Ne raccrochez jamais au nez de votre banquier !
Client depuis 42 ans de la même banque où il a son prêt hypothécaire, son salaire, ses assurances, son épargne pension et sa carte de crédit, Jean-Pierre s’est vu remercier sans autre forme de procès. Est-il le seul? Dans le monde des asbl aussi, on se plaint d’être lâché par BNP Paribas Fortis.
Mercredi matin, Jean-Pierre ouvre un courrier recommandé de sa banque. Il avale son café de travers. “Conformément à l’article 14 de votre contrat, la banque met fin, sans motif, à notre relation client”… Cette banque, il y est depuis qu’il est né, à l’époque où elle s’appelait encore CGER. Il y a ses assurances, ses comptes, son crédit hypothécaire, son épargne-pension… Des problèmes? Une seule fois il y a dix ans, “un petit découvert”.
Un numéro est mentionné sur la lettre. Il appelle. Au bout du fil, l’employée de BNP Paribas Fortis lui relit la lettre mot pour mot. Il garde son calme. Tout ce qu’il veut savoir, c’est pourquoi. Pour toute exégèse, il obtient la confirmation qu’il s’agit d'”une décision unilatérale du siège, cela ne vient pas de l’agence”.
Jean-Pierre décide donc de se rendre à son agence, place De Brouckère. Le visage de l’employée se ferme. Les “Je ne peux rien dire” succèdent aux “je ne peux rien faire”. Il n’en dort pas de la nuit, en parle le lendemain à une connaissance qui travaille dans la banque. Elle n’en a pas le droit mais elle jette un œil discret au dossier de Jean-Pierre. “Tu t’es engueulé avec ton agence? Le problème vient peut-être de là. Un souci en décembre…”
Décembre, décembre… Ah oui, il y avait bien ce virement en attente à annuler. “Je ne trouvais pas l’option sur le site. Je téléphone, on me fait poireauter trois quarts d’heure, puis la conseillère de l’agence me dit que c’est confidentiel, que je dois bien me rendre compte qu’on n’a pas accès à ces données comme ça etc. Elle me coupe la parole, le ton monte. Las, je finis par raccrocher.”
Le différend semble léger mais il est manifestement suffisant pour rompre une relation client de 42 ans. “Demain, j’ai rendez-vous chez une autre banque”, confie Jean-Pierre. Ecoeuré, il a décidé de transférer tous ces contrats à la concurrence.
Les petites asbl aussi ?
L’asbl Terra Nova, qui gère un orchestre à Namur et cliente de la banque depuis 10 ans, semble avoir subi exactement le même sort, avec le même courrier abrupt qui lui apprend que, trois mois plus tard, elle n’aurait plus de banque et que c’est “une décision non motivée du siège central, sans intervention de son agence”.
“On vit vraiment dans un monde fous! Dois-je rappeler qu’en 2008, les citoyens ont dû payer pour sauver les banques?”, s’emporte le directeur de l’asbl, Etienne Rappe, dans les colonnes de la DH.
La banque lui reprocherait cette fois de ne pas avoir déposé ses comptes à la Banque nationale, alors que c’est au greffe du tribunal de commerce que la petite asbl est tenue par la loi de les déposer.
Chez BNP Paribas Fortis, on ne commente pas les cas particuliers, dit un porte-parole.
Article paru dans L’Echo, 28 février 2017, par Jean-Yves Klein