Prendre rendez-vous pour effectuer un test de détection au Covid-19, est-ce possible docteur, plus facile désormais?
La réquisition est désormais possible et autorisée des laboratoires d’analyses départementaux ou accrédités pour procéder à la détection du Covid-19. Le parcours patient va-t-il en être pour autant facilité ?
C’est par un tweet du Ministre de la Santé, Mr Olivier Véran, diffusé vendredi 3 avril au soir, qu’on a appris que de nombreux laboratoires pourraient réaliser désormais des tests de détection Laboratoires hospitaliers, de ville, départementaux, vétérinaires, de recherche, de gendarmerie, de police. J’entends et salue etc etc #Covid19 etc (…)
De nombreux présidents de départements, homme politiques s’étaient émus, depuis le début du mois de mars, que les 75 laboratoires français d’analyse de santé animale, bien outillés et disposant de capacités industrielles de tests, présents sur la quasi-totalité du territoire, ne puissent pas procéder à la détection du Covid-19 et soulager ainsi les autres dispositifs privés ou hospitaliers. Sur autorisation préfectorale, ils le pourront désormais, d’après un décret publié ce jour et signé hier soir par les différentes parties impliquées. L’encadrement de cette possibilité est très précis, on parle de réquisition. La capacité quotidienne de réalisation de tests PCR est mécaniquement augmentée mais de réels goulots d’étranglement demeurent. Les tests sérologiques ( examens sanguins pour rechercher des anticorps spécifiques produits en réponse à ce nouveau coronavirus ) ne sont pas évoqués dans le décret.
L’organisation d’une prise de rendez-vous par téléphone ou facilitée via des callbots, dans les laboratoires habilités, pourrait s’avérer décisive lors de la sortie du confinement, pour se faire tester.
Réquisition possible des 75 laboratoires d’analyse de santé animale notamment.
Le Point et d’autres nombreux titres de PQR (voir encadré plus bas) avaient évoqué la semaine passée, dans une enquête fouillée signée de Géraldine Woessner, l’absurdité que pouvait représenter le fait de se passer d’une capacité de tests de détection du Covid-19 évaluée entre 150 000 et 300 000 personnes par semaine. Ces laboratoires, au nombre de 75 en France et qui interviennent essentiellement pour la santé animale et l’hygiène alimentaire, constituent un dispositif essentiel dans la chaine de sécurité alimentaire ou d’élevage. « Ils sont parfaitement organisés, avec des machines en bon état et habitués à effectuer une grande série de tests », indique Guillaume Collignon, vétérinaire en Bourgogne ( Clinique vétérinaire des Beauroy) : « Dès lors que vous élevez des ovins, des bovins, des vaches allaitantes etc, la santé de ces animaux est contrôlée et de façon rigoureuse. La gestion des épidémies liées à la santé animale, telle qu’elle est pratiquée en France, est considérée comme très rigoureuse et reconnue au niveau mondial car, dès lorsqu’un risque existe, nous n’en prenons aucun avec le troupeau. Le statut d’établissement public de ces laboratoires les rend insensibles aux pressions qui pourraient exister s’il existait une relation de fournisseur à clients ».
Le décret publié hier soir précise que « lorsque les laboratoires de biologie médicale ne sont pas en mesure d’effectuer l’examen du génome du SARS-COV-2 par RT PCR inscrit à la nomenclature des actes de biologie médicale ou d’en réaliser en nombre suffisant (…) le représentant de l’État dans le département est habilité à ordonner (…) soit la réquisition des autres laboratoires autorisés (…) soit la réquisition des équipements et personnels nécessaires au fonctionnement des laboratoires de biologie médicale qui réalisent cet examen.
La capacité de réalisation des tests va-t-elle considérablement augmenter au plan national ?
Elle est augmentée sans que l’on sache précisément à quelle hauteur. La présidente du laboratoire départemental de Mayenne, par ailleurs présidente du Syndicat des directeurs de laboratoire départementaux et cadres (Adilva), Aurèle Valognes, était en charge ces derniers jours de recenser précisément les capacités de chaque laboratoire et de les agréger. Le président du syndicat des biologistes (SDB), François Blanchecotte, rappelle de son côté que « des conventions devront intervenir entre les structures mobilisées et les laboratoires de biologie, ces derniers continuant de prendre la responsabilité légale sur les résultats remis aux patients, ce qui engage clairement leur responsabilité ». Morgane Moulis, Vice-Présidente du SJBM (le syndicat des jeunes biologistes médicaux), indique pour sa part que si la décision et ce décret vont dans le bon sens, « la question clé demeure pour les laboratoires de disposer des quantités de réactifs et d’écouvillons, dont la pénurie est reconnue et pas près de s’éteindre. Il a fallu également du temps pour parvenir à ce décret parce que les normes qui régissent la qualité des tests en laboratoire de biologie sont lourdes, telles la ISO NF 15189. »
Qui va pouvoir faire effectuer un test de détection PCR ?
Rien n’est changé dans les priorités et catégories de personnels considérés comme prioritaires pour bénéficier de ces tests : les personnels soignants demeurent en tête de liste, les personnels travaillant en Ehpad, les personnes à risque etc.
Ce décret change t’il fondamentalement la donne ?
