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Rodolphe exhume Aristide Boucicaut du cimetière du Montparnasse. Et c’est bonnasse !

Publié le 06 octobre 2021 à 08:30 par Magazine En-Contact
Rodolphe exhume Aristide Boucicaut du cimetière du Montparnasse. Et c’est bonnasse !

En rebaptisant CA Com Aristid, Rodolphe Bonnasse et son équipe peuvent-ils faire un Mirakl ? Ils y sont déterminés. 

Qui sont les nouveaux commerçants, qui les aide à muter ? 

Fâchés, inquiets de voir Amazon, et quelques autres, détruire mécaniquement le commerce et ce qu’il apporte d’enchantement à nos bourgades et à leur centre-ville ; de constater que l’ardeur de Netflix, combinée à ses dollars mais également à la lenteur et à la cécité de nos grands spécialistes français des médias ou du cinéma vide… nos salles de cinéma ; convaincus, parce qu’ils ont lu quelques livres, vu quelques films ou simplement étudié l’histoire que rien ne se fait sans combat, une génération d’entrepreneurs, de chercheurs, de confituriers, de fabricants de slips parfumés tentent de réveiller le Retail et son écosystème. Ceux dont on parle, dans les journaux, à qui l’on tend souvent le micro ? Pas certain ou pas que. 

Alexandre Bompard (Carrefour) ? Pas vraiment ou pas encore : à l’abord de la cinquantaine, le Stéphanois semble croire encore en un vieil adage du commerce : plus gros c’est mieux, sans que le cours de Bourse ne reflète encore à ce stade les effets bénéfiques de son plan de transformation. Emmanuel Faber (ex Danone) ? Lourdé, pour dichotomie persistante entre les prises de parole et les chiffres. Xavier Niel ? Journaux, digital, Hectar, le smart guy n’a jamais trop cru aux enseignes physiques, sa seule incursion dans les boutiques ne lui ayant pas laissé de grands souvenirs. L’avenir, comme l’a compris Mehmet Emin Alaca, c’est le phygital appliqué à une catégorie de produits pour lesquels la demande est forte, qu’on n’a donc pas besoin de stimuler : volets roulants, menuiseries, cuisines (bientôt) : Mister Menuiserie affichera cette année une sacrée croissance et ouvre des quasi flagships. Ou les places de marché, digitales. 

Qui fait des Mirakl* dans le commerce, avec ou sans E ? En Savoie, dans les Yvelines, en Haute Garonne…En-Contact est parti dénicher, rencontrer et photographier quelques hurluberlus, qui pensent, comme il y a longtemps dans un certain camp retranché de Babaorum…que rien n’est jamais perdu !

« J’ai créé un magasin, une boutique. Et les clients y viennent, y rentrent »

Ils y venaient, et c’est bien ça qui a tout changé. 
Voilà en substance ce que nous partageait, il y presque huit ans déjà, Rodolphe Bonnasse, Directeur Général de CA Com devenu Aristid. Le dirigeant de ce groupe, spécialiste de l’optimisation des ventes et du trafic en magasins (création de catalogues, retail execution etc), leader indépendant en France de cette activité, a de fortes convictions et un regard à 360 degrés sur les innovations qui concernent la distribution, dans le monde. Il est amené, sur de nombreux plateaux TV, à partager le fruit de ses recherches et pérégrinations.

Son actualité :

En trente ans d’existence, CA COM s’est installé comme le leader indépendant en France, mais également ailleurs en Europe, de la conception de solutions print et technologiques pour aider les commerçants et les réseaux à créer du trafic en magasins, via des catalogues imprimés etc. Il se positionne, depuis quelques années déjà, comme une entreprise de Retail Technology. En rebaptisant, ces derniers jours, le groupe du nom du fondateur du 1er grand magasin français, 
Aristide Boucicaut, le groupe affiche sa mutation et son ambition : continuer à proposer à ses clients, des groupes tels que Carrefour, E.Leclerc, Intermarché, Brico Dépôt, des solutions qui embarquent le meilleur des technologies. Rodolphe Bonnasse en est le DG. Il était venu assister et participer à la 1ère édition du Forum de l’expérience client, ECTFF. 
Notre conseil : lire et consulter souvent le livre qu’édite chaque fin d’année, le dirigeant d’Aristid : il y recense des innovations servicielles ou techniques dont il a vu le déploiement dans le monde entier. Pour rencontrer Rodolphe : le bar de l’hôtel Raphael, qu’il apprécie 

Son interview, réalisée en 2013 et publiée dans En-Contact. 

