Monsieur Novo, le Dr. Ferrari de la coiffure. Manuel, coiffeur d'espions

L’électricité chère, la concurrences des barbers et la qualité disparate des formations initiales inquiètent les 102 000 artisans coiffeurs mais pas l’intelligence artificielle. Ces artisans de la mode, dont le Covid a démontré l’utilité, ne font pas partie des professions que l’IA devrait remplacer. A quelques heures du début du Mondial de la Coiffure, interview d’un client heureux de sa visite régulière chez le coiffeur. Chez Manuel, coiffeur d’espions. Qui a pris la suite de Mr Novo.
Vous venez de passer chez le coiffeur ?
J’y suis passé hier. Vous voyez le résultat. J’avais un problème : deux épis très difficiles à dresser, si je puis dire. Pendant longtemps, personne n’arrivait à les dompter. J’en étais donc réduit à des artifices. C’était l’époque des yéyés, soit je me coiffais style Eddy Mitchell, ou bien à la Beatles dans les années 70, c’est-à-dire longs, ce qui permettait d’éviter les épis car ils descendaient. Mais quand la vie avance, il faut trouver une coiffure plus adéquate et adaptée à son métier. J’ai fait ce que j’ai pu avant de tomber sur un coiffeur près de l’avenue de Suffren où je travaillais à l’époque. Haute-coiffure. Il faisait notamment visagiste. Je n’avais jamais essayé. Je suis rentré et suis tombé sur quelqu’un qui m’a dit « écoutez, je vais prendre vos cheveux en main, mais ça va demander du temps »

De la bière
Avant, quelqu’un m’avait déjà dit que ça prendrait du temps. A l’époque j’allais souvent à Cannes. J’y avais rencontré le coiffeur des stars, Dominique, qui coiffait Alain Delon entre autres, lequel avait les mêmes problèmes que moi, mais pas au même endroit. Lui c’était au-dessus et il arrivait à dompter son épi. Il m’a dit « j’en dompte un autre plus célèbre que vous, c’est Delon. » Et à l’époque, il m’a partagé un secret : il existait une solution pour essayer de maintenir sagement les épis, une solution très simple : vous mettez de la bière. J’en ai mis un petit peu, le seul problème c’est que ça arrive à bien dompter, c’est mieux que de la laque, mais l’odeur, c’était pas terrible.
Haute-Coiffure, avenue de Suffren.
Et puis j’ai trouvé ce coiffeur-visagiste à proximité de l’avenue de Suffren, où il était simplement salarié. D’habitude chez les coiffeurs, c’était dix quinze minutes pas plus, et c’était une catastrophe à chaque fois. Or, lui m’a dit : « je vais prendre en mains vos cheveux » et coupe, rasoir, il a vraiment fait un boulot monstrueux et brushing et à la fin, j’avais vraiment l’air d’une star, il a passé près de 45 minutes pour un tarif qui n’était pas du tout prohibitif. On était dans les années 90, c’était aux alentours de 15 euros, pas excessif du tout. Je suis très satisfait, je compte revenir dans un mois, et le fait est que j’arrivais à les dompter mais pas à les dompter vraiment, il m’a dit « on va faire un travail, ça va être long » et je suis devenu fidèle à cette personne qui m’a vraiment aidé et, entretemps, il m’a dit « le responsable de la boutique met en vente mais je vais partir près de Dupleix où on m’a demandé ». Je lui ai dit : écoutez je vous suis, là où vous irez Il a été embauché au salon de coiffure Manuel, rue Juge, à Dupleix, ça ne gênait absolument pas Manuel qu’il passe dix minutes avec des clients normaux et avec moi quarante-cinq minutes pour le même prix ; à l’époque je payais aux alentours de 17 euros. Là je l’ai payé 21 euros 50.
Et puis monsieur Novo, mon coiffeur, est parti à la retraite. Manuel, le patron m’a dit : « quand on a quelqu’un comme monsieur Novo qui vous coiffe et qui a trouvé comment dompter vos épis, on n’en change pas. Et son successeur, qu’est-ce qu’il fait ? Et bien, il ne touche pas, il n’a qu’à suivre la piste qui a été tracée. Il suit, il sait exactement comment vous avez été coiffé par la personne qui s’occupait de vous et qui a réussi à dompter vos épis, il y a qu’à suivre.

