Villas de rêve en territoires occupés, en Cisjordanie, à louer sur Airbnb ou Booking.com

« Regardez le soleil se lever sur les montagnes voisines, depuis la somptueuse chambre principale ». Airbnb et Booking.com aident les Israéliens à tirer profit des terres palestiniennes volées.
760 chambres sont proposées à la location dans des hôtels, appartements et autres locations de vacances, sur les plateformes d’Airbnb e de Booking, depuis août 2024. « Il appartient aux voyageurs de choisir où ils veulent et doivent aller » répond Booking. Airbnb indique quant à lui reverser le produit des locations en Cisjordanie à des associations humanitaires, sans préciser le montant.
Récemment, Booking a proposé, sans qu’on sache si le compte en question était hacké, des offres d'emploi et de collaboration sur WhatsApp, avec des rémunérations payées chaque jour.
A Tekoa et Avnat, des « communautés chaleureuses et aimantes » dans des « régions calmes et accueillantes »
Une analyse exclusive menée par le Guardian a révélé que 760 chambres étaient proposées à la location dans des hôtels, des appartements et d'autres locations de vacances situées dans des colonies israéliennes illégales en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, sur deux des sites web touristiques les plus populaires au monde.
La villa est magnifique. La piscine privée, la terrasse luxuriante et aménagée avec un foyer, la longue table à manger avec sa vue imprenable depuis le balcon, la table de ping-pong, le piano. Mais le joyau de la couronne, selon l'annonce Airbnb, est « l'expérience de regarder le soleil se lever sur les montagnes voisines depuis le luxe de la somptueuse chambre principale. La villa avec vue sur les montagnes de Judée se trouve dans une colonie située sur des terres saisies aux Palestiniens et considérées comme illégales au regard du droit international humanitaire.

Les photos d'Airbnb ne peuvent être montrées pour des raisons de droits d'auteur, mais ces illustrations donnent un exemple du type d'hébergement proposé. Les prix varient entre 80 et 400 livres sterling par nuit et comprennent des équipements de luxe tels que des piscines.
En réponse à ces arguments, certains hôtes Airbnb à Tekoa et Avnat ont déclaré que le Guardian adoptait un point de vue « partial » et « antisémite ». Plusieurs ont affirmé que les Palestiniens n'étaient pas autorisés à entrer dans les colonies parce qu'ils étaient dangereux. L'un d'eux a déclaré qu'il n'hébergerait pas de Palestiniens pour la même raison : « vous n'hébergeriez pas des gens qui vous considèrent comme un ennemi et qui pourraient vous assassiner ».
« Les crimes de guerre ne sont pas une attraction touristique »
En opérant dans les colonies, les multinationales telles que Booking.com et Airbnb violent le droit international, avertissent les militants des droits humains. Booking.com et Airbnb font partie des 16 entreprises non israéliennes identifiées par l'ONU comme ayant des liens avec les colonies israéliennes en Cisjordanie. « Toute entreprise qui fait des affaires dans les colonies illégales d'Israël contribue à un crime de guerre et aide à soutenir le système d'apartheid israélien », a déclaré Kristyan Benedict, responsable de la gestion des crises chez Amnesty International UK, en réponse aux conclusions du Guardian.
Des plaintes pénales déposées contre les deux plateformes.
L'organisation néerlandaise à but non lucratif Centre for Research on Multinational Corporations (Somo) a déposé plainte auprès du procureur général néerlandais en novembre 2023. Dans cette plainte, Booking.com est accusé de « tirer profit de crimes de guerre en facilitant la location de maisons de vacances sur des terres volées à la population palestinienne indigène ».
Le mois dernier, le groupe a présenté de nouvelles preuves aux procureurs néerlandais, affirmant que depuis le dépôt de la plainte initiale, Booking.com avait « considérablement élargi » son offre dans la Cisjordanie occupée.

Les réponses d'Airbnb et de Booking.com
Airbnb a annoncé en novembre 2018 qu'il supprimerait environ 200 annonces en Cisjordanie occupée, mais la société est revenue sur sa décision quelques mois plus tard après que des avocats israéliens aient intenté un recours collectif au nom des hôtes et d'autres personnes contre la suppression des annonces. La société a déclaré qu'elle reversait les bénéfices réalisés dans cette région à des organisations humanitaires.
Airbnb a refusé de divulguer le montant de ses dons aux organisations humanitaires depuis 2019, date à laquelle elle est revenue sur sa décision de supprimer les annonces de location de maisons en Cisjordanie occupée par Israël. En annonçant ce revirement, la société américaine a déclaré qu'elle reverserait l'intégralité des recettes provenant de toutes les locations en Cisjordanie à des organisations humanitaires. Les recettes ont été versées à l'Institute for Economics and Peace, un groupe de réflexion international basé à Sydney, en Australie.
Un porte-parole d'Airbnb a déclaré : « Depuis 2019, Airbnb reverse tous les bénéfices générés par l'activité des hôtes en Cisjordanie à une organisation internationale à but non lucratif. Nous poursuivrons cette approche dans le cadre de notre politique mondiale relative aux territoires contestés »
Un porte-parole de Booking.com a déclaré : « La guerre à Gaza et la violence croissante en Cisjordanie, au Liban et en Israël sont déchirantes, et nous sommes profondément attristés par la douleur, les souffrances et les pertes extrêmes que tant de personnes dans la région endurent. Nos pensées vont à toutes les personnes touchées et nous espérons sincèrement que la violence prendra fin.
Notre mission est de permettre à chacun de découvrir le monde plus facilement et, à ce titre, nous pensons qu'il appartient aux voyageurs de choisir où ils veulent et doivent aller. Ce n'est pas à nous de décider où quelqu'un peut ou ne peut pas voyager.
Le tourisme en Cisjordanie à l'ère de la location saisonnière
Les colons affirment que les terres volées appartiennent désormais à Israël, comme en témoignent les annonces publiées sur Airbnb. Deux propriétés sur cinq situées dans des colonies israéliennes indiquaient Israël comme emplacement dans leur titre, leur adresse ou leurs détails de localisation, et seules deux annonces mentionnaient explicitement qu'elles se trouvaient sur des terres palestiniennes Les 3/4d'entre elles mentionnaient le nom de la colonie dans leur titre, leur nom ou leur emplacement.
Zeke Hunter-Green, Carmen Aguilar García, Anna Leach, Mark Townsend, Pamela Duncan et Prina Shah sont les enquêteurs et infographistes du Guardian en charge de ce travail.