates » de la famille Sitel étaient disposés à nous aider dans cette enquête.
Par Lucy Lavabre et Manuel Jacquinet
Photographies Édouard Jacquinet