“Un studio de légende, c’est celui où tu fais un tube ou des grands disques.” La mort d’Orion, c’est un grand disque ?
Ce qui est bien au mois d’août, c’est que les gens sont souvent plus disponibles.
J’ai donc été heureux et chanceux de pouvoir, pour la rédaction du livre évoqué, (Les studios de légende en France, que sont devenus nos Abbey Road ?), m’entretenir avec quelques figures de la musique française, jazz ou rock ; et encore plus heureux qu’elles me partagent les souvenirs avouables de leurs visites et séjours aux Studio des Dames, à Miraval, au studio Harry Son (à Pantin) ou au Poste Parisien (ex Europa Sonor). Merci à ceux-ci.
Ils m’ont aidé, pour identifier… qui joue sur la version 2 de Matrice (2014) ou qui est la choriste* sur Je veux quitter ce monde heureux :
Maxime Le Forestier a séjourné et enregistré à Miraval, avant Angelina Jolie et Brad Pitt. Mais il n’a rien gardé des sessions qu’il fit là-bas. Vous saurez pourquoi… bientôt. Gérard Manset apprécie de se rendre à pied aux studios qu’il fréquente, mais il est également sensible aux prix à la journée de ces lieux qu’il loue. Car l’artiste produit lui-même ses disques et il a donc la main sur les budgets d’enregistrement. On a passé au téléphone plus de deux heures assez passionnantes avec cet homme discret, très précis sur les “drop numériques” ou le ré-enregistrement de Matrice, en 2014, une version rock de son titre célèbre, et au sein de laquelle les guitares sonnent comme jamais. Mais Gérard, qui joue sur cette nouvelle version ? Mike Lester, David Woods Hill, Patrice Marzin ? Qui a fourni les consoles qui équipèrent le Studio de Milan et que vous évoquez sans le citer dans Les Petites Bottes Vertes (Gallimard) ? Nous l’avons appris, et donc vous le saurez… bientôt.
Plus XXX a quitté la rue des Annelets, près des Buttes Chaumont et cessé ses activités mais ceux qui y sont passés, telle Françoise Hardy ou Gabriel Yared se souviennent très précisément du lieu, de la cave et des ambitions de Claude Sahakian, très grand ingénieur du son.
Un grand studio, c’est quoi ?
De tous les albums qui ont été vendus à plus de 2 millions d’exemplaires en France, combien d’ailleurs ont-ils été enregistrés à Plus XXX, combien le furent au studio Mega ou à l’Artistic Palace, aujourd’hui disparus ? Voilà également les quelques statistiques que nous avons tenté d’établir*, car la province n’est pas en reste dans cette bataille pacifique : Polygone à Toulouse apparait bien classé. (Paris est-il la terre d’élection des grands studios ou la province a-t-elle de sérieux atouts, notamment grâce aux studios résidentiels ?). Il a donc fallu qu’on aille à Toulouse et dans le Lot. Là-bas vit encore (et compose ?) un des musiciens et premiers bidouilleurs de synthés dont le ARP, que tous mes interlocuteurs m’ont décrit comme la légende, un “des génies de l’arrangement” (dixit Maxime Le Forestier). Dans une impasse parisienne, fin des années 80, dans le studio minuscule de ce compagnon de route des plus grands ont été enregistrés, parmi d’autres merveilles : la BO de 37,2 le matin, ou Né quelque part, qui remit MLF très haut dans les charts, à la place qu’il mérite. Qui est-il ? C’est à découvrir… bientôt :).
La liste des rencontres effectuées, ou à venir encore, pour achever ce livre mérite :
• Qu’on mentionne également Mike Lester. Mais comment se fait-il donc qu’aucune télévision n’ait encore consacré de 52 minutes au guitariste-karatéka que Gérard Manset lui-même adule, qui lui fit découvrir Bob Seger, qui a accompagné Moon Martin, Rory Gallagher et Johnny; et a été accompagné lui-même, à la batterie, sur l’un des rares disques qu’il ait édités, par Henry Spinetti ? (batteur de session reconnu). Mike le golfeur est un homme doté d’une hotte à souvenirs incroyable.
• Qu’on achève les devoirs de vacances : il reste encore à entrer en contact avec le Studio Piccolo et Vincent Bruley, qui enregistra Guesch Patti (Etienne), à tenter de trouver la trace de Mick Lanaro. Ah tous ces témoins disparus ou sont si discrets qu’on ne sait comment les toucher. Comme me l’a gentiment fait remarquer l’un des artistes sollicités : « S’ils avaient envie d’être connus et dérangés, ils ne travailleraient pas toute leur vie au fond d’une cave, sans lumière ». Pas faux. Je tente tout de même la bouteille à la mer: qui a des nouvelles de Mick Lanaro ?
• Qu’on remercie enfin les archivistes géniaux et impliqués de la Bibliothèque Nationale de France, (qu’ils soient bibliothécaires ou ingénieurs du son), qui nous ont ouvert les archives sonores de la musique en France. Pour vérifier si certaines légendes sont vraies, rien de tel en effet que de ré-écouter ou solliciter ceux qui étaient là. Le mois d’août et la BNF, pour ça, c’est extra !
“Un studio de légende, c’est celui où tu fais un hit ou des grands disques “
Steve Forward a été l’un des témoins de nombre d’aventures qui sont relatées ou mentionnées dans le livre, à Marcadet, à Guillaume Tell ou au studio Davout. Car il a travaillé, depuis quarante ans, avec les plus grands musiciens ou groupes du monde, en France, en Angleterre et ailleurs : Paul Mc Cartney, Axel Bauer, Robert Palmer, Ray Charles, sans être aussi connu pourtant qu’un autre ingénieur fameux, DBF (Dominique Blanc-Francard). Davout, Abbey Road, Ferber ou le studio Marcadet, il en connait les recoins et les consoles ; c’est à lui qu’on doit le mix final du Le Soleil donne (Laurent Voulzy), pour lequel il faillit s’arracher les cheveux (pour une raison qu’on a promis de taire).
A l’occasion de la rédaction et des interviews menées pour le livre sur les Studios de légende en France on a eu la chance de s’entretenir avec Steve Forward. Et on n’a pas été déçus…
Par Manuel Jacquinet
*Liette Lomez, malheureusement aujourd’hui décédée.
Pour aller plus loin : Studio de Milan
Studios de légende, secrets et histoires de nos Abbey Road français
Beau livre enrichi avec des photos exclusives. 352 Pages. Poids : 1,3kg !
Edité par Malpaso-Radio Caroline Média.
39 euros, prix de souscription jusqu’à fin novembre : 29 euros.