Facebook condamné à deux reprises pour avoir laissé diffamer un boulanger auvergnat
(Castagne à Bourg-Lastic, saison 2)
Au terme de deux ans de procédure et grâce à la ténacité d’une avocate de Clermont-Ferrand, un boulanger de Bourg-Lastic (Auvergne) est parvenu à faire condamner deux fois Facebook France et Facebook Ireland, appelée dans la cause. Le réseau social avait laissé un anonyme créer une fausse page au nom de la Boulangerie Seramy, sur laquelle il était diffamé.
Le rappel des faits
En juillet 2017, Philippe Seramy, boulanger dans une petite commune, découvre avec stupeur qu’une page Facebook a été créée au nom de sa boutique et qu’on y parle de la saleté de sa boulangerie, de rats qui y circulent. Il n’a lui-même pas de site web ni n’est présent sur aucun réseau social. Il essaye de joindre Facebook, sans succès et sollicite donc Lena Borie Belcour afin d’assigner la plateforme pour faire cesser le trouble et de disposer des coordonnées du créateur de la page.
En octobre 2017, Facebook France se défausse sur Facebook Ireland qui serait la bonne société à appeler dans la cause.
Un juge de première instance condamne en février 2018 la société irlandaise à supprimer la page et réparer le préjudice ainsi qu’à fournir au boulanger les éléments lui permettant de rechercher l’auteur du méfait.
En juin 2018, Facebook fait appel de cette condamnation.
En janvier 2019, la Cour d’Appel a confirmé en grande partie la décision (voir extraits du jugement) et a condamné Facebook Ireland à réparer le préjudice, à vérifier que la page avait bien été supprimée pour tous. Elle a accepté également que Facebook ne fournisse que l’adresse IP de la personne qui a créé la page litigieuse, ce qui aurait été fait dans un Burger King. « La société a versé la somme correspondant à la réparation du préjudice », indique Me Lena Borie Belcour.
Les enseignements de cette histoire
Les diffamations, vols ou usurpations d’identité sont de plus en plus fréquents en France. Dans de très nombreux cas, les particuliers ou professionnels se trouvent désemparés pour faire rétablir leurs droits ou simplement pour parvenir à joindre les services clients des plateformes digitales.
Dans ce cas, l’avocate est parvenue à faire assigner la bonne société et a fait comprendre à son client la nécessité d’assumer les frais d’une assignation dans les règles (il faut faire intervenir un traducteur assermenté pour que l’assignation soit acceptée par les autorités judiciaires) : environ 2500 euros.
La plateforme n’a pas pu contester qu’un préjudice existait et que le temps mis à faire cesser la situation était dommageable pour le commerçant.
Elle n’a pas été sommée par contre d’aller plus loin que la transmission de l’adresse IP.
De prestigieux cabinets d’avocats sont parfois « défaits » par des collègues de province, tenaces et rigoureux et lorsque les juges vont au fond.
On suivra avec intérêt le 16 juillet une affaire similaire qui met en cause cette fois-ci Google et des médecins qui s’estiment diffamés dans des avis clients.
Par Manuel Jacquinet
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