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Fugen ! Tôkyô Années 1930, Jun ISHIKAWA, Les Belles Lettres

Publié le 03 novembre 2011 à 09:50 par Magazine En-Contact
Fugen ! Tôkyô Années 1930, Jun ISHIKAWA, Les Belles Lettres

Première traduction en français de cet ouvrage qui valut la célébrité à son auteur, par le biais d’un prix Akatugawa en 1936, l’équivalent du Goncourt japonais. Avoir dû attendre aussi longtemps est un comble en ce qui concerne cet auteur, qui a éveillé son public à Molière et à Gide dont il a traduit les œuvres. Il sera reconnu plus tard comme un des principaux inspirateurs de toute une génération d’auteurs japonais réalistes, aux prises avec la crise sociale et morale d’après-guerre.

Fugen ! fera sans doute voler en éclats bon nombre des présupposés que nos lecteurs pourraient encore avoir sur les japonais et leurs poètes : ici, pas de nobles personnages, pas de style précieux, pas de repli identitaire. L’œuvre de Jun Ishikawa s’attache à décrire le bas peuple de Tokyo en cette période sombre, qui ne les affecte en apparence que superficiellement, mais finit par les rattraper avec l’omniprésence de la police militaire, jamais nommée. Bas peuple qui était néanmoins déjà ouvert au monde : le héros, si on peut le qualifier ainsi, écrit un essai sur Christine de Pizan. Son cothurne est alcoolique. Sa logeuse est morphinomane. Le mari des cette dernière est partie prenante à des affaire louches. Il ya des femmes de passage, des embrouilles policières auxquelles on ne comprend pas grand’chose, une course permanente dans les rues alors animées de la capitale. Plus proche de Léo Mallet que de Mishima… Mais l’intrigue n’est qu’un prétexte, et le génie de l’auteur est de nous faire partager, malgré l’extrême modestie du style, populaire mais jamais indécent, l’immensité de sa culture non seulement asiatique mais aussi européenne à travers les angoisses, les recherches, les références de ses personnages : en fin de compte, on est plus proche de Dostoïevski.


« C’est moi-même, sur ce lit, pesamment barbouillé par le corps de Tsuna endormie à mon côté, par ses cheveux, sa sueur, sa graisse, son maquillage, incapable seulement de me cramponner aux fleurs de ta parure précieuse. ” Les dieux sont composés, comme nous le sommes ; je dirais même composés de divers animaux, comme nous le sommes.” Si ce que dit Alain est exact, ô Boddhisatva Fugen, tu serais donc semblable à nous, tu serais composé d’insectes rampant sur le sol comme l’être insignifiant que je suis, comme cette femme vile qui dort ici ! (…) cette prière même que je m’efforce de t’adresser, hélas, étranglée par le gémissement de la bête qui emplit ma gorge entière, ne fait que pleurer vainement la plainte de D.H. Lawrence :

 

I am sick, and what on earth is good of it all ?
What good to them or me, I cannot see ! »


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