Netflix progresse en nombre d’abonnés ?
C’est parce que l’expérience client et utilisateur des plateformes de SVOD concurrentes sont cracra…
On a lu et aimé cette tribune pleine de détails et de bon sens qu’a publiée hier, dans le Journal du Dimanche, Philippe Vandel.
Quand la Télévision creuse sa tombe
« Une enquête de L’Obs a résumé la tragédie : « Comment Netflix flingue la téle française ». Portait du tueur : déjà 3,5 millions d’abonnés payants, des séries cultes comme La casa de papel ou House of Cards, 8 milliards de dollars de production par an. Un chiffre fait trembler le PAF : en septembre, le public a passé dix-huit minutes de moins devant sa télé qu’un an plus tôt. Le coupable est tout trouvé.
Question : et si la télé française s’était, d’abord, sabordée toute seule ? Vous avez déjà regardé Netflix ? Premier constat : ça fonctionne parfaitement. Que ce soit sur l’écran plat du salon, sur votre smartphone, ou même sur un vieux PC tournant sous Windows 7, il se passe un truc dingue : on clique, et la série démarre !
Inversement, on est tous devenus chèvres à attendre un replay sur une plateforme française : ça ne veut pas, ou alors il faut se taper une avalanche de publicités, qui peuvent tourner en boucle sans que jamais le programme embraye. Ou alors sans le son. Ou alors tout plante au bout d’un quart d’heure.
Netflix, c’est où on veut quand on veut. Pas comme sur la TNT, où le film de 21 heures débute parfois à 21h20. Enfin, pas toujours. Il y a deux semaines, TF1 a provoqué la colère des téléspectateurs en balançant le film Les Gamins à 20h50 !
Et ces pubs qui nous explosent les tympans ? La loi interdit de monter le volume pendant les publicités, mais les chaînes ont contourné l’interdiction grâce à la compression dynamique, un procédé de mixage qui permet d’augmenter l’intensité perçue du son. Résultat : le boucan est le même.
Pourquoi toutes ces coupures ? C’est le CSA qui autorisé les chaînes privées à saucissonner leurs films trois fois plutôt que deux, à leur demande. On voudrait torpiller l’audience qu’on ne s’y prendrait pas mieux.
Bonne nouvelle ! Vous ne risquez pas d’être emmerdé pendant le film du samedi soir : il est interdit aux chaînes françaises de passer des films le samedi soir ; alors que Netflix fait ce qu’il veut. En toute légalité. La loi française sur l’audiovisuel remonte à 1986 – pour situer, le smartphone et la tablette n’avaient pas encore été inventés.
Autre survivance du siècle passé : le cahier des charges de Canal+ l’oblige à consacrer 12,5% de son chiffre d’affaires au cinéma. Résultat : quand les droits -déjà astronomiques- de la Ligue 1 ont doublé, Canal + a dû financer encore plus de films, pour plus cher.
En 2013, Rodolphe Belmer, à l’époque numéro deux de Canal+, avait proposé à son actionnaire qui démarrait : Netflix, refusé. Le boss de l’époque, Bertrand Méheut, avait un argument imparable « Netflix, je n’y crois pas ».
Vous allez me dire, Netflix est payant. Pas faux. La redevance, c’est 139 euros par an, sans même allumer son poste. Canal+ aussi est payant : 39,99 euros par mois pour la totale. Netflix : 13,99 euros l’offre premium. Pour ce prix, tu as la possibilité de regarder sur quatre écrans. Rien n’empêche de donner tes codes à trois amis. Ce qui dope l’audience à dix millions au bas mot !
Sur Netflix (qui au passage n’a pas un seul salarié en France, et n’y paye pas un centime d’impôts), on s’abonne en un clic, mais on se désabonne aussi en un clic. Sans courrier recommandé. Sans devoir attendre une année entière pour cesser d’être débité.
Sur un site français, ne t’avise pas de paumer tes identifiants ou ton numéro de client. Ça m’est arrivé. J’appelle pour les récupérer. Je tombe sur un serveur vocal. Pour avoir accès à un opérateur, l’automate me demande… mon numéro client.
Vous trouvez que j’exagère ? Voyez les publicités de Free qui lance en ce moment sa nouvelle box : elles mettent en avant Netflix. Pas Louis la Brocante. »
Par Philippe Vandel,
Le Journal Du Dimanche, 13 janvier 2019.