The Traveling Wilburys du BPO et de l’expérience client repartent en tournée !
Le rachat annoncé de CCA International par Comdata démontre que l’agilité et la vélocité ne sont pas l’apanage de l’extrême jeunesse. Que les italiens font parfois de très grands succès en s’acoquinant avec des bluesmen : Zucchero Fornaciari connaitra son plus grand tube avec Paul Young, Senza Una Donna. Si Massimo Canturi (CEO de Comdata) prend le risque de financer une grande tournée européenne, c’est qu’il a confiance en son groupe, animé par des musiciens capables de jouer derrière ou devant. Et si demain ceux-ci ralliaient un grand américain (genre Bob Dylan), on aurait carrément le droit aux Traveling Wilburys* !
Interview exclusive de Patrick Dubreil (CCA International) et Maxime Didier (Comdata France).
En-Contact : Vous publiez les « bans » de cette nouvelle union. Qu’apporte-elle à vos clients, et qui vous semble unique ? À vos collaborateurs ?
Maxime Didier : Il faut resituer cette opération dans le contexte de consolidation de notre marché, caractérisé par sa maturité et la rationalisation des stratégies d’achat des grands donneurs d’ordre. En France, le nouvel ensemble Comdata France va atteindre une part de marché de l’ordre de 15%. Les clients bénéficieront progressivement d’une offre élargie mixant CRM et BPO, maîtrisée et sur un portefeuille sectoriel de plus de 250 clients, opérée sur 27 sites en langue Française. Pour les salariés, l’opération se traduit par des perspectives d’activités nouvelles, assorties de possibilités d’évolution vers de nouveaux métiers.
Du premier contact avec une marque (ex The Coca-Cola Company, via CCA international à Londres) jusqu’au recouvrement ou la reconquête d’abonnés par téléphone, SMS, etc., en passant par l’expérience client multilingue dans l’automobile ( ex Nissan etc à Gennevilliers ), vous êtes désormais en mesure d’intervenir à tous les moments du parcours clients, en omnicanal. C’est le sens de l’histoire mais quel point de contact proposez-vous à un prospect qui désirerait un “one stop shopping ” pour tous ces services ?
Patrick Dubreil : La pratique d’achat des donneurs d’ordre les plus importants (ceux représentant les ⅔ du marché) est aujourd’hui largement formalisée et « processée » (RFI/RFP ndlr), ce d’autant que la plupart des appels d’offres sont des consultations de renouvellement. Pour autant, l’accessibilité de nouveaux clients éventuels à une offre globale CRM BPO d’expérience client externalisée doit être favorisée. Nous allons maintenir la culture de proximité de nos deux entreprises afin d’offrir une capacité de décision et de suivi du compte au plus proche du client.
Le secteur des télécoms par exemple, historiquement grand client et donneur d’ordre du secteur, doit ” mieux s’occuper de ses clients” (comme le déclarait un des grands dirigeants du secteur, Patrick Drahi). Le BPO est-il en France l’une des prestations que vous êtes en mesure de proposer à cet effet ? Comme c’est le cas en Italie ?
MD : Il est effectivement vital de “s’occuper de ses clients” dans les environnements fortement concurrentiels. Bien s’en occuper se traduit d’ailleurs souvent par des économies globales avant même de parler de croissance et de profit ! Les télécoms en France sont le théâtre d’une bataille féroce laquelle, par rebond, a constitué l’aiguillon d’une consolidation accélérée chez les partenaires que nous sommes.
Vos deux entreprises se sont fait connaître par un « track record » réussi sur la reprise de sites, de centres internalisés, comme chez Yves Rocher ou Fnac. Cette fusion entre vos deux groupes est-elle porteuse de plans d’économies pour financer le rachat, ce que craignent en général les salariés, ce que demandent les fonds ou de redéploiements en termes de ressources humaines ? Ou bien avez-vous identifié d’autres types de synergies ?
PD : Un projet de cette envergure ne peut pas se limiter à une rationalisation d’organigramme même si, bien évidemment, l’ex N°6 et l’ex N° 7 doivent définir un nouveau schéma global d’organisation à la nouvelle donne de ce marché (nous allons ensemble réunir 12 000 salariés). Les véritables synergies sont à rechercher. Et à mon sens, elles sont liées à notre capacité à proposer un éventail élargi de capacités de production (mix qualité/prix/compétence/localisation), et à mutualiser intelligemment des fonctions supports (IT RH QF- inter sites).
