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T’es pas en Afrique ? T’es Gaou !

Publié le 27 juin 2019 à 10:12 par Magazine En-Contact
T’es pas en Afrique ? T’es Gaou !

Bien sûr, la 5ème édition du Sarcca n’aura pas accueilli, dans le parc verdoyant où il s’était installé, de multiples stands de technologie ou les grands prestataires européens de centre de contacts mais la dynamique Anna Catché (organisatrice du Salon Africain de la Relation Client) a réussi son défi : attirer à 6h30 de vol de Paris une grande partie de ceux qui croient en l’Afrique comme nouvelle patrie d’accueil des acteurs en BPO. Au point d’y installer de très beaux sites de production et de partager, le jeudi soir de l’Ascension, un dîner de gala organisé pour la remise de Palmes. Les fondateurs de Reach Consulting, de Media Contacts, Vipp ou de Nixxis côtoyaient pendant la soirée les directeurs de centres de Webhelp (Karim Layachi), les représentants des marques Canal+ International ou MTN, dans un joyeux brouhaha. L’émotion et l’enthousiasme qu’on a ressentis lors des 3 jours de conférence ressemblent fort à celle qu’on entend dans les travées des centres d’appels, indéniable et principal atout du Bénin, de la Côte d’Ivoire ou du Sénégal. Ces 3 pays d’Afrique de l’Ouest et subsaharienne ont vu s’installer, en moins de 8 ans, les plus grands acteurs mondiaux des centres de contacts, après que quelques pionniers y ont ouvert la voie. Pour peu, il y aurait presque embouteillage, par exemple au Sénégal, une destination souvent choisie par ces grands acteurs, lorsqu’ils réfléchissent au pays idéal pour leur installation. Un choix assez conformiste pour certains. « Le risque pays joue parfois en défaveur d’un pays tel que la Côte d’Ivoire, considéré comme plus risqué mais c’est une idée fausse », déclare un bon connaisseur du continent qui ajoute : « dans un an, certes, des élections auront lieu ici mais en Afrique de toute façon, personne ne peut trop prédire ce qui peut arriver. »

Sourire + émotion, la killer application africaine ?

Il traine à Abidjan, à Dakar, dans les banlieues de Cotonou moins de personnes et de startuppers qu’à VivaTech. Pourtant, on trouve dans ces villes que la croissance un peu folle de leurs pays rend désordonnées et bruyantes, prises parfois dans des pluies torrentielles, le cocktail explosif évoqué partout et au cœur de l’expérience client : l’émotion et la capacité à trouver la solution, quelles que soient les obstacles. « Dans les centres de contacts, par exemple, le fameux sourire dans la voix préexiste souvent et n’a qu’à être développé », indique Jean Suzanne, Coach chez Vipp-Interstis. « Nous avons de notre côté fait développer des applications par de jeunes codeurs locaux », indique Anna Catché, des projets rendus à l’heure par de jeunes développeurs, moins prétentieux que quelques prestataires européens. Tandis que de multiples startup ou sociétés plus installées travaillent sur l’analyse des émotions en France ou en Europe, notamment dans les conversations, les centres de contacts subsahariens regorgent de profils qui produisent quotidiennement cette émotion, qui s’entend.

La patrie d’Angélique
(Le méconnu Benin)

C’est une diva, une des femmes les plus influentes du monde de la musique depuis plus de 30 ans et sa prestation lors des cérémonies du 11 novembre l’année passée à Paris, a achevé de la faire connaitre de ceux qui ignoraient encore son talent. Mariée à un musicien et compositeur français qu’elle rencontra dans une école de Jazz (Jean Hérail), Angélique Kidjo a enchainé les collaborations avec les plus grands. Le Boléro de Ravel, lorsqu’il est chanté par Angélique accompagnée de Branford Marsalis n’est-il pas le meilleur témoignage des liens anciens qui unissent l’Afrique et le reste du monde ? Ce qu’elle disait des collaborations dans son art illustre bien en tous cas un fait avéré au Bénin : « il faut prendre son temps ici, ne pas brusquer trop les choses, en plaquant des modes de conduite de projet type consulting », sourit Charles-Emmanuel Berc.

