« Les centres d’appels représentent 10% du chiffre d’affaires des grands fabricants de PABX ou d’IPBX. Cela ne les intéresse pas de faire des limiteurs. »
Axel Perret-Gentil
Sennheiser France – Responsable Distribution Télécom
Cela fait combien de temps que vous entendez parler de chocs acoustiques dans les centres d’appels ?
On en parle depuis 2006 et la directive européenne, mais cela se produisait avant . C’est le secteur public qui a poussé pour appliquer, avec le développement des CHSCT.
Quelles ont été les avancées dans l’industrie des micro-casques en ce qui concerne la protection contre les chocs acoustiques ?
Chez Sennheiser, nous sommes aujourd’hui capables d’équiper nos casques autoalimentés pour audiophiles de générateurs de « bruits blancs » inaudibles qui couvrent les bruits parasites. Cela pourrait être appliqué aux casques des centres d’appels, nous étudions cela.
Mais plus généralement, nous faisons face avec les chocs acoustiques à des chocs réseaux qui arrivent du jour au lendemain et qui sont impossibles à gérer avec des protecteurs classiques. Avec la VOIP, et tous les bugs possibles sur le système, les chocs acoustiques, ce n’est plus de la téléphonie, c’est de l’informatique. Nous allons sortir une deuxième génération de casques qui prendra en compte les spécificités de la voix sur IP, c’est inévitable. Ce sera sans doute prêt vers 2011, mais d’ici là, d’autres problèmes seront très probablement apparus.
Quels sont les facteurs connus les plus courants ?
Il y a deux, trois ans les causes les plus fréquentes étaient les signaux de porteuses de fax, sur lesquelles ont tombait quand on avait de mauvaises bases de données, les chutes de combinés, ou tout simplement la … voix de l’interlocuteur. Désormais la VOIP rend possible les interférences réseau.
Or ce sont des fréquences qu’en tant que fabricants que micro-casques nous n’avons pas été amenés à gérer. Nous sommes très bons pour gérer la voix mais pas les réseaux, les fréquences non identifiables par nos limiteurs.
Parfois c’est un problème de flux de départ du serveur, parfois c’est l’opérateur. Je me souviens d’un cas ou nous avions déterminé que les chocs étaient causés par une mauvaise intégration du système « hôté ».
Justement, il semble que chacun des maillons de la chaîne technique se renvoie la balle. C’est un peu commode…
Si nous sommes les seuls à travailler sur le sujet on n’y arrivera pas. D’un côté on fabrique des lignes, des PABX et des IPBX de plus en plus puissants, d’un autre on oblige les constructeurs de casques à limiter le niveau en sortie. Au lieu de chercher des coupables essayons de trouver des solutions. Nous sommes prêts à aider mais nous ne voulons pas être seuls. Les intégrateurs pèsent 100 fois plus lourd qu’un gros outsourceur. C’est à l’Etat de prendre en charge le problème, sinon on n’y arrivera pas.
Pourquoi ne pas construire des limiteurs au niveau du serveur plutôt que d’équiper chaque poste téléphonique ?
Mais moi je serais presque content de ne plus vendre de limiteurs ! Or les grands fabricants de PABX ou d’IPBX, les sociétés comme Avaya, Cisco, Nortel, Alcatel pèsent chacune près de 50 milliards d’euros. Et les centres d’appels représentent quoi, 10% de leur chiffre d’affaires ? Cela ne les intéresse pas de faire des DSP.
Comme vous le savez peut-être une série de chocs acoustiques allant jusqu’à des saignements de l’oreille se sont produits en France, à Carmaux, et la cause de ces chocs n’a jamais pu être déterminée. Quelles étaient les causes de ces chocs ?
Nous ne savons pas ce qu’il s’est passé. Nous avons équipé le centre de limiteurs, et le problème est sous contrôle. On nous dit aujourd’hui que 80% des chocs ont cessé. Mais je ne pense pas que les chocs disparaissent comme cela, par enchantement, alors qu’on n’a rien changé. Il y a une omerta sur l’intégration et les réseaux. Je pense qu’on les « route » vers chez nous.
De son côté, CCA n’a rien à se reprocher. Ils ne pouvaient rien faire de plus pour protéger leurs salariés.
Quelles seraient vos recommandations pour que les responsables de centres d’appels protègent au mieux leurs employés des chocs acoustiques ?
C’est tout un suivi qu’il faut mettre en place. D’abord au moment de la sélection des salariés, pour savoir s’ils sont plus sensibles que d’autres, aussi dans l’organisation de l’espace de travail. Par exemple, la multiplication des surfaces vitrées renvoie les sons dans tous les sens.