Rodolphe Bonnasse - © Edouard Jacquinet

La quasi-totalité des enseignes de distribution déclare travailler sur la relation client et le cross canal, où en est-on vraiment et pourquoi cette prise de conscience ?
Les distributeurs sont simplement amenés à constater que les règles séculaires du commerce sont en train de tomber et notamment la première d’entre elles, qui voulait que le commerçant avait créé un lieu et que les clients… y venaient. C’est terminé, ces derniers n’ont seulement plus besoin de se déplacer : ils peuvent acheter sur de nombreux autres canaux mais en plus, ils considèrent, à juste titre, qu’ils consentent déjà un investissement en se rendant en magasin. En contrepartie de cet investissement, il doit y avoir une promesse additionnelle, soit un prix plus bas, soit une expérience d’achat différente.
Le deuxième constat opéré, et sans ambigüité, est que le trafic en magasin n’est plus synonyme de chiffre d’affaires dans les ratios connus jusque là. On l’a très clairement observé dans le secteur du jouet par exemple, où, pour la première fois cet hiver, des vendeurs ont assisté à la scène suivante : celle d’un père ou d’une mère disant « c’est bien ça ? regarde la référence alors » en soulevant le jouet et repartant du magasin sans avoir acheté et sans que le vendeur puisse rien ajouter. La transaction de vente ne se fait plus forcément en magasin, or le métier d’un commerçant c’est bien d’être celui qui réalise cette transaction commerciale.
Ces deux constats doivent amener à repenser toute l’expérience en magasins d’autant que dans le même temps, les études que nous menons et notamment le premier baromètre de l’Omniretail CA Com réalisé avec IPSOS, témoignent par contre d’un fait avéré : le magasin reste néanmoins l’endroit ou se situent encore et se concluent encore la majorité des transactions, même si elles baissent.
Les enseignes doivent dont retrouver les titres et lettres de noblesse qui font le métier de commerçant : l’expertise et la sélection des produits, le conseil des vendeurs et la mise en scène des produits : c’est presque de « retailtainment » qu’il faut parler désormais.

D’autres évolutions sociétales sont elles à l’œuvre, qui renforcent ou accélèrent ces évolutions ?
J’en vois plusieurs : la consommation est de plus en plus signifiante pour les individus : ce que je porte, ce que j’achète me reflète, me traduit et mes achats ne sont donc pas anodins. On est passé du « cogito ergo sum » –je pense donc je suis –à « je suis, j’existe parce que je consomme et surtout je me définis par les marques, les achats que je choisis de faire. Un bon exemple en est donné par l’affection pour Apple ; et pour quantité d’achats, il peut s’agir d’achats déclenchés par affection, avec un caractère émotionnel fort, ou parce que la marque concernée inspire confiance. Dans ce contexte, imaginer que le client qui voit un produit un soir sur sa tablette, bien mis en scène va attendre jusqu’au lendemain ou plus tard pour en disposer, c’est de la science fiction. Il est tout aussi illusoire de penser que le consommateur est dupe : lorsque celui-ci est amené à utiliser des machines de self-scanning en magasin, il sait parfaitement que cela coûte moins cher à l’enseigne, qu’il fait le travail d’une caissière.

Que dites vous donc à vos clients, que leur conseillez vous de faire et identifiez-vous des enseignes ou marques qui ont déjà pris de l’avance dans ces directions ?
Grace à nos études et aux baromètres de l’Omniretail dont nous allons présenter la seconde édition au mois d’avril 2013, nous tentons déjà d’observer avec indépendance et objectivité ce qui se passe, d’en tirer des conclusions opérationnelles. Je crois à deux pistes de travail.
La première : les commerçants doivent revenir à l’essence de leur métier, qui est celui que je dessinais plus haut. Deuxièmement, ils doivent rechercher l’efficacité commerciale, c'est-à-dire parvenir à se situer à l’endroit et au moment ou les transactions de vente s’opèrent, et ce grâce à un travail à effectuer dans trois directions : ne pas dissocier le digital et le physique qui sont complémentaires. Miser sur leur vocation, leurs convictions et les expliquer, car cela est nécessaire. Parvenir à retrouver ou à construire ces « plates-formes de confiance » qui sont le préalable de la vente car il n’y a plus de vente sans confiance. Tout ceci d’ailleurs n’est pas simple, pour ne pas dire que c’est compliqué : sélectionner des produits, les mettre en scène, les livrer ou conserver au frais par exemple, c’est un vrai métier.

Y a-t-il des enseignes qui auraient, selon vous, innové dans ces domaines ou déjà pris de l’avance ?
Un grand nombre d’entre elles travaillent sur ces sujets mais on peut citer par exemple, Repetto ou Metro –qui est bien identifié par ses clients dans le secteur café/hôtels/restaurants comme un partenaire de confiance – ou Lush, qui vend des cosmétiques à des adolescents : tout y est cohérent depuis les produits jusqu’au type de vendeurs qui y travaillent. D’autres également comme Diesel qui a créé un magasin à Madrid où il n’y a même plus de stocks de jeans : tout est fait pour que vous circuliez, choisissiez et ensuite, après que vous avez fait votre choix et acheté, votre jean vous est livré à l’endroit de votre choix ; c’est impressionnant.

Par Manuel Jacquinet

*Mirakl est l’une des entreprises françaises qui développe des solutions tout en un pour créer des places de marché (market places) 

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