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Good Morning England !

Publié le 12 septembre 2016 à 14:06 par Magazine En-Contact
Good Morning England !

Au moment même où les Britanniques signifient leur désir de s’éloigner de l’Europe, il « faut » se rendre à Londres, pour y rencontrer quelques résidents qui y font des choses extraordinaires (Astonishing !). En musique ou dans le digital, le melting-pot des grandes métropoles favorise les réalisations uniques en leur genre, quand l’ambition et le talent sont réunis ! À Londres on a rencontré Peter Gale (pas Peter Gabriel), ses équipes qui collaborent avec Coca-Cola & Associates. Impressionnant !
On a découvert aussi le deuxième album de Michael Kiwanuka. Impressionnant !

Le casse du siècle !

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Kelly Desinioti – Responsable du Consumer International Center – Coca-Cola

Des agents très spéciaux
Juin 2016. A la sortie de la station Canary Wharf du métro londonien, la foule des white collars workers se presse et s’égaye vers les tours avoisinantes, chacune arborant un logo prestigieux de la finance mondiale : JP Morgan, Merrill Lynch, Deutsche Bank… Gobelet Starbucks à la main, des anglais roux, des pakistanais dont l’accent traduit le passage par Oxford ou Exeter regardent à peine le stand Accenture placé face à la sortie du métro, où des consultants-bateleurs tentent de convaincre le chaland de rejoindre la « firme ».
Quelques minutes plus tard, ce n’est pas dans une banque d’affaire que nous pénétrons mais dans l’un des hubs européens de CCA. CCA comme CCA International mais CCA surtout comme Coca-Cola and Associates. Assis à de grandes tables, une petite équipe de trentenaires regarde attentivement à la télévision un match de l’euro, les doigts sur le clavier des laptops. La pause, déjà ? A 9h50 ? Vous n’y êtes pas : c’est au milieu d’un décor surréaliste qui mixe babyfoots, palettes de cannettes et des réfrigérateurs bien remplis que l’équipe est chargée, depuis presque deux ans, ici, d’animer les communautés digitales d’une des world company les plus en pointe sur le marketing et le digital : Coca-Cola. Le Consumer International Center (CIC), piloté par CCA est une sorte d’unité spéciale où des agents très pointus sont chargés d’engager la conversation avec les consommateurs européens qui s’adressent aux marques du groupe sur les médias sociaux. L’un de ces agents spéciaux est un français : Jacques Deguigné. « Ici nous n’avons aucun objectif de vente, de conversion, notre mission est simplement de représenter les marques du groupe et de répondre à tous ceux qui s’expriment sur celles-ci ou à leur attention sur les médias sociaux : Facebook, Twitter, Instagram…Nous leur répondons, nous engageons la conversation dans le respect des codes de langage et procédures fixées avec notre client. » Diplômé de l’EDHEC, le « knowledge inside manager » a développé son savoir-faire en marketing et communication dans des agences de communication, de gestion de crise et au planning stratégique de grandes agences. En sus, il parle plusieurs langues, tout comme les 50 cothurnes polyglottes qui l’entourent : le service a en effet une vocation paneuropéenne. Unique en son genre, cette unité spéciale fait saliver et pâlir d’envie tous les visiteurs de grands groupes ou de startups qui la visitent fréquemment. Richement doté d’outils de monitoring des médias sociaux, regroupant de réels spécialistes de la communication, le CIC a démontré à son client son efficacité. Il témoigne surtout d’une triple rupture :
– Certains grands groupes ont désormais compris que l’engagement des consommateurs nécessite d’initier la conversation avec ceux-ci sur tous les médias même hors contexte de vente.
– Désormais Ils choisissent de confier l’animation de ces communautés digitales à des spécialistes qui ne sont plus localisés au sein de leur service de leur entreprise, malgré l’enjeu des prises de parole- Ces spécialistes ne sont pas obligatoirement des agences digitales, qui ont longtemps proclamé que c’était leur métier et qui voudraient bien en faire leur chasse gardée.

Opération Coca-Cola & Associates

« Quand nous avons répondu à cet appel d’offre, nous étions en compétition avec des agences de communication et des agences digitales, seul « représentant » venant du monde des prestataires en relation client. De plus la consultation était menée par l’une des marques mondiales les plus exigeantes en termes de marketing et de communication. On s’est battus pour prouver la pertinence de notre offre et la capacité à assurer le service. Aujourd’hui Coca-Cola est content » déclare Glenn Smith (cf. itw).
Pionnier sur ce type de mission, CCA International démontre à Londres avec le CIC que l’avenir des centres d’appels se situe peut-être sur le grand terrain de jeu de l’intermédiation digitale : les gens ont besoin de se parler, de s’écouter, et depuis 30 ans c’est précisément le métier de Jacques et de tous ses collègues.
Après avoir surtout animé des conférences sur la disruption, sur le digital, les grandes marques et les PME en forte croissance savent désormais qu’il faut passer à l’action, et pas obligatoirement avec les acteurs historiques que représentent les agences de communication. Après ce premier hold-up (l’opération « Coca-Cola&Associates ») CCA International a bien l’intention de ne pas s’arrêter en chemin et de convaincre de grands donneurs d’ordre. Ce serait… le casse du siècle !

