Un certain BB (Bruno Becquet)
Le dirigeant d’Ivoo exerce, à La Rochelle et ailleurs, un métier bien particulier. Dans ses plateformes téléphoniques, des dizaines de commerciales sédentaires oeuvrent pour des Esat…
J’ai rencontré voici quelques années, car les métiers du téléphone et les plateformes téléphoniques nous amènent à voyager, un autre grand voyageur, Bruno Becquet, dirigeant d’Ivoo. Discret, amoureux de la mer et des îles, d’une au moins. Passionné et têtu comme sont ceux qui apprécient de s’attaquer à un problème ou une question et sont emmenés, parfois, parce qu’ils ne renoncent pas à trouver, à chercher plus longtemps que prévu.
Après qu’on le lui a souvent demandé, on a enfin eu son accord ; pour qu’il nous raconte ce qu’il fabrique là-bas entre Rochefort et la Rochelle en passant par Alger. Et nous livre, ah cette discrétion, quelques clés de compréhension. Qui est BB ? A quoi s’occupent ces dizaines de télévendeuses qu’il emploie et forme et ont souvent, grâce à ce nouveau métier, changé de vie ?
En-Contact : « Je voudrais que mes téléconseillères travaillent avec de bons outils et dans des conditions qui leur permettent de bien gagner leur vie, parce qu’elles atteignent leurs objectifs. » Voilà en substance ce qu’on s’est dit lorsqu’on s’est parlé au téléphone pour la première fois, il y a longtemps. Vous n’avez pourtant pas toujours dirigé et créé des sociétés spécialisées dans la vente par téléphone ?
Bruno Becquet : En effet après avoir très vite quitté la finance, j’ai eu un parcours professionnel dans l’industrie (injection des matières plastiques puis fabrication de mobilier de collectivité).
J’y ai très vite constaté l’atout que constituaient de bonnes conditions de travail dans l’engagement des équipes. C’est également à cette époque que j’ai pu expérimenter la vente à distance en connaissant mes premiers succès dans le Fax Mailing.
Depuis, je me suis passionné pour ces techniques qui allient le travail sur base de données et l’écriture. La vente par téléphone, lorsqu’elle est maitrisée, est un terrain de jeu inépuisable.
Je ne connais pas beaucoup d’entrepreneurs passés par HEC et qui se passionnent pour la commercialisation de produits fabriqués dans des Esat (des centres pénitentiaires notamment). Vous avez fait de la détention provisoire et vous vous en souvenez ou vous aimez bien faire ce que les autres ne font pas ?
HEC ou pas, en réalité, il y en a beaucoup comme moi qui aiment donner du sens à ce qu’ils font. Et développer un modèle économique viable au service d’une juste cause, se sentir utile, ce sont des choses qui ont une résonance pour moi. J’aime l’idée d’être un « mercenaire du commerce », engagé dans une action aux côtés d’une population trop souvent oubliée dans la course à l’opulence. Peut-être ai-je trop regardé de westerns…
Ivoo a, dans notre industrie, une très bonne réputation ; vous êtes fidèle à vos fournisseurs, tout en étant exigeant. Est-ce une règle de vie, un reliquat d’une éducation avec des principes ou la condition pour survivre désormais ?
C’est vrai que j’attache une très grande importance au respect des engagements et en effet, je ne me suis jamais posé la question en termes de fidélité mais bien en termes d’efficacité.
Jusqu’à ce jour, j’ai eu la chance de ne croiser que de vrais professionnels et dans ce cas-là, je ne vois donc aucune raison de leur être infidèle. A l’inverse, je n’ai aucune sympathie pour l’amateurisme professionnel qui doit être immédiatement sanctionné dans la mesure où il représente un véritable danger dans la compétition économique dans laquelle nous sommes engagés.
Jusqu’à ces dernières années j’ai eu la chance de ne pas y être confronté trop souvent.
Le Stade Rochelais, que vous soutenez, fait la démonstration depuis qu’il est dans le TOP 14 que les modestes peuvent arriver à se faire une place au sein de l’élite. Quel parallèle voyez-vous avec le métier exigeant qu’est celui des commerciaux sédentaires ?
Combativité, humilité et respect de l’autre font partie des valeurs du Rugby.
Eh bien les mêmes ingrédients sont nécessaires pour devenir un professionnel de la vente au téléphone. Les dirigeants du Stade Rochelais ont su inscrire ce club dans le temps en faisant partager une vraie vision, en sachant fixer des objectifs permettant à tous de se mobiliser et de progresser. Se fixer des objectifs, analyser ses échecs comme ses réussites, c’est l’essence même d’un véritable vendeur au téléphone. Il faut savoir donner du temps au temps pour disposer d’équipes capables de relever les défis de ce type de vente.
Que de chemin parcouru depuis nos premières expériences de télémarketing…
Quand on est de Rochefort et qu’on aime la mer, mais qu’on est également parti travailler en Algérie, que préfère-t-on lire ? Camus ou Pierre Loti ?
Choix difficile… Mais finalement, aujourd’hui, je crois que face à l’absurde de certaines situations auxquelles il nous arrive d’être confrontés, je partage ce besoin de révolte qui finalement donne un sens à ce que nous faisons. Alors CAMUS !
« Et toujours, et toujours, ces morues vives se faisaient prendre ; c’était rapide et incessant, cette pêche silencieuse. L’autre éventrait aussi, avec son grand couteau, aplatissait, salait, comptait et la saumure qui devait faire leur fortune au retour s’empilait derrière eux, toute ruisselante et fraiche », Pierre Loti, Pêcheur d’Islande.
Par Manuel Jacquinet
Photo de Une : Bruno Becquet et ses équipes – © DR