La seamless experience : une obligation pour tous
Pour se développer, ou simplement survivre, artisans et commerçants doivent rivaliser en matière d’expérience client, en s’approchant des standards, élevés tels ceux d’Apple ou Amazon. S’ils ne maîtrisent pas toujours le jargon de cette nouvelle « matière », ils en pressentent les sujets clés.
« Auparavant, on faisait du bon pain, des viennoiseries que les gens nous achetaient mais ça ne suffit plus », indique Olivier Raybaud, devant sa fourgonnette blanche garée en double file en haut de l’avenue Mozart à Paris. Il est 6H20 du matin et le patron de la Flute Enchantée, boulanger comme le furent ses parents, s’apprête à aller livrer les plateaux repas aux équipes de production d’Europa Corp., en plein tournage de Valerian, le blockbuster de Luc Besson.
Dans sa journée, lui et Stéphanie, sa directrice de magasin enchainent en réalité plusieurs métiers : boulanger, livreur, spécialiste de la caisse connectée. A la clientèle du matin, déjà pressée, succèdera la vague de 10h puis 400 clients à l’heure du repas. « L’expérience client, je ne vois pas ce que c’est », sourit Stéphanie, « ce dont je suis sûre, c’est qu’il faut aller de plus en plus vite, jongler avec la machine à rendre la monnaie, traiter les commandes spéciales issues du site web. On n’y croyait pas trop, mais le fait d’avoir refait un site web fluide, nous apporte de nombreuses commandes », indique la pimpante brune dont l’une des qualités est… d’avoir l’œil partout et une très bonne mémoire. Ne lui parlez pas de « big data », de parcours client multicanal, elle sourira.
John Cochet, charpentier de montagne à la Féclaz en Savoie a fait sourire toute l’assemblée de Expérience Client/The French Forum auquel il assistait il y a un an, lorsqu’il a précisé la consigne qu’il donne à ses équipes : « Si un client vous demande quelque chose, un truc spécial, pas prévu dans la commande, vous lui dîtes : pas de problème ! Et ensuite vous venez me voir ». C’est sa façon à John, d’être « Customer focus » et de souligner une évidence : les clients sont devenus très exigeants, informés et c’est en temps réel qu’il faut réagir, sans dire oui à tout pour autant : « des gonzes* qui te passent des mails pour te demander un prix, je ne m’en occupe pas vraiment. Je les appelle, car il n’y a rien de tel que de discuter avec quelqu’un pour se comprendre… ou pas ». Le multicanal, la connaissance client, ce patron les pratique intuitivement. « Le sms que je reçois sur mon toit, je dois identifier qui me l’envoie afin d’apprécier dans quel délai répondre : aucun client ne se ressemble ».
Deux autres préoccupations réunissent Stéphanie et John : le paiement qui doit être rapide, fluide, et la difficulté à trouver le personnel adéquat. Sur le premier sujet, des grandes banques françaises associées à des distributeurs s’attaquent au problème et testent actuellement les applications Wa ! et Fivory, récemment fusionnées. Sur le second, cela s’annonce plus compliqué : faire partager les nouvelles exigences de l’expérience client à leurs équipes est la nouvelle frontière pour les petits entrepreneurs.
« Mon menuisier, compagnon du Tour de France, est une ressource rare : on est, de ce fait, souvent en flux tendu. Presque en écho, Stéphanie ajoute : « des vendeurs qui sourient, motivés, c’est la clé, car au bout du bout, quand la file s’allonge, le sourire ça va devenir de plus en plus important ».
Par Manuel Jacquinet
(*) : homme quelconque, terme souvent utilisé et entendu en Savoie.
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