La Juilliard School des centres d’appels ?
Elle est à Londres

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Ola Masha

On ne le sait pas toujours, mais les très grands musiciens, comédiens, danseurs ont aussi leur Ecole Normale Supérieure ou leur Harvard, elle s’appelle la Juilliard School et elle accueille à New-York, après une sélection draconienne, les plus talentueux danseurs, comédiens… Jessica Chastain, Robin Williams, Oscar Isaac, Miles Davis, Nina Simone ou encore Pina Bausch… y sont passés, simplement pour vous suggérer le niveau.

Eh bien, moi j’ose vous le dire, les « talents » et les ambitions qu’on a rencontrées et côtoyées sur le « floor » de CCA International n’ont rien à envier à leurs homologues du monde du cinéma ou de la musique. Cinq minutes passées avec la gréco-britannique Kelly Desinioti suffisent à vous convaincre que la volonté, le talent oratoire, la jolie tessiture vocale et le sens de la répartie peuvent coexister dans un petit bout de bonne femme en ballerines… Kelly ferait une meneuse de ballet extraordinaire, d’ailleurs elle dirige le CIC. Quelques travées plus loin, on tombe sur Sahr Mebbie ou Ola Masha dont le regard, la vitesse de frappe, la capacité à rédiger un mail compliqué tout en nuances ou la posture suggèrent qu’on est face à des quasi scénaristes, danseurs… Bingo ! Ils le sont pour de vrai : au bout de cinq minutes de conversation, l’un d’entre eux nous avoue qu’il est scénariste, réalisateur, et parallèlement encore étudiant (London International Film School) tandis que d’autres prennent la pose pour notre photographe.
Comme toutes les grandes métropoles européennes, Londres accueille ce type de profils  mais c’est surtout l’activité des centres d’appels et des exigences professionnelles qu’on y exige qui favorise la forte concentration d’artistes de la voix, du texte, de la mise en scène. CCA International, à Londres, on en a un bon exemple. Voir photos !

Que vous tweetiez de Paris ou de l’Inde, vous avez la même attente : vous voulez que quelqu’un vous écoute

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Glenn Smith, Directeur des opérations internationales de CCA International

En-Contact : Vous avez travaillé plusieurs années dans l’industrie du transport aérien : pourquoi être venu dans l’outsourcing de centre d’appels ?
Glenn Smith : Oui, j’ai travaillé pour Canadian Airlines pendant 20 ans, je formais les agents au service à la clientèle à travers l’Europe au début de ma carrière, au Royaume-Uni, en Allemagne, en France, en Italie… Canadian Airlines était la compagnie nationale, donc toutes les interactions devaient être faites en anglais et en français. Le fait que la compagnie aérienne était un membre de l’alliance One World nous permettait d’offrir un service client sur les cinq continents. Certaines des opérations de contact, en Amérique du Nord, ont été externalisées, mais l’essentiel était réalisé en interne. En 2000, lorsque Canadian Airlines a été acheté par Air Canada, j’ai rencontré mon ex-patronne. Elle m’a dit : « Vous aimez les centres de contact, vous avez cette expertise en stratégie de contact, vous aimez la technologie. Vous devriez trouver un poste chez un outsourceur : vous n’aurez jamais les investissements que vous voulez si vous restez dans la relation client internalisé, tout l’argent va aux avions ! »

EC : Quel outsourceur vous a-t-il embauché, et quelles différences avez-vous remarqué alors avec des centres de contact internes ?
GS : En 2000, j’ai été embauché par une compagnie appelée Telespectrum aux États-Unis, en tant que vice-président des opérations, puis en charge des opérations canadiennes et américaines. Nous avions alors 2 500 postes de travail au Canada et aux États-Unis, dont 1 000 consacrés à un seul client : l’opérateur mobile Sprint.
Les plus grandes différences par rapport aux centres de contacts internes concernaient le spectre d’intervention des opérations : nous étions confrontés aux problématiques de livraison au client, de finance, de relation client b2b… D’un coup, j’avais une vue à 360 degrés de l’entreprise. En ce qui concerne la technologie, je me suis retrouvé beaucoup plus en contact avec les dernières technologies. En outre, dans l’insourcing, vous traitez avec un produit en particulier. Avec l’externalisation, vous devez vous occuper de nombreuses industries différentes. Lorsque ce travail avec Telespectrum a pris fin en 2006, j’ai profité de la clause de non-concurrence pour voyager pendant un an. Je voulais avoir une idée de l’Europe, et je me suis retrouvé en Ecosse… qui est en fait un peu mon pays d’origine ! J’ai réalisé que j’aimais beaucoup de choses en Europe, comme la capacité d’être dans deux pays différents le même jour, le grand héritage en matière de centres de contact en France… alors j’ai décidé de poursuivre ma carrière en Europe. CCA international m’a offert la possibilité de travailler avec eux sur la base d’un contrat de trois mois, j’ai fait ma valise et je suis parti à Londres. Cette année, je fête mon quatrième anniversaire chez CCA international !