Il établit pour la première fois en France un pont entre la santé humaine et la santé animale et marque en ce sens une vraie rupture mais il apparait plutôt comme une réponse politique aux départements et à leurs représentants, car la mise en oeuvre de ces nouvelles dispositions n’est pas simple, est limitée et ne se fera que sur réquisition et dans des cas précis. Les pénuries de réactifs et d’écouvillons handicapent réellement les tests PCR, quels que soient les laboratoires.
La capacité à réaliser des tests sérologiques, dont la mise en oeuvre est plus rapide et moins coûteuse selon le Dr Blanchecotte, et l’efficacité plus importante pour restreindre significativement la propagation du virus sera le sujet clé ( on sait grâce à ceux-ci si la personne testée a été immunisée ou pas contre le virus). Elle n’est pas modifiée par ce décret.
Dans l’hypothèse ou ceci serait amené à changer, si l’on combine laboratoires de ville et autres laboratoires désormais réquisitionnables, la capacité quotidienne de prélèvements peut s’évaluer grossièrement à 1 million par jour. Il faudrait 64 jours pour tester tous les français. Et des partenariats organisés entre ces laboratoires et les laboratoires de biologie médicale, seuls habilités à délivrer et s’engager sur les résultats. On comprend pourquoi de nombreux vétérinaires et des directeurs de laboratoires de santé animale restent à date discrets ou accueillent avec prudence cette annonce (Vincent Thomas, vétérinaire à Besançon, cité et interviewé par FR3 Bourgogne Franche-Comté; Aurèle Valogne, sollicitée par nos soins, ne nous avait pas rappelés hier soir)
C’est bon à savoir :
• Selon nos informations, un ou deux concepteurs de callbots ont décidé, du fait de leur expertise dans les gestions des services de crise, de faciliter la prise de rendez-vous dans les structures de soins et laboratoires. Zaion fait partie de ceux-ci. L’entreprise a déjà conçu, en temps record, des Callbots permettant d’automatiser les traitements d’appels en gros volume et les demandes associées. Lorsque le déconfinement sera annoncé, il sera peut-être conditionné par la réalisation d’un test de détection ou bien encore de nombreux français désireront-ils se faire tester, remboursement du test ou pas ; dans les laboratoires, la prise d’un rendez-vous va devenir un sujet clé ; celle-ci se fera par téléphone car la gestion des priorités et la nécessité de dialoguer avec le patient pour le questionner est essentielle, ainsi que le recueil de certaines pièces ou ordonnances indique le propriétaire d’un groupement de laboratoires d’analyses médicales. Nous avons cessé d’utiliser Doctolib pour avoir les gens au téléphone, complète-t’il, car un tri doit être fait et un certain nombre de vérifications opérées.
• Pour information, plus de 500 000 patients se rendent quotidiennement dans des 3861 laboratoires d’analyses médicales en France (laboratoires de ville)
• Les biologistes qui travaillent dans les LDA (Laboratoires d’analyses départementaux) ont l’habitude de travailler sur des coronavirus, présents chez l’animal et très fréquemment, les machines utilisées dans les laboratoires départementaux fonctionnent en mode plus ouvert, c’est-à-dire que les marques de réactifs qu’elles sont amenées à accepter sont plus nombreuses. L’académie vétérinaire avait invité, la semaine passée, à établir un pont entre la santé humaine et la santé animale, comme c’est le cas déjà dans d’autres pays.
Semaine passée, Ouest France relatait l’étonnement de personnalités issues de différents départements, dont un vétérinaire, le maire de La Haye-Pesnel, Alain Navarret ; ce dernier siège au bureau de Labéo (laboratoires départementaux d’analyses du Calvados, de la Manche, de l’Orne et de l’Eure) et s’interrogeait :
Labéo constitue l’un des groupements d’intérêt public les plus importants de France, avec près de 400 collaborateurs, dont des cadres vétérinaires, des ingénieurs, des biologistes, des secrétaires techniques, des assistantes de recherche, des techniciens d’analyses. Ses équipes réalisent chaque année environ 1 250 000 dosages et recherches pour 80 000 clients en France et à l’étranger dans les domaines de santé animale, analyses de l’eau ou des produits alimentaires. Ce pôle d’analyses et de recherche de Normandie, regroupant les quatre laboratoires départementaux d’analyses du Calvados, de la Manche, de l’Orne et de l’Eure, intervient essentiellement en tant que laboratoire de santé publique à travers le suivi sanitaire et les suivis épidémiologiques et de l’environnement. Représentant le département de la Manche au sein du bureau de Labéo, en tant que conseiller départemental du canton de Bréhal, « je cherche à comprendre, pourquoi l’État, dans la crise sanitaire exceptionnelle que nous sommes en train de vivre, ne délègue pas aux laboratoires départementaux d’analyses de l’hexagone, la possibilité de faire des tests pour diagnostiquer le Coronavirus ? (…) Concrètement, estime le docteur vétérinaire, les laboratoires d’analyses français seraient capables de réaliser quotidiennement 20 000 tests PCR, réaction de polymérisation en chaîne, une technique qui permettrait de détecter le virus via un prélèvement nasal ; et 80 000 tests sérologiques, qui permettraient d’attester des anticorps produits dans le sang suite au passage du virus, soit un potentiel considérable de 100 000 tests par jour. Cette méthode me paraît beaucoup plus efficace que celle qui consiste à acheter des millions de masques en Chine ! »
Source : Ouest France.
Manuel Jacquinet et la rédaction d’En-Contact.