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Affronter la tempête : trois raisons de voir A plein temps d’Eric Gravel

Publié le 12 septembre 2022 à 12:54 par Magazine En-Contact
Affronter la tempête : trois raisons de voir A plein temps d’Eric Gravel

Une femme de chambre, une grève, non, A plein temps n’est pas un biopic de Rachel Keke*, mais une chronique du train-bus-boulot-enfants-dodo et de la vie d’une mère célibataire ayant fait le choix d’habiter en lointaine banlieue et de travailler à Paris. Trois raisons de voir À plein temps (qui aurait pu s’appeler A bout de souffle si le titre n’était déjà pris). 

 

A plein temps d'Eric Gravel - crédit Photos © NovoProd Cinéma

1- Pour le portrait sans fard ni afféterie de l’époque et du monde du travail. Une immersion dans les coulisses d’un palace parisien et dans le monde des employés de l’hôtellerie, délestée des clichés ou du manichéisme du film à thèse. Petite surprise : le film est souvent, pas toujours, dénué du pathos répandu dans le genre, la chronique sociale. Ici, on fait virer par sa faute une collaboratrice subalterne sans en éprouver plus de remords que ça. Ici aussi, le travail est filmé comme un thriller, façon Mission Impossible, la grève comme dans un film post-apocalyptique, et le suspense réside dans la capacité ou non d’une équipe de femmes de chambre à nettoyer et apprêter une chambre à temps pour un client arrivé inopinément. Le mélange des tons est subtil et réussi. 

2- Pour le perfect storm. Qui n’a pas connu ce perfect storm qu’évoque le réalisateur, Eric Gravel, en interview, ce moment où « tous les problèmes possibles et inimaginables s’accumulent » ? Le film met en scène un sujet finalement pas si fréquent, le stress de la vie quotidienne, au risque de donner l’impression de charger la barque. Grève générale des transports (taxis inclus), problème de plomberie, échéances de crédit, anniversaire du fiston Nolan, accident de trampoline, toutes choses qui sont aussi angoissantes et bien plus vraisemblables que n’importe quel thriller. Le film jette un oeil neuf sur une chose intégrée, tenue pour acquise avec résignation : la routine du métro-boulot-dodo et ses ratés, et l’impact des petits ou grands tracas de l’existence sur l’expérience collaborateur. 

3- Pour l’interprétation de Laure Caméléon, pardon, Laure Calamy. Rendue célèbre par le carton de 10% sur Canal+ et au cinéma par Antoinette dans les Cévennes il y a deux ans, l’actrice fait montre une nouvelle fois de la variété de son registre dans son rôle de gouvernante, surdiplômée pour le poste, pas forcément sympathique, pas forcément judicieuse mais que le film ne juge pas. De gouvernante dans un hôtel de luxe à chargée d’études à La Défense, de la Seine-et-Marne à Paris, l’héroïne comme le film, n’hésite pas à faire le grand écart. Pour Eric Gravel, « ce métier [femme de chambre] permet de montrer à quel point Julie est une femme de performance et une perfectionniste » tandis qu’il nous remet en mémoire le personnage d’hôtesse de l’air chez une compagnie low-cost de Rien à foutre incarnée par Adèle Exarchopoulos, vingt ans plus jeune, bien plus désinvolte. Deux portraits de femmes, aux basques desquelles la caméra choisit de coller, deux sons de cloche, qui percent une certaine opacité de l’époque. La conclusion de ce qui pourrait bien être un conte de fée, au Jardin d'Acclimatation, laisse planer le mystère. 

*Nouvelle député NUPES dans la 7ème circonscription Val-de-Marne, Rachel Keke s’est fait connaître en devenant l’une des porte-parole de la grève des femmes de chambre de l'hôtel Ibis Batignolles entamée en 2019.

 

Photo de une : A temps plein - NovoProd Cinéma

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