La chanteuse béninoise a raconté qu’elle aurait voulu collaborer avec Aretha Franklin, ou Miles Davis mais que, dans les deux cas, les projets n’ont pu aller à leur terme pour cause de décès de ses idoles. « Quand il s’agit de musique, je ne suis jamais en train de forcer les choses. Il faut que je puisse porter ce que je fais, que je sois dans la vérité totale. »

Petit pays au sein duquel le port est le poumon économique, qui permet notamment de faire transiter le coton et tout ce qui provient ou part vers la sous-région, le Bénin accueille depuis plus de dix ans désormais la société Media Contact Call Center, fondée sur place par Claude Padonou, ancien cadre de de Cap Gemini. Après des débuts compliqués, « puisqu’il fallait ensemencer dans ce pays la culture et les outils nécessaires à un bon niveau de prestation en relation client, l’entreprise s’est principalement développée via des collaborations pour les marchés endogènes, en s’installant d’ailleurs sur 4 autres pays avoisinants », indique le fondateur. Son seul voisin sur place à Cotonou, capitale économique du pays, est désormais Vipp, arrivé depuis 7 mois et qui duplique ici la recette qui lui a bien réussi au Cameroun : programmes ambitieux et innovants de formation, exigence de tous les instants et à tout niveau puisqu’une partie de ses grands clients lui confient des programmes d’acquisition de clients. « Nous employons sur place près de 700 personnes désormais », indique Fabrice, l’un des cadre maison camerounais qui est parti tel un soldat en mission ouvrir cette nouvelle destination. L’ossature du management est en effet issue des équipes de Yaoundé, la ville du Cameroun où l’entreprise a fondé jusque-là tout son développement. « Les téléconseillers béninois sont très respectueux de l’autorité et des règles. Il nous faut donc leur apprendre que dans une vente par téléphone, la directivité est essentielle tout comme de ne pas écouter toutes les objections. Au Cameroun, au feu rouge, on ne s’arrête pas forcément », sourit le grand sportif. Pour parvenir à tenir le rythme d’enfer imposé par les commandes des donneurs d’ordre et l’ambition du fondateur, les séances de body-attack réunissent, deux fois dans la semaine, jeunes recrues et le management, dans une salle dédiée. Et ce n’est pas le Boléro de Ravel qui donne le rythme, loin de là. Cœurs fatigués s’abstenir !

La fièvre jaune n’en a effrayé aucun
(Ils sont tous en Côte d’Ivoire)

Alors même qu’elle était restée isolée sur l’échiquier des destinations adaptées au BPO et aux centres de contacts, la Côte d’Ivoire accueille désormais de très grands prestataires du Top 10 France et Europe : Acticall-Sitel y fût presque un précurseur, Majorel (Arvato) y possède également une entité tout comme le leader volontaire du marché européen, Webhelp. La taille et la modernité des deux centres installés depuis l’an passé (au total plus de 1200 positions de travail) dénotent la force des convictions webhelpiennes. « C’est en partie ici que risquent de s’inventer les nouvelles pratiques en matière de BPO, dans la santé et dans d’autres domaines », a annoncé Karim Layachi le manager local en tenue du pays, lors d’une des conférences du Sarcca. Comme son grand cousin né comme lui au Maroc, Intelcia, le groupe co-fondé par Karim Bernoussi n’a pas attendu pour dérouler son plan de marche et s’installer lui aussi, à Abidjan. Plus de 450 agents y placent les abonnements d’un opérateur téléphonique et celui d’une chaine câblée, dans un environnement corporate et qui marque l’uniformisation des procédures et des bonnes pratiques. En moins de trois ans, le lionceau marocain a déjoué bien des pronostics. A Abidjan, dans la 5ème à Longchamp, il y a du monde sur la ligne de départ !

Ecartin Bosson, directeur de site Intelcia en Côte d’Ivoire porte un prénom à consonance portugaise, mais il est bien africain et spécialiste du métier. Ses classes, il les a faites chez Ericsson. Dans un centre remarquablement organisé, les zones correspondant au parcours collaborateur s’enchainent dans un vaste espace clair au branding corporate. Sélection et recrutement, formation initiale, montée en compétences et production. C’est pourtant l’esprit de famille qui s’avère la qualificatif retenu et choisi par les agents pour qualifier l’ambiance de l’entreprise, localement.

A Abidjan, Intelcia a créé un des 26 sites que le Groupe gère dans le monde, dans 8 pays.

« L’organisation du Groupe nous permet d’avoir de bonnes synergies entre les équipes en central qui sont garantes de la cohérence pour réaliser les opérations de nos clients, de l’alignement des pratiques et les équipes en local qui assurent le delivery et qui sont autonomes dans la gestion du site. Grâce à cette combinaison alignement central/ management local, le site d’Abidjan est très vite monté en compétences. En moins d’un an, 80% de l’encadrement s’est constitué à partir de la promotion interne », directeur de site. 

