Au Maroc, les centres d’appels continuent d’assurer service client et télémarketing, malgré la Covid-19
Mais les brigades anti-covid veillent. Lorsque les visites effectuées par ces dernières sur les sites et plateaux amènent à détecter des cas d’agents contaminés, ou des clusters, c’est souvent la fermeture immédiate, pour 48h au moins, du centre de contacts concerné.
« 100 % de nos clients qui ont continué d’opérer ont été servis pendant la crise et le confinement qui a suivi, sans rupture de service », c’est ainsi que Ahmed Belahsen s’exprime pour décrire la crise traversée, sans dégâts. Le dynamique patron de Marketing Call Center, un des prestataires les plus anciens du pays, explique ce qui a été mis en place via l’AMRC et dans ses centres de production.
Une anticipation de la crise bien gérée
« Destination phare du nearshore, les opérateurs de centres de contact au Maroc ont eu à affronter, comme toutes les destinations et pendant cette crise, la complexité de gestion d’une crise dont on ne connaissait pas grand-chose. Sur place et très tôt, les acteurs du secteur ont commencé à préparer le sujet, avant le confinement. En effet, les signaux forts qui parvenaient des différents donneurs d’ordre et des autorités étaient explicites et sans équivoque. Ainsi, la préparation a pu se faire très en amont ; le confinement était la seule issue et il a fallu travailler avec les autorités pour assurer un cadre sécurisé. Dès le début mars, les autorités ont en effet collaboré avec l’AMRC (l’Association Marocaine de la Relation Client) et d’autres acteurs pour définir les bonnes pratiques à adopter. Le message était clair : les entreprises du secteur doivent continuer à fonctionner, mais en adaptant les pratiques: mise en place partielle du télétravail, si cette option est possible, distanciation et règles d’hygiène strictes sur les lieux de travail, transports obligatoires pour les personnes sur les sites et surtout autorisation spéciale pour les entreprises du secteur ne pouvant s’arrêter ». Une condition a néanmoins été imposée : la réalisation d’un contrôle quotidien, par une commission sanitaire, de la mise en place de ces mesures sur tous les sites.
La qualité des infrastructures au cœur du dispositif
“L’infrastructure télécom du royaume chérifien étant moderne (fibre, 4G, …), l’ensemble des mesures et notamment le télétravail, les sites distants et le maintien des sites pour les activités les plus sensibles ont permis aux acteurs de préserver leurs clients d’une rupture de charge, et également de servir de soupape pour d’autres destinations. En effet, nombre de destinations concurrentes du Maroc n’ont pas pu enclencher de tels dispositifs palliatifs et se sont retrouvées dans l’incapacité soit de maintenir les sites ouverts, soit de faire du télétravail massif ; ce en raison des conditions de vie ou de confinement, voire de l’état des télécoms dans les destinations en question. Les acteurs locaux ont même été les premiers à dégainer dès le début mars, une charte sanitaire, auditée par l’AFNOR, pour rassurer l’ensemble des partenaires”.
Le rôle des brigades anti-covid
Pour la mise en place et la surveillance de ces procédures, les autorités font visiter très régulièrement les centres d’appels par des brigades spécialisées, qui réalisent des tests de contamination au sein des centres. En cas de cas avérés (deux téléconseillers déclarés positifs sur un site), le centre d’appels concerné se voit fermé pour 48h, en totalité, a minima.
Certains grands prestataires de call center, ou des filiales sur place d’entreprises françaises par exemple ont d’ailleurs été concernés par ces mesures.
« Elles sont normales, indique un professionnel installé sur place, car elles sont de nature à rassurer et à maintenir un dispositif de production sur une filière qui est vitale pour l’économie marocaine ; la filière BPO et centres de contacts, née sur place à la fin des années 90, emploie plus de 70 000 personnes, presque le 1/3 de ce qu’elle représente sur le territoire français ». Des groupes tels qu’AXA assurent sur place, en banlieue de Rabat, des opérations de gestion de sinistres dans des centres de services partagés, internalisés. Free-Iliad a installé au Maroc, via des filiales, une grande partie de sa relation client externalisée (Total Call, Resolution Call). Intelcia, filiale du groupe Altice, assure une grande partie du service client de SFR, Madagascar complétant le dispositif. « Autrement dit, le back office digital d’une grande partie des outils ou services dont les citoyens et consommateurs français se servent quotidiennement est assuré au Maroc et désormais en Afrique sub-saharienne, sourit ce cadre expatrié. On n’a pas intérêt à ce que la filière connaisse un shut down massif». Patron depuis de longues années des activités de Comdata (ex-B2S) sur le Maroc et désormais sur Madagascar, Didier Manzari corrobore le point de vue de son confrère Ahmed : ” les brigades qui viennent sur site interviennent sans prévenir et veillent aussi et surtout, parallèlement aux tests qu’elles effectuent, à regarder si des clusters existent et si les centres d’appels mettent en place tout ce qui est nécessaire et recommandé: climatisation, distanciation etc. Elles ont joué un rôle préventif essentiel, tout comme l’AMRC, au sein de laquelle nous avons tous, quasi quotidiennement, dialogué et échangé lors du confinement. Au delà de cette mise en place, la révolution majeure, c’est le constat de l’efficacité du télé-travail, lorsqu’il est pratiqué sur les bonnes opérations. Nous avons un paysage social et organisationnel complètement nouveau devant nous, même si je crois au lien social qu’apportent les sites et les rencontres qu’ils permettent”.
En Tunisie, l’un des pays concurrents sur ces mêmes métiers, l’un des leaders mondiaux en relation client externalisée a dû fermer ses centres plus de 6 semaines.
« Le point essentiel et avéré est que la destination est l’une de celles qui a le mieux réagi et qui a montré la meilleure résilience », complète Ahmed Belahsen. L’ex-ingénieur formé à l’Enseeiht (une école d’ingénieur de Toulouse), installé dans le métier depuis plus de vingt ans, sait que son pays vient de passer là un crash test grandeur nature, non achevé: les nouvelles réglementations qui encadrent de façon plus rigoureuse encore le démarchage téléphonique vont obliger à une deuxième petite révolution : la myriade de petites officines, montées à la va-vite et qui prospèrent en pratiquant du démarchage téléphonique sont dans la ligne de mire d’une autre brigade, française celle-ci : la DGCCRF, qui cible en cas d’infraction les donneurs d’ordre qui commandent ces campagnes, en France. A suivre.
Par la rédaction d’En-Contact
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