EC : Qu’avez-vous appris de tout cela en voyageant à travers les années ?
GS : J’ai toujours été un voyageur ; j’adore expérimenter différents modes de vie et différentes philosophies. Lorsque vous vous ouvrez vraiment, vous vous rendez compte que les gens sont les mêmes au fond, ils ont les mêmes besoins de base. Dans les affaires, je vois que les différences s’amenuisent de plus en plus. Avec les médias sociaux, vous faites partie d’une communauté internationale. Le mouvement « #JeSuisCharlie » après les attaques terroristes de janvier est un bon exemple de cette nouvelle citoyenneté mondiale.

EC : Qu’y a-t-il de si spécial à Barcelone ou à Londres (où CCA international est installé), pour qu’on y trouve autant de centres de contact ?
GS : Les gens de toute l’Europe viennent à Barcelone, car c’est une ville dynamique, avec un style de vie agréable, et où vous pouvez travailler dans votre langue maternelle. Il y a beaucoup de sous-cultures là-bas, avec une base commune espagnole. Nos collaborateurs sont partout passionnés et « engagés », impliqués par la marque qu’ils représentent. A Londres, c’est exactement la même chose. Lorsqu’on parle à un de nos agents français sur ces deux sites, ils se considèrent comme travaillant avec Pierre & Vacances, avec Coca-Cola : ces agents renforcent la valeur de la marque.

EC : Comment appelez-vous ces collaborateurs, en interne ? « Agents », « agents du service à la clientèle »… ?
GS : Nous les appelons « Customer service agents », « sales agents »… Certains clients veulent qu’ils soient appelés associés, agents, coordinateurs … Nous avons des social media analysts, qui font du marketing en temps réel sur les réseaux sociaux, et les stratèges des social media strategists qui se concentrent sur les moyens d’obtenir plus d’audience.

EC : Qui sont ces agents ? Quel âge ont-ils, et quel est leur profil ?
GS : certains d’entre eux ont 21, 22 ans, d’autres de 35 à 40 ans et ont longtemps travaillé dans les agences. Parfois, nous les recrutons dans les agences où ils travaillaient auparavant pour nos clients.

EC : Quelles sont les difficultés spécifiques à la gestion de la « génération Y » ?
GS : Les besoins de base sont les mêmes pour tous les employés : ils ont besoin de comprendre les attentes, ils désirent être reconnus et récompensés. Mais ils ont également besoin de travailler dans un environnement créatif. Ils ne veulent pas de titres ronflants sur leurs cartes de visite, ils veulent de meilleurs ordinateurs portables.

EC : Est-il difficile de recruter les bons profils pour ces opérations ?
GS : Nous n’avons aucune difficulté : nous avons des liens dans divers pays avec les universités qui dispensent des cursus en digital et médias sociaux. Il y a en réalité un énorme bassin de personnes très engagées.

EC : Comment vous assurez-vous du respect à la fois des exigences relatives au contrôle de l’image par le client, et de la réactivité nécessaires sur ces canaux ?
GS : Nous avons des protocoles clairs en termes d’opportunités, et nos analystes échangent constamment avec les clients, par de conversations quotidiennes, sur des forums avec la direction de la marque. Il y a un cadre, et seules les exceptions doivent être validées directement par la marque.

EC : Ce que vous faites pour Coca-Cola est assez unique et tous ceux qui visitent le centre de Londres le reconnaissent. Quel est votre objectif désormais ?
GS : Notre objectif est de travailler avec des marques mondiales et des marques européennes fortes qui sont connues dans toute l’Europe, et qui ne veulent pas ouvrir des installations dans tous les pays dans lesquels ils mènent des opérations commerciales ou de marketing.

EC : Y a t-il une grande différence en termes de maturité des marchés nationaux liés à l’utilisation des médias sociaux ?
GS : L’appropriation et l’utilisation des médias sociaux est désormais un phénomène mondial même si certains pays préfèrent Twitter, d’autres Facebook etc… Les grandes variations tiennent plutôt à la façon qu’ont les différentes marques de gérer les médias sociaux comme un atout stratégique. Certaines marques sont en avance, d’autres pas du tout. Certaines n’ont même aucune stratégie quant à la façon d’atteindre les influenceurs, d’engager, de trouver des détracteurs. Que vous tweetiez de Paris ou de l’Inde, vous avez la même attente : vous voulez que quelqu’un vous écoute.

Propos recueillis par Charles-Henri Fondras.

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