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Burn Book, Kara Swisher passe au lance-flammes les dérives de la Silicon Valley

Publié le 14 août 2024 à 04:00 par Magazine En-Contact
Burn Book, Kara Swisher passe au lance-flammes les dérives de la Silicon Valley

Le 27 février 2024, Burn Book, autobiographie de Kara Swisher, est publiée par Simon & Schuster. En quelques semaines, le livre remporte un franc succès en termes de ventes, classé New York Times Bestseller. De quoi parle-t-il, qui est Kara Swisher ?

La journaliste est une iconoclaste bien connue de la Silicon Valley, réputée pour être la « terreur » des grandes figures tutélaires du numérique américain, d’Elon Musk à Mark Zuckerberg. Elle est notamment connue pour avoir travaillé au sein du Wall Street Journal à partir de 1997, puis au New York Times où elle a tenu une chronique d’opinion à partir de 2018. Avec le ton saignant qui fait sa marque de fabrique, elle revient, dans Burn Book, sur ses trente ans de carrière en tant que journaliste témoin du développement de cette Tech américaine qui domine aujourd’hui le monde et les esprits. 

Burn Book de Kara Swisher

« Burn Book » désigne un livre où l’on injurie copieusement ses ennemis sans ménagement. Fidèle à la tradition, elle y écorche donc les magnats du numérique qui ont été au cœur de sa vie pendant plusieurs décennies. Ils ne se sont, selon elle, pas montrés « plus responsables que des enfants » sur les problématiques de Trust & Safety. 

Les avis de lecteurs sont très positifs avec une note de 4,4 sur plus de 2000 évaluations sur Amazon. Son point de vue « d’infiltrée » revient fréquemment dans les louanges que font les lecteurs de l’ouvrage, avec, en bémol, une critique récurrente sur l’égo dont la journaliste peut parfois faire preuve. 

Extraits de Burn Book

Un début de carrière idéalement situé pour observer le développement du web 
« Au début des années 1990, j’étais journaliste au Washington Post. Comme je venais d’avoir 30 ans, j’étais la personne la plus «jeune» de la salle de rédaction et, lorsque les nouvelles entreprises de médias numériques sont apparues, j’ai eu droit à ce que de nombreux journalistes considéraient comme le petit bout de la lorgnette. Ils n’avaient aucun intérêt à comprendre les changements massifs qui se produisaient. Au fur et à mesure que j’en apprenais davantage, il m’incombait souvent d’expliquer ce qu’était ce nouvel internet, comme si j’essayais d’expliquer un arbre à un enfant. »

Une observatrice de l’impact économique du numérique sur le BPO qui avait prédit le succès de Craiglist 
« J’ai souvent fait part de mes inquiétudes concernant le rythme de tortue du changement numérique à l’affable PDG de la Washington Post Company, Don Graham, le fils de l’éditrice légendaire et étonnamment divertissante Katharine Graham. Don Graham était inexplicablement humble et penaud face à son pouvoir. La pire chose que Graham - qui s’excusait toujours de m’avoir interrompu alors que j’attaquais les annonceurs de la grande distribution dans mes articles sur le déclin du secteur au niveau local - me disait, c’était «Aïe». Puis il s’éloignait de mon bureau en me faisant un signe de la main. Et si Graham s’intéressait à ce que faisait Newmark, il riait quand je lui disais que Craigslist allait anéantir son activité de petites annonces.

«Vous faites payer trop cher, le service clientèle est nul, c’est statique, et surtout, ça ne marche pas», lui ai-je dit à propos de cette entreprise, qui était cruciale dans les résultats financiers du journal. «Les petite annonces disparaîtront, car c’est une cible parfaite pour la destruction numérique. Vous allez mourir et vous ne vous en rendrez compte qu’au dernier moment, quand ce sera fini et que vous serez à terre». »

Critique acerbe de l’inaction des pouvoirs publics comme des magnats du numérique sur les problématiques de Trust & Safety 
« Quel genre de gardiens ces nouveaux maîtres sont-ils devenus, maintenant que c’était à leur tour de prendre les rênes ? En juillet 2021, Casey Newton de Platformer a interrogé Zuckerberg sur la déclaration du président Joe Biden selon laquelle la désinformation sur les vaccins et le COVID sur Facebook « tuait des gens ». La réponse de Zuckerberg a été profondément révélatrice. « Quand on pense à l’intégrité d’un système comme celui-ci, c’est un peu comme lutter contre la criminalité dans une ville », a-t-il déclaré. «Personne ne s’attend à ce que vous parveniez un jour à résoudre complètement le crime dans une ville.» 

[…]

Il convient également de noter que l’analogie de Mark Zuckerberg avec la « lutte contre le crime dans une ville » est survenue six mois seulement après qu’une foule a attaqué le Capitole le 6 janvier 2021. Les médias sociaux, en particulier Facebook, ont joué un rôle dans la capacité qu’ont eu le président de l’époque, Donald Trump, et ses serviteurs à amplifier la haine et les mensonges pour les transformer en violence. S’il est difficile d’évaluer le degré de culpabilité des entreprises technologiques – et toutes ont essayé de se dérober, plutôt que de simplement réfléchir à leur rôle – il ne fait aucun doute que les tensions ont été exacerbées par une gestion bâclée de ces plateformes.

En effet, de plus en plus de personnes à travers le monde obtiennent leurs informations sur les réseaux sociaux. Ces réseaux ont une capacité effrayante à générer de l’anxiété et de la rage, et créent une dépendance. Expert après expert, tous m’ont fait valoir le même point : dans le nouveau paradigme, l’engagement équivaut à la colère. Cette situation est aggravée par les dirigeants de ces entreprises, pour lesquels l’anticipation des conséquences fait défaut et dont le premier réflexe est de tout laisser passer, sans tenir compte des dommages ou des dangers potentiels. 

[…]

La situation désastreuse a été aggravée par les élus fédéraux qui, un quart de siècle après le début de l’ère d’Internet, n’ont fait adopter aucune législation permettant la création de garde-fous technologiques pour protéger contre les dangers évidents. Les politiciens ont préféré s’appuyer sur d’anciennes lois absolument inadéquates. Ainsi, les institutions démocratiques qui nous sont chères se sont effondrées face aux conséquences de tout cet engagement numérique : pas de protection complète de la vie privée, pas de lois antitrust mises à jour, pas d’exigence de transparence algorithmique, pas d’attention portée à la dépendance et à l’impact mental des médias numériques. »

Pour aller plus loin, lire ici quelques extraits de l'interview que Kara Swisher a accordée à Wired. 

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