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Engie ferme des centres de contacts en France, Selectra en ouvre

Publié le 29 octobre 2019 à 17:02 par Magazine En-Contact
Engie ferme des centres de contacts en France, Selectra en ouvre

What’s going on ?

Engie annonce la fermeture prochaine de 3 centres d’appels à Toulouse, Villeurbanne et Bagneux (450 emplois seraient concernés) tandis que, dans le même temps, le comparateur de fournisseurs Selectra indique créer une plateforme de télévente à Troyes, après celle déjà ouverte à Caen voici quelques mois. Et que Conduent, l’un des leaders mondiaux du secteur, prévoit de fermer celui qu’il animait au Biot. Qu’y comprendre, What’s going on comme le chantait Marvin Gaye ?

Call center Selectra à Madrid – © DR

Un marché de l’énergie en pleine restructuration et grand consommateur de services aux clients

Butagaz, ENI, Total-Direct Energie, Vattenfall, etc., tous les nouveaux entrants sur le secteur bagarré et concurrentiel de l’énergie ont, ces deux dernières années, pris le relais du secteur des télécoms qui fût pendant longtemps un gros consommateur de service et de relation client. Dans les parcours client en B to C, il convient en effet de répondre aux sollicitations que génèrent les campagnes de pub TV, pour tenter de convaincre le prospect et de lui faire conclure un contrat d’abonnement. C’est l’étape 1 et tout comme la deuxième, qui est celle de la mise en place du contrat effectif, malgré tous les vœux pieux des marques, tout n’est pas digitalisé car le client désire comprendre, être rassuré. L’intervention d’un téléopérateur s’impose souvent encore. Ensuite, dans la vie de ce même client, il peut exister parfois… des factures impayées malheureusement bien nombreuses comme les études le montrent sur ce segment de marché attaqué par les fournisseurs alternatifs : 18% d’augmentation des réductions de puissance ou coupures chez les fournisseurs d’énergie au 1er semestre 2019. La relance, le recouvrement de créances (Debt Collection,en anglais) une activité également fortement consommatrice d’appels sortants. Le développement de l’ex-MCS-DSO, rebaptisé récemment IQera, en atteste : plus de 1400 postes de travail de cette entreprise accueillent des spécialistes du recouvrement par téléphone dans l’ETI qui a récemment rééquipé ses centres de contacts avec une plateforme multicanale spécifique, fournie par l’éditeur français Diabolocom. Or, les centres de contacts d’iQera se situent en France mais aussi au Maroc, en Uruguay, en Israel, à l’Ile Maurice.
Des plateformes téléphoniques multicanales se créent donc encore pour servir des clients francophones, mais Roanne ou Tulle -où un Transcom les installait par exemple il y a quinze ans pour conquérir le marché- n’est plus le choix numéro 1 ni la destination naturelle.
Certes, Selectra (une société qui aide elle à trouver le bon fournisseur sur les marchés des télécom, énergie, etc.) ou son concurrent JeChange.fr ont choisi de créer des centres de contacts en France (Lyon, Caen, Troyes) ou Estillac pour le second (Lot et Garonne) mais la plus grosse partie des effectifs des 1000 emplois que compte Selectra se situe en Espagne, dans des « plateaux » situés à Barcelone ou à Madrid. Lorsqu’elle externalise, c’est chez un prestataire majoritairement installé en offshore : ADM Value. La société Engie ferme donc des call centers en France mais fait travailler en Afrique de nombreux prestataires, elle comme la quasi-totalité des acteurs du secteur. Qui et pourquoi ?

Ceux qui ont cru en l’Afrique

Du Maghreb à l’Afrique noire sub-saharienne, quelques entrepreneurs bons connaisseurs de cette industrie et agiles ont compris, voici quelques années déjà, que le coût de transaction et du Global Operating Cost en acquisition et service client seraient de plus en plus regardés et auscultés de près. Qu’il s’agisse de MCC à Rabat, de Vipp-Interstis au Cameroun ou au Bénin ou de Myopla à Tanger, par exemple, les plus fortes croissances sur le segment mid-market de l’outsourcing en expérience client (de 30 à 60% par an pour ces trois acteurs qui dépasseront tous les 10 millions d’euros facturés à la fin de l’exercice 2019) sont le fait d’entreprises à capitaux français, menées et dirigées par des professionnels du secteur et qui y opèrent depuis plus de 15 ans.
RPA*, IA, capacité à recruter des équipes de professionnels, rien de ce qui va bousculer le marché ne leur est étranger ; quant aux prix de facturation proposés à leurs clients, ils ne laissent aucun acheteur de grands énergéticiens ou e-marchands insensibles. Le consommateur l’oublie souvent, mais la contrepartie d’une facture à prix contenus et avec un service client non robotisé, c’est souvent que le service client ne peut plus guère ou complètement être assuré en France. L’acquisition clients, en termes plus direct, la prospection téléphonique en appels entrants ou sortants, n’en parlons plus : elle fait depuis longtemps figure de repoussoir, pour diverses raisons.

