Le magazine indépendant et international du BPO, du CRM et de l'expérience client.

Nouvel accident mortel à Reims : les airbags Takata au cœur d’un scandale persistant

Publié le 22 juin 2025 à 10:00 par Magazine En-Contact
Nouvel accident mortel à Reims : les airbags Takata au cœur d’un scandale persistant

Courrier d’information pas reçu par la propriétaire décédée de la Citroën, call-center et garagistes débordés, l’amateurisme criminel des marques automobiles dans le scandale des airbags. Les avocats et plateformes à connaître, quand il faut gagner la bataille, longue et coûteuse. 

Le mercredi 11 juin 2025, une mère de famille d’une quarantaine d’années a perdu la vie dans un accident de la route survenu à Reims, dans la Marne. Si le choc en lui-même ne semblait pas particulièrement violent, le déclenchement de l’airbag de sa Citroën C3 s’est révélé fatal. Ce drame vient alourdir le sinistre bilan des airbags Takata, déjà responsables de 18 morts en France, dont 17 dans les territoires ultramarins. Ce nouvel accident, le premier enregistré dans le nord du pays, soulève une fois de plus la question de la responsabilité des fabricants et des constructeurs, ainsi que de l’efficacité des campagnes de rappel.

Citroën C3

Un accident aux causes désormais bien identifiées
Selon les informations recueillies par la Cellule investigation de Radio France, le drame s’est produit alors que la conductrice tentait d’éviter un poids lourd sur la voie rapide traversant Reims. Sa voiture a frotté la glissière de sécurité, ce qui a suffi à déclencher l’airbag frontal. La Citroën s’est immobilisée un peu plus loin sur le bas-côté, mais les secours, rapidement arrivés sur place, ont été frappés par la gravité des blessures faciales de la victime. L’analyse médico-légale a révélé un traumatisme typique des défaillances connues des airbags Takata : une capsule de gaz interne aurait explosé, projetant des fragments métalliques à très haute vitesse, à l’instar d’une balle de revolver.

Une jeune fille de 14 ans, également présente dans le véhicule, a été blessée, sans que son pronostic vital ne soit engagé. Ce nouvel épisode tragique souligne l’urgence de traiter plus efficacement un scandale qui s’enlise depuis près d’une décennie.

Takata : un scandale mondial
L’affaire des airbags Takata est l’un des plus grands scandales industriels de l’histoire de l’automobile. En 2017, l’équipementier japonais Takata a été reconnu coupable de fraude et de conspiration par la justice américaine. Il avait volontairement dissimulé les défaillances de ses systèmes de sécurité, en particulier la propension de ses capsules de gaz à se détériorer avec le temps, surtout dans des environnements humides et chauds. Cette dégradation pouvait conduire à des explosions incontrôlées au déclenchement de l’airbag, envoyant des éclats de métal dans l’habitacle.

Des millions de véhicules dans le monde ont été équipés de ces dispositifs potentiellement mortels, souvent sans que les propriétaires n’en soient informés de manière efficace. Citroën, comme d'autres constructeurs, a longtemps poursuivi l’installation de ces airbags malgré les alertes, aggravant les risques pour les automobilistes.

Des campagnes de rappel inefficaces
Le cas de Reims révèle une défaillance criante dans le suivi des rappels. Selon les informations de Radio France, la conductrice n’avait jamais reçu le courrier lui signalant que son airbag devait être remplacé. Pourtant, en février 2025, Stellantis (maison mère de Citroën) avait lancé une campagne de rappel pour 236 000 véhicules C3 et DS3 dans le nord de la France, assortie d’une recommandation "stop drive" pour les modèles produits entre 2009 et 2013.

Problème : la Citroën impliquée dans l'accident datait de 2014. Elle ne figurait donc pas dans cette tranche prioritaire, bien que dotée du même type de système défectueux. Ce flou dans la communication des risques et l’imprécision des listes de rappel, posent un problème fondamental de sécurité publique.

En effet, le rappel d’un véhicule ne se limite pas à une simple formalité administrative : il engage la vie des conducteurs et de leurs passagers. L'absence de courrier d'information, ou sa réception tardive, peut transformer un accident mineur en drame absolu, comme c’est le cas à Reims.

La justice se saisit de l’affaire
Face à l’ampleur du scandale et à la multiplication des victimes, le procureur de Reims a décidé de transférer le dossier à la juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Paris. Cette dernière est chargée de centraliser l’ensemble des enquêtes en cours liées aux airbags Takata en France. Cette coordination judiciaire vise à identifier les responsabilités, aussi bien du côté des fabricants que des distributeurs et constructeurs automobiles.

La difficulté majeure réside dans la chaîne de responsabilités : Takata, désormais en faillite, ne peut plus répondre devant la justice française. Les constructeurs, pour leur part, se retranchent souvent derrière les processus complexes de sous-traitance, diluant les responsabilités. Pourtant, l’obligation d’informer les clients et de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer leur sécurité reste entière.

Un danger toujours présent
Avec près d'une trentaine d'accidents en France, dont 19 mortels, le danger reste présent. Si la majorité des drames s’est produite dans les départements d’outre-mer, la situation en métropole évolue. Le cas de Reims, précédé par un autre décès dans le sud-ouest en novembre 2023, montre que le climat tempéré n’est plus une garantie contre ces explosions. Comme aux États-Unis, le vieillissement des capsules rend les airbags de plus en plus instables, quels que soient les niveaux d’humidité ou de chaleur.

La situation est d’autant plus alarmante que de nombreux véhicules encore en circulation n’ont pas été identifiés ou rappelés. De nombreux propriétaires ignorent qu’ils conduisent un véhicule potentiellement dangereux. Le "scandale Takata", loin d’être clos, continue donc de faire des victimes.

Quelles leçons tirer ?
Ce nouvel accident relance le débat sur la rigueur des politiques de rappel en France. Contrairement à d’autres pays, où les autorités peuvent interdire l’usage d’un véhicule dangereux jusqu’à sa mise en conformité, la France reste relativement passive. Une simple recommandation "stop drive" n’a pas la force obligatoire d’une interdiction de circulation. De nombreux automobilistes, peu informés ou contraints par l’absence de véhicule de remplacement, continuent donc à rouler avec des voitures à risque.

Les pouvoirs publics, quant à eux, peinent à imposer une politique de sécurité automobile plus ferme. La multiplication des rappels n’a de sens que si elle s’accompagne d’une communication ciblée, d’un suivi effectif et d’un soutien logistique aux usagers concernés.

La mort tragique de cette mère de famille à Reims rappelle que l’affaire Takata n’est pas un dossier clos. Malgré les années, malgré les condamnations, malgré les campagnes de rappel, des vies continuent d’être fauchées par des dispositifs censés protéger. L’État, les constructeurs et les autorités de régulation doivent impérativement renforcer la traçabilité des véhicules, la rigueur des rappels, et la transparence à l’égard des usagers. Car chaque défaut ignoré, chaque courrier non envoyé, chaque airbag non remplacé, peut transformer un simple accrochage en tragédie.

Les avocats spécialistes

Ici notre dossier sur les avocats à connaître, quand il faut mener des combats longs de ce type.

Charles-Henri Coppet, la plateforme MyLeo, Sylvie Noachovitch, etc..

A lire aussi

Profitez d'un accès illimité au magazine En-contact pour moins de 3 € par semaine.
Abonnez-vous maintenant
×