L’expérience clients, collaborateurs, un nouvel OMO ?
Édito N° 112/
Porte de Clichy, des femmes de chambre désirent, elles aussi, rencontrer le Chief Happiness Officer de leur entreprise, sous-traitante d’Accor.
Où que nos yeux se tournent, de l’expérience enrichie nous est proposée : plus immersive, plus charnelle, plus rapide, plus secrète, vraiment personnalisée, fluide. Dans le métro parisien cet été, on a fait le compte. Sur la section Miromesnil- La Muette, une portion de la ligne 9, plus de 40 % des panneaux d’affichage des stations concernées proposaient un nouvel émoi : en bus pour découvrir Paris, dans des musées ou des parcs d’attraction, en haut d’un monument ou, grâce à Treatwell par exemple, chez un coiffeur ou en salon esthétique. Pas cher, en plus, moins cher que cher. A chaque fois, le texte des annonces publicitaires comporte le terme expérience.
Dans le même temps, dans la même ville, Paris, des dizaines de femmes de chambre de l’Hôtel Ibis de la Porte de Clichy (un des plus grands d’Europe, 700 chambres) se mettaient en grève pour obtenir des conditions de travail un peu plus adaptées à la difficulté de leur métier, réelle. Accor, propriétaire de l’enseigne Ibis, renvoyait sur son prestataire STN TEFID lequel évoque les faibles marges que lui laisserait la prestation facturée. In fine, les femmes de ménage peinent et un jour protestent, avec plus de véhémence. La grève, pourtant c’est mauvais pour l’image de Paris et de l’enseigne en question, non ?
Dans la même ville toujours, pas une conférence ne se tient pourtant sans qu’un Customer Success Manager, un évangéliste (le nom donné désormais aux vendeurs-prédicateurs, au sein des boites de Tech) de l’expérience collaborateurs ne déroule quelques slides qui lavent plus blanc. Parfois sur leur carte est même indiquée une autre fonction : Chief Happiness Officer, laquelle donne encore plus envie de sourire. Responsable du personnel, ça doit faire old school. Chez Accor, STN et tant d’autres, considère-t-on que la femme de ménage, la dame pipi, le livreur ne contribuent pas, eux aussi à l’expérience client, au Happiness de tous ?
Mais voilà, dans quantité de sociétés et de firmes, celui qui s’occupe des fonctions achats, moyens généraux et autres travaille certainement à un autre étage ; on appelle ça les silos. Pour les casser, on peut : ne jamais les créer ou se faire conseiller. Dans le premier cas, utilisez le mot Entreprise libérée, dans le second, plan de transformation digitale. Durée moyenne de la mission : 2 ans, probabilité qu’il y ait du Sales Force ou un logiciel de CRM équivalent introduit dans la recommandation : 76%.
Si Coluche était encore vivant et spectateur de ces affiches, de ces grèves, certainement actualiserait-il son fameux sketch sur le nouvel OMO (Y a un nouvel Omo) qui deviendrait : Y a une nouvelle expérience ? Mais Coluche est décédé.
A défaut de faire rire autant que l’homme à la salopette, la pancarte qui suit rappelle quelques règles simples : pas cher, rapide et bon, c’est difficile à obtenir simultanément. Mais c’est possible. Quand l’expérience collaborateurs est bonne, bonne, bonne … ! Merci à ceux qui s’occupent des clients ou tentent de le faire, vraiment, même en silence. Ils sont nombreux en vérité et ce numéro leur est dédié, consacré. Ainsi qu’à ceux qui soutiennent Expérience Client/The French Forum, le 1er Forum sur l’expérience client, en France. Merci Maxime, Marcos, Dounia, Thierry, Charles Emmanuel, Frédéric, Laurent et les autres. Ainsi qu’à une certaine chercheuse du CNRS, spécialiste de la voix, qui a enchanté les participants lors de l’édition 2019, grâce à son intervention (Nathalie Henrich Bernardoni).
Par Manuel Jacquinet