MD : Pour ma part, j’ajoute qu’une partie significative de nos métiers est encore réalisée chez nos clients avec plus ou moins de succès et de bonheur. Nous devons les convaincre que l’externalisation a des vertus. De ce fait, la reprise, ou « carve-out », est une des options que nous proposons. C’est pour cela que nous nous sommes portés récemment acquéreurs de Mobipel en France, et que nous nous activons sur des projets identiques en ce moment-même en Italie et en Espagne. Nos deux entreprises ont développé, sur ce type d’opérations, une expertise particulièrement différenciante.
Qui sont, demain, les grands concurrents de l’ensemble que vous créez : les prestataires en matière d’externalisation de l’expérience client ou les acteurs du BPO ?
MD : C’est la bonne question ! Le métier est en train de changer, d’évoluer. Se déclarer acteur spécialisé en BPO et CRM ne suffit pas à être légitime. Aucun des acteurs historiques de notre marché ne dispose aujourd’hui, selon moi, d’un panel aussi vaste de prestations que celui de Comdata. Je ne parle pas de matériel marketing et de déclarations mais de business cases, d’opérations qui tournent et qui nécessitent une somme d’échecs, d’erreurs et heureusement aussi de succès qui forgent une expertise et une expérience. C’est en forgeant que l’on devient forgeron.
L’annonce récente de Bertelsmann de vendre la division Arvato CRM rappelle à quel point une bonne lecture prospective est nécessaire. Nous disposons aujourd’hui de suffisamment de recul pour classer et évaluer les acteurs de notre marché en 4 catégories. Les spin-off principalement issus du secteur des télécoms (Atento / Transcom / SNT / Konecta…). Les filiales ou excroissances historiques telles qu’Arvato ou BlueLink. Les pure-players globaux (Teleperformance, Webhelp, Comdata, Acticall-Sitel) qui se sont finalement démontrés plus performants et surtout plus stables (la sortie de Conduent du périmètre Xerox en est une parfaite illustration). On trouve enfin des acteurs locaux, ne disposant pas d’une taille critique et que je crois appelés à disparaître ou être rachetés.
Ces grands mouvements tectoniques ont agité le sol français sur lequel Comdata désire devenir l’acteur de référence, la valeur refuge, pour des clients qui recherchent la stabilité, la solidité, la performance et la proximité.
Que vous ont dit vos clients lorsque vous les avez appelés pour leur annoncer ce rachat, ce rapprochement ?
PD : “Cohérent et pertinent” a été la réaction la plus rencontrée chez nos clients et nos salariés.
MD : Nos modèles d’organisations sont assez similaires ainsi que nos ADN respectifs qui ont été forgés dans l’adversité. Je me suis toujours inspiré de ce qui fonctionnait à la grande période de Teleperformance en France, cette époque où l’entreprise était gouvernée par un certain Patrick Dubreil. Je voudrais saluer ici la pugnacité dont il a fait preuve et l’incroyable tour de force que représente le redressement de CCA International.
La question détente :
Patrick, Maxime, il ne s’agit pas d’une reformation d’un très grand groupe de rock, car vous n’aviez jamais joué ensemble, mais d’un méga groupe comme ceux que composent un jour de très grands musiciens rejoignant leurs pairs : The Traveling Wilburys, ou des duos comme Clapton/ BB King. Deux questions : qui assure la rythmique ? Qui est le soliste, s’il y en a un ? Et Massimo (Canturi) qui finance cette tournée vous a demandé de faire… combien d’entrées ?
PD : Nous sommes inspirés par plusieurs figures pour ce dernier Taratata : le Boss et son E Street Band pour la puissance scénique, Malcom Young (AC/DC) pour sa rythmique implacable, et last but not least, les Rolling Stones qui reste le plus grand groupe de Rock’n Roll du monde !
Propos recueillis par Manuel Jacquinet
* The Traveling Wilburys était un supergroupe anglo-américain, de 1988 à 1990, composé de Bob Dylan, George Harrison, Tom Petty, Jeff Lynne et Roy Orbison.
BPO : Business Process Outsourcing
Image en une : le supergroupe en question par @travelingwilburys