Nous voulons… de l’amour, pas des robots !
Édito n°95 /
1976 – Je me rappelle nos discussions animées, avec les copains de chambrée, sur les mérites comparés des albums de Genesis, de Pink Floyd et les embardées langagières que pouvaient provoquer nos préférences respectives : pour l’un d’entre nous, il fallait aux « flamands roses » au minimum deux ans pour faire un album digne de ce nom, pour l’autre, Van Halen n’arrivait pas à la cheville de Status Quo… et Genesis ne survivrait pas au départ de Peter Gabriel etc… Seul le départ pour les pistes de ski interrompait ces guerres picrocholines : on ne résiste pas à la perspective d’une descente de la rouge du Fornet – Iseran (piste du fond de la station de Val d’Isère, incomparable) . Parfois, Dieu vous envoie un message, silencieux : il combine, en Avril, poudreuse et soleil, dans des coins reculés (reculés: façon polie de signifier qu’un bourrin en skis paraboliques ou snowboard n’a pas encore, à grands coups de dérapage, limé la piste et la poudre)
Mais il en est un qui nous a mis tous d’accord et qui depuis quarante ans, n’est pas descendu du podium : un an auparavant, à presque 26 ans, il avait signé avec la Motown un contrat pour 7 albums en 7 ans, avec un niveau de royalties jamais atteint. À l’époque, tandis que tout le monde l’attend au tournant (l’annonce de la sortie de l’album est sans cesse repoussée), Stevie Wonder débarque et assomme le monde, l’histoire de la musique et nous dans cette piaule de colonies de vacances avec des choeurs, des guitares et 12445555666 trouvailles musicales.
En 1976, sortait Songs in the key of life, réédité cet année, je crois et dont le message, dès le premier morceau n’a pas pris de ride non plus :
« Good morning evening friends, here’s your friendly announcer, i have serious news to pass on to everybody, what i’m about to say, could mean the world’s disaster, could change your joy and laughter to tears in pain, it’s that love’s in need of love today… » (love’s in need of love today). C’est Noël, rendez-vous chez le disquaire pour compléter votre collection.
1980 – Je me rappelle sa haute silhouette, la seule fois où je l’ai vu et croisé : à l’époque, la Cinémathèque était encore près du Palais de Chaillot ; sa série de films d’alors, mal perçue, comprise, avait au moins un avantage : les rangs de ses fans étaient si clairsemés que nous avions pu l’approcher, lui, le fasciste, rapide de la gâchette… décrit par les critiques et gens autorisés.
Il avait pourtant produit et mis en scène « Play Misty for me », c’était bien assez à mes yeux pour savoir que l’inspecteur Harry n’était pas celui qu’on décrivait… Cette semaine, j’ai vu Sully, le dernier opus de Clint Eastwood… et j’ai adoré !
« Plus qu’une page de l’histoire de l’aviation, Sully décrit la dérive d’un monde où les hommes sont évalués en fonction de critères fixés par des ordinateurs.Un siècle fou où l’on attend de chacun des comportements de machine. Avant le décollage,le co-pilote confie d’ailleurs à Sully qu’il a tapé son nom sur Google… et que le résultat ne colle pas à la réalité (…) Sully devra justifier de choix qui désobéissent aux logiques mathématiques »* Les vacances arrivent, rattrapez votre retard dans les salles obscures.
Dans le double numéro 95 d’En-Contact,
– vous trouverez donc des histoires sur les centres d’appels, l’expérience client, et ceux qui la fabriquent (The Seamless Experience Fanzine à partir de la page 72) et qui tentent d’apporter le «je ne sais quoi et le presque rien » qui fait toute la différence. On a convoqué à cet effet Vladimir Jankélévitch, Alix Girod de l’Ain, les pionniers qui se sont installés à Madagascar, que du beau monde. Le magazine que vous tenez entre les mains est une tentative de voyage, de questionnements sur ces actualités qui interpellent, ces mensonges qu’on voudrait nous faire gober, ces résistances qu’on entend ça et là, sous différentes formes.
J’échange toute la technologie du monde et le Big Data contre l’album de Stevie Wonder et le propos de Sully : ce que beaucoup espèrent, dans les magasins, dans notre vie quotidienne c’est de l’amour, pas des robots.
Mais vous avez le droit de croire aux chatbots ?
Manuel Jacquinet,
Édito rédigé en décembre 2016
Vous désirez recevoir gracieusement le numéro 95 d’En-Contact ? adressez vos coordonnées mail + telephone mobile + adresse postale :
* Adrien Gombeaud, dans Les Echos
Nb. En couverture, Karla, chargée de clientèle chez Plantronics à Tijuana