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“J’ai appris tant de choses au Club Med”

Publié le 22 octobre 2019 à 09:53 par Magazine En-Contact
“J’ai appris tant de choses au Club Med”

Le Club Med entame ses recrutements (plus de 2000 saisonniers) pour la saison d’hiver. Au-delà de la paie et des rencontres et de l’expérience acquise, qu’apprend-on dans les villages au contact du client ? Presque tout, en tout cas des choses essentielles nous indique une ex-DRH du marchand de bonheur, lucide sur ce qu’elle doit à cette entreprise comme sur la mutation que celle-ci a dû engager.

Désormais DRH d’une entreprise de services bien connue dans son domaine (Agaphone), Caroline Lecarpentier livre dans un témoignage passionnant ce qu’elle a retiré de son parcours et des formations théoriques ou de terrain, durant les huit saisons qu’elle passa au Club Med. Gestion des saisonniers, des crises, école du savoir-faire et du savoir-être, elle parle sans détour.

Caroline Lecarpentier – © DR

En-Contact : Quand es-tu rentrée au Club Med et quel parcours y as-tu accompli ?
Caroline Lecarpentier : Je suis entrée au Club en 2000, dans le cadre d’un congé formation de l’Éducation nationale pour passer un BEATEP option encadrement enfants en village vacances international. Le brevet d’état en poche j’ai quitté l’Éducation nationale pour partir Responsable Baby Club en statut saisonnière. Je suis très vite passée en CDI et y ai évolué de saison en saison sur différents postes managériaux (Responsable Baby Club, Mini Club, Espace Forme, Restaurant, puis RH).
En 2008 j’ai basculé en RH, grâce aux formations internes et à ma maitrise du management opérationnel, tant sur la partie Loisirs que la partie Hôtelière. J’ai suivi les formations juridique grâce à l’université des Talents (centre de formation interne au Club). Très vite, je me suis spécialisée dans la veille sociale et l’accompagnement des chefs de village sur les aspects légaux. En 2013, j’ai intégré le siège RH à Lyon, où j’ai pris la responsabilité RH de tous les services des pôles Loisirs GPEC et affectations (Sports, animation, famille, boutique, forme) & Technique (maintenance) et ce jusqu’à mon départ en 2016.

Y avait-il selon toi et encore à l’époque, cette culture du Club. Comment la résumerais tu ?
Jusqu’en 2010 à peu près, on peut considérer qu’existait encore cette culture du Club qui associait des valeurs humaines, festives et bienveillantes et l’image d’évasion. Peu à peu, selon moi, la spontanéité et l’esprit du GO ont disparu ainsi que les opportunités de voyage, et les budgets alloués aux villages ont chuté (JH bar, JH hôtelière, budget masse salariale, Maintenance des bâtiments). La pression est alors devenue plus forte pour les équipes en front client et la spontanéité et joie de vivre des équipes ont fondu, comme neige au soleil. En 2014/2015, la bataille boursière -historique- pour le rachat du Club conclue par le groupe chinois FOSUN a fini d’enterrer l’identité pionnière du Club Méditerranée. C’est un acteur désormais de cette industrie hôtelière, « focussée » comme tant d’autres et qui a dû abandonner son savoir-faire 100 % français adapté à une clientèle qui était essentiellement européenne.

Pouvait-il rester d’ailleurs fidèle à cette culture et ces valeurs ?
Ça n’a pas été tenté, mais très certainement, cela aurait été dangereux. Les choses changent, il faut s’adapter.

Au Club Med d’Opio – © DR

Comment peut-on apprendre, avec ton recul, les bases du contact client ? Faut-il un socle de dispositions particulières, de qualités ou peut-on les acquérir ?
La relation clients est incarnée et conditionnée par un état d’esprit et un don de soi très présent au Club (le savoir être) et affiné par un apprentissage opérationnel (le sens du détail, le savoir-faire). Si le savoir être n’est pas incarné, on pourra délivrer toutes les formations possibles, le contact clients ne sera jamais qualitatif et vrai. Le Club Med, c’est l’école de la communication par excellence pour celui ou celle qui sait saisir les opportunités et incarner de vraies valeurs.

Gérer des saisonniers est-il une chose simple ? A quoi faut-il être sensible et veiller ?
La population saisonnière est enrichissante car elle est avide d’expériences, plutôt solidaire, mais paradoxalement elle est aussi très exigeante compte tenu de son statut précaire. C’est une population qui attend des avantages en contrepartie du principe de saisonnalité. Très souvent, elle manque fortement d’expérience mais si elle possède le savoir être, elle grandit vite et c’est la force du Club de conjuguer fragilité et capacité à délivrer. La capacité à faire adhérer reste forte au Club mais dure moins longtemps qu’auparavant. GO un jour, GO toujours n’est plus aussi vrai.
Les saisonniers représentent en miroir la société active française avec ses carences (beaucoup de GO/GE ont un passif social fragile). Le point de vigilance premier, c’est la prise de recul car les équipes vivent ensemble 24h/24 et toutes les dépendances surgissent vite si l’on ne tient pas les rênes serrés. Tous les six mois, on refait l’histoire avec une nouvelle équipe et c’est une vraie force car on ne tombe pas dans un faux rythme : on intègre, on forme, on fédère.

Au quotidien, que mets-tu en place dans ta fonction actuelle qui vient et provient de ce que tu as appris ?
La polyvalence, une vraie vision opérationnelle multifonctions, la capacité à absorber les sujets et à travailler efficacement en respectant les échéances (structure& process). Une compétence RH généraliste complète qui permet un accompagnement stratégique.

Te rappelles-tu quelques anecdotes signifiantes ?
Celles qui me reviennent à l’esprit concernent la gestion des cellules de crise, un actif extraordinaire au Club : tornado* en République Dominicaine avec 700 GM qui arrivent et 700 autres qui ne peuvent pas repartir car l’aéroport est hors service. La mobilisation des équipes est tellement forte dans ces moment-là qu’elle produit des miracles avec les GO qui dorment sur les lieux de leurs différentes activités pour laisser leur modeste chambre aux clients, les GM. L’incendie en Grèce (à Gregolimano) avec évacuation du village des 850 GM (la Française de motivation) en bateau par la mer en 1 heure et ouverture du village d’Athenia en 2 heures pour les accueillir pour la nuit. Spectacle improvisé par les GO, eux même évacués. Ensuite, après le rapatriement des GO/GM par vol spécial, débute une semaine en village, lunaire : sans eau ni électricité, avec simplement un groupe électrogène, et consacrée à clôturer tous les contrats et assurer toutes les démarches administratives RH.
Sur mes huit dernières saisons, nous avons été confrontés à un décès par saison, en moyenne, concernant les populations accueillies ou gérées : crise cardiaque, cancer foudroyant, accident de ski, rupture d’anévrisme. Le Club a été une école incroyable, mémorable.

Par la rédaction d’En-Contact

*Le qualificatif utilisé sur place pour parler d’une tornade.

Photo de une : le Club de Smir au Maroc dans les années 80 – © DR

 

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