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Ahmed Belahsen, Charles-Emmanuel Berc, Denis Marsault, les entrepreneurs à la tête des entreprises suscitées, voire Pia Heitz-Casanova (Euro CRM) sont comme le génial compositeur de Graceland, dans les années 80, Paul Simon. A l’époque, même si on l’a oublié, le songwriter fût très critiqué d’oser aller travailler en Afrique du Sud, pays pris dans les douleurs de l’apartheid. Il n’était lui motivé que par le désir se renouveler, de collaborer avec plus de talents. Plus de trente ans après, qui conteste que Graceland ait créé et ouvert la voie de la World Music ?
« Lorsque je crée un plateau à Yaoundé ou à Cotonou, des candidats font parfois à pied des dizaines de kilomètres pour m’apporter leur CV et ils écoutent religieusement durant les sessions de formation », indique le fondateur de Vipp, Charles-Emmanuel Berc. A Charleville-Mézières où l’ANTS a installé pour la gestion du service délivrance des cartes grises un centre de contacts voici plus de deux ans (plus de 160 postes de travail), malgré un taux de chômage de plus de 16% et des formations idoines assurées par Manpower et des CDI, la directrice du site avouait qu’au bout de quelques semaines, quantité de collaborateurs abandonnaient… un métier qu’ils jugeaient difficile.

 Apple et Conduent

Qui a envie de recruter des pros du Customer Service ?
La prochaine fermeture du site de Conduent, dans les Alpes Maritimes, est-elle donc un énième signe que la destination France n’aurait pas ou plus la capacité à produire du service client premium pour des marques qui mettent celui-ci en avant et recherchent à l’assurer avec sérieux ?
Pas sûr, voire carrément faux dans ce cas. Apple est ou a été longtemps le 1er client mondial d’un géant français de cette industrie. Son fournisseur Conduent se serait installé là pour augmenter sa capacité de production, cantonnée jusque-là sur le seul site que l’entreprise possède, en Ardèche. Mais si le site de Biot est promis pour l’instant à cette fin annoncée, c’est peut-être pour une autre raison, bien plus prosaïque : « Apple a de telles exigences de sécurité sur ses sites qu’elle fait opérer qu’elle en empêche et interdit souvent la visite », indique un bon connaisseur du dossier. « Or plus aucun acheteur ne décide de confier ses activités à un centre de contacts, quelle que soit la renommée du prestataire, sans l’avoir visité ». Pour acheter un appartement, on désire souvent le voir, se rendre compte. Dans les centres d’appels, c’est la même chose.
La maire de Biot, Madame Guilaine Debras, qui a décidé de se bouger et refuse la fatalité des 220 prochains demandeurs d’emploi, aura peut-être tout intérêt à organiser une journée portes ouvertes : 220 pros du service client, rompus aux process et formé au discours prôné et développé pour le compte d’Apple, voilà certainement des gens bien formés. Pour les secteurs de l’énergie, de l’assurance affinitaire ou du fundraising (la levée de fonds par téléphone), autant d’activités pour lesquelles les centres d’appels recrutent, partout ; mais plus uniquement en France.

Bon à savoir : la CGT organise le lundi 4 décembre, à Montreuil, une table ronde passionnante sur le thème suivant : « L’avenir des centres d’appels à l’ère du numérique ».
Le SP2C y interviendra, la rédaction d’En-Contact également. L’AFRC, non. Aucun représentant n’est semble-t-il disponible.
Pour les modalités pratiques, c’est ici… 

A découvrir également, en photos, la série Marguerites, une première sur l’univers des marguerites, ces « fleurs » qui poussent dans les centres d’appels.

Par la rédaction d’En-Contact

*RPA : robotic process automation.

Photo de une : chez Vipp à Yaoundé – © Edouard Jacquinet

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