« Le site Intelcia représente aujourd’hui le quart de notre dispositif en Afrique Subsaharienne (hors océan indien). Avec près de 500 collaborateurs, le site héberge des activités de service client et support technique pour l’un de nos principaux clients dans les télécoms ainsi que des activités de service client pour un client local. Nous passerons à 1000 collaborateurs en 2020. Le pays a un important potentiel de croissance et le bassin d’emploi est riche avec un niveau d’éducation élevé », Karim Bernoussi.

Facts and figures

Une population jeune, offrant un vivier important à moindre coût pour les activités de téléservices.

220 millions d’Africains ont entre 15 et 24 ans, ce qui fait de l’Afrique le continent le plus jeune du monde.
75 % des jeunes africains sont alphabétisés.
10 à 12 millions de jeunes arrivent chaque année sur le marché du travail.
60 % des chômeurs africains sont jeunes.
79 € / 85 € par mois, Angleterre & France, la moyenne des salaires minimum pour chaque zone linguistique.
Un fléchissement de la croissance qui ne parvient pas à franchir la barre des 3% depuis 2015. Fortes disparités de la croissance du PIB 2018 en Afrique subsaharienne.

Zone francophone :
7,7% Éthiopie
7,5% Côte d’Ivoire
7,2% Rwanda
6,6% Sénégal
6,6% Tanzanie

Zone anglophone :
8,8% Guinée Équatoriale
1,8% Angola
0,6% Eswatini
0,7% Namibie
0,9% Afrique du Sud

Source : Etude Reach Consulting

La cité lacustre de Ganvié

La cité lacustre de Ganvié, sur le lac Nokoué, regroupe plus de 35 000 habitants, vivant tous dans des habitations montées sur pilotis. Des pêcheurs reproduisent aux alentours les gestes ancestraux.
Les premiers résidents de cette merveille située à 30 minutes de Cotonou s’y seraient installés pour échapper à l’esclavage. Le bonheur se partage en barque. Pas de réservation possible sur Booking, pas de location sur Airbnb. L’Afrique, en prenant le temps, est parfois à la pointe de la modernité.

Architecture de la filière téléservices

Pourquoi faut-il adapter bâtiments, outils de formations et techniques de recrutements en Afrique de l’ouest ?
Dans une conférence studieuse et suivie, animée par Reach Consulting lors du SARCCA 2019, les fondateurs du cabinet ont analysé et décrit les tendances et chiffres qui expliquent le développement de la filière téléservices ainsi que les conditions clés de succès d’une implantation locale. Les visites qu’on a effectuées sur place, à Cotonou (Bénin) ou à Abidjan (Côte d’Ivoire), démontrent une prise en compte rigoureuse de ces facteurs par les nouveaux arrivants. Dans les deux cas de figure les sites sont parvenus à recruter 600 et 450 personnes respectivement en moins d’une année. Voir les photos des sites de VIPP et d’Intelcia dans ce reportage.

Les pièges à éviter et les points de vigilance lors de l’implantation d’une activité de Téléservices
Bâtiment : Le choix du bâtiment est primordial pour la réussite du projet d’implantation. Il faut trouver les locaux répondant aux besoins et contraintes de l’activité tout en prenant en compte l’accès du personnel au site. L’aménagement du bâtiment doit aussi être sécurisé afin de respecter le planning et la qualité de finition attendue.
Adapter ses méthodes de recrutement : Bien que le vivier soit important pour les conseillers clients, les méthodes de management et de recrutement doivent être adaptées aux contraintes locales pour garantir la qualité des ressources. Une attention particulière doit être portée pour les profils suivants, qui représentent un véritable enjeu : télévendeur, manager de proximité et manager fonctionnels/de production.
Outils : L’infrastructure téléphonique et SI est un enjeu majeur pour les centres de contacts encore plus important sur le continent africain car il faut importer ce matériel dans un contexte réglementaire et logistique complexe. Les réseaux sociaux vont impacter également les outils des centres de contacts.

Source : Reach consulting Jean-Yves Coloigner et Alain Ebongué

Par Manuel Jacquinet
et la rédaction d’En-Contact

Découvrez, dans ce reportage, Bakari Fofana, responsable de la direction de l’expérience client Afrique de Canal+ International.
Retrouvez l’ensemble de notre reportage sur les call centers de l’Afrique Subsaharienne.

 

L’éditeur de logiciels pour centres d’appels Nixxis était présent au Sarcca. On pouvait le prendre pour un slalomeur (quelles superbes lunettes !) mais Luc Francis Jacobs voit loin…

Retrouvez toutes nos vidéos sur Bloumbergtv.fr

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