En été, décrochez !
Rédigé et publié en mai 2005 :
Je dois une fière chandelle à cet homme-là ; il ne me connaît pas et moi non plus d’ailleurs mais depuis New York où il sévit depuis, paraît-il, presque quarante ans, c’est bien lui qui, malgré son nom à coucher dehors (Bruce Lundvall) a découvert quelques artistes majeurs et produit quelques-uns des 33 tours (aujourd’hui des CD) qui ont changé ma vie (et peuvent changer la vôtre !).
Wynton Marsalis, Van Morrison, Bruce Springsteen, Bobby Mc Ferrin, excusez du peu… Lui-même doit beaucoup et il l’avoue à son père spirituel, John Hammond (le producteur qui un jour dénicha un rebelle barbu en blouson noir, dans le New Jersey et a osé déclarer : « J’ai rencontré le futur du Rock’n Roll : il s’appelle Bruce Springsteen. »). Mais qu’est-ce que ça à voir avec les centres d’appels, il est fou Jacquinet. Allez au bout, suivez un peu ! 2002 : le label Blue Note (dirigé par B. Lundvall) produit et sort le 1er album d’une jeune inconnue : Norah Jones. 16 millions d’albums vendus. No comment…
Quand on demande à ce sexagénaire s’il existe un secret pour la réussite, Bruce confie pêle-mêle « que pour faire un artiste ça prend du temps » ; « qu’il faut faire confiance à son instinct » ; « oublier les chiffres et plutôt savoir écouter ». Le début de sa carrière ? 1967 : New-York. Il appelle un manager de Columbia, lui propose de travailler gratuitement. « On vous rappellera », lui répond-on. Le soir même, le téléphone sonne. « Vous commencez lundi, 80 dollars/semaine ». En 2002, pour Norah Jones, c’est lui qui, devenu patron de Columbia et Blue Note décrochera le téléphone.
« Comment l’avez-vous découverte ? »
« J’ai répondu à un coup de téléphone, ce que les producteurs ne font plus. Une voix de femme me disait : Monsieur Lundvall, vous devez absolument écouter une chanteuse pianiste que j’ai vue se produire dans un café. Elle est extraordinaire*… »
C’est l’été et donc l’époque où les magazines sérieux sont censés délivrer de judicieux conseils : minceur, lecture pour la plage, etc. A la lumière de mes petites histoires, vous pouvez deviner les nôtres : sur la route des vacances, arrêtez-vous dans le festival de votre choix (Juan, Marciac… Montreux) écouter du jazz ou autre chose ; le swing, ça change des âneries qu’on entend partout et si vous êtes de garde au bureau, décrochez quand ça sonne. C’est poli… et c’est peut-être la future Norah Jones de votre équipe !
Manuel Jacquinet
*Interview accordée à l’Express en avril 2005