La septième révolution de la grande distribution
Par Jean-Marc Liduena, Senior Partner du cabinet Monitor Deloitte
Publié le 7 décembre 2014 sur le JDD, avec l’aimable autorisation du JDD
Réalisée auprès de 17 000 consommateurs de 17 pays, l’enquête 2014 du cabinet Deloitte sur les intentions d’achats pour Noël indique que la dépense moyenne en France (518€) est en repli de 4,5% par rapport à 2013. Un tiers des achats de cadeaux sera effectué en ligne ; pour les cadeaux en magasin, les hypermarchés concentreront 48% des achats.
La fin d’année est un moment intéressant pour s’interroger sur l’évolution des modes de consommation et de la grande distribution en France. Les ventes connaissent une érosion depuis de nombreuses années. L’indice de confiance des consommateurs est proche du plus bas historique, à 85 en octobre 2014, par rapport à 124 début 2001…
Pour enrayer ce phénomène, les acteurs de la grande distribution ont entrepris une démarche de « triple accessibilité ». L’accessibilité des magasins : les grandes enseignes ont développé des dizaines de formats de magasins visibles et accessibles partout. L’accessibilité des produits : les enseignes conçoivent des magasins de plus en plus attractifs de type « smart store ». Elles individualisent le parcours client autour de ses attentes (trouver vite les produits, reconnaître ses marques préférées, passer moins de temps en caisse). Et l’accessibilité des prix : critère par lequel les enseignes tentent de redynamiser la consommation jusqu’à mener depuis peu une guerre des prix, malheureusement souvent destructrice de valeur pour elles.
Tout cela ne suffit plus. La grande distribution est aujourd’hui en train de se réinventer autour de trois axes stratégiques. Premièrement, l’expérientiel : il faut faire vivre au consommateur une expérience nouvelle en magasin, avec l’utilisation de technologies (réalité augmentée pour le maquillage ; showroom virtuel sur écran digital ; guidage en magasin par smartphone…) ou avec des concepts comme les magasins très éphémères. Deuxièmement, l’innovation : elle peut permettre de se différencier et de sortir par le haut de la guerre des prix en proposant de nouveaux produits et services permettant de créer une offre premium. Troisièmement, l’omni-canal qui a explosé de 150% en trois ans aux Etats-Unis. Il permet de rejoindre le consommateur partout où il achète. En magasin évidemment, mais aussi sur son trajet travail-domicile (le drive), sur son ordinateur (e-commerce), sur son smartphone (m-commerce), et sur les réseaux sociaux (s-commerce).
Les stratégies gagnantes de la grande distribution seront celles qui parviendront à combiner tous ces axes, inaugurant la septième révolution de la distribution : les grands magasins (1829), les supermarchés (1931), les hypermarchés (1963), le hard-discount (1988), l’e-commerce (2000) et le drive (2004). Cette septième révolution pourrait être baptisée What Else, en référence à la marque Nespresso, révolution qui dissipe les frontières entre fabricants, marques, distributeurs, enseignes et consommateurs pour tout rassembler en un seul monde « digital ».
JDD 7 déc. 2014 – La septième révolution de la grande distribution