Intermittent du spectacle
Ma fille est costumière dans le cinéma, elle me fait souvent travailler en tant que figurant et à chaque fois que j’ai un rôle où je dois passer à la coiffure, à chaque fois les coiffeurs me disent « attendez, on ne fait rien, on ne touche à rien ». L’autre jour, j’ai eu un rôle de ministre je suis passé au maquillage, le coiffeur a dit, on va essayer de faire quelque chose mais il ne savait pas, il m’avait pas vu, il me fait asseoir (il frappe dans les mains) je touche à rien, (il rit), j’ai rien besoin de faire.
Là j’y vais maintenant toutes les trois semaines ou tous les mois. Et quand il y a eu le COVID et quand on a tous été confiné, on est resté deux à trois mois sans aller chez le coiffeur, et malgré ça j’avais les cheveux très longs et j’arrive super bien à me coiffer, ah non ça a été vraiment dompté, et je vais vous donner un autre exemple j’ai eu une seule fille je l’ai eue sur le tard. Elle n’avait pratiquement pas un poil sur le caillou. Sa grand-mère comme c’était son petit joujou, sa petite poupée, elle voulait absolument lui faire des trucs comme on aimait bien faire à une certaine époque.
Et moi j’ai dit, laissez tomber je vais l’emmener chez mon coiffeur quand elle l’aura l’âge d’y aller et je vais lui demander quoi faire. Elle avait à peu deux ans il a dit, oui en effet, je vais faire ce qu’il faut et il lui a coupé, coupé, coupé sans arrêt les cheveux mais hyper court et aujourd’hui maintenant si vous la voyez, dans le cinéma elle est jalousée tellement ils sont beaux. Elle a les cheveux mais magnifiques, si on avait écouté la grand-mère…

Vous aviez un traitement de faveur ?
Oui parce que moi j’étais particulier mais il était tellement passionné par son métier et quand il a pris en main ma fille, il l’a revu à dix-huit ans, il a vu le résultat.
Vous accordez une attention particulière à vos cheveux quand même ?
Ah oui, j’essaie au maximum d’être impeccable. Bien sûr, je mets de la laque, car si je ne mets pas de la laque, ça part en vrille mais de moins en moins car même quand je vais à la piscine ou à la mer, grâce à lui, j’arrive à faire ce qu’il m’avait expliqué, simplement quand ils sont mouillés. Il y en a un qui est à peu près dans le même système que moi, c’est Delahousse, qui a plein d’épis. Et son coiffeur a réussi à dompter ses épis en fonction de sa chevelure. Parfois je le regarde et je me dis, ah mais s’il n’a pas le coiffeur derrière, il doit bien être emmerdé. Je crois que c’est même pire que moi, lui, ça part dans tous les sens Et je pense que s’il n’est pas dompté il doit être sacrément en pagaille. Ou alors c’est le boulot du coiffeur d’avoir réussi à lui faire ce balayage.
A l'instar de Mr Renardier, interviewé ci-dessus, de nombreux français apprécient leur coiffeurs. Plus de 900 000 clients s'assoient chaque jour sur le fauteuil d'un salon de coiffure dans le pays. Jacques Dessange a confié être allé aussi à domicile, dans une célèbre maison close du 16ème arrondissement. “J'y gagnais en une paire d'heures avec mes hôtesses plus qu'en une journée dans mon salon”.
Coiffeurs d'espions
Manuel, qui a émigré du Portugal à quinze ans, est devenu coiffeur et exerce toujours, dans sa boutique du 15 ème arrondissement. Il a plus de soixante dix-ans et exerce toujours. Est devenu français grâce à l'intervention d'un de ses clients, un grand patron qui appréciait son travail. “Il s'est occupé des papiers qui étaient nécessaires”. Situé près de la rue nélaton, le salon de Manuel a accueilli beaucoup de membres des services de renseignement, autrefois situés à proximité. “Dans ce métier, on est parfois le confident des dames, des hommes, de personnalités célèbres, de comédiens. La discrétion est aussi importante que le coup de ciseau. Avec les espions, c'est encore pire”.
Retrouvez le témoignage et le portrait de Manuel, d'Antoine, de David Harlow, de Camille Albane, dans la série : J'ai coiffé le monde entier.
Le Dr Ferrari a été un médecin et préparateur physique très connu dans le monde du cyclisme, et s'est fait notamment connaitre à cause de sa collaboration avec Lance Armstrong.