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La Renaissance d’Angélique, qui était Anne Golon ?

Publié le 08 mars 2021 à 09:13 par Magazine En-Contact
La Renaissance d’Angélique, qui était Anne Golon ?

La célèbre Revue des Deux Mondes avait interviewé l’auteure de la série populaire des Angélique en 2013. Entretien avec Anne Golon, réalisé par Annick Steta.

Anne Golon
Anne Golon l’auteur d'”Angélique Marquise des Anges” dans son bureau à Versailles – © DR

Née en 1921, Anne Golon a passé ses jeunes années à Versailles. […] Dès la parution du premier volume, le succès a été prodigieux. Il est très vite devenu mondial : derrière le rideau de fer comme par-delà les océans, les lecteurs se sont enthousiasmés pour ce personnage de femme libre et forte. En suivant ses pérégrinations, ils ont découvert le XVIIe siècle français et sont tombés amoureux de Versailles. J’avais été frappée par la connaissance du Grand Siècle qu’avait l’une de mes tantes, née en Union Soviétique et installée en Yougoslavie : elle n’était jamais allée en France, mais elle avait lu Angélique…
Ce qui aurait dû être un conte de fées s’est transformé en cauchemar. Au milieu des années quatre-vingt, alors qu’Anne Golon publie le treizième volume de la saga, elle constate que les sommes qui lui sont versées par ses éditeurs sont devenues dérisoires. Elle connaît le sort misérable d’un auteur dont les livres ne sont plus édités bien qu’ils soient réclamés de toute part. Alors que plus de 150 millions d’exemplaires d’Angélique ont été vendus à travers le monde, elle vit dans le plus grand dénuement. Au terme d’une longue procédure judiciaire, elle obtient gain de cause et retrouve le droit d’exploiter son œuvre. En relisant ses livres, Anne Golon a par ailleurs découvert que ses éditeurs avaient procédé à de nombreuses coupes et modifications, altérant notamment de la sorte le caractère de son héroïne. À plus de 80 ans, elle entreprend de rétablir ses textes d’origine et de les enrichir en tenant compte du fruit d’un demi-siècle de recherches sur le règne de Louis XIV. Elle introduit également dans les premiers volumes de cette version intégrale ou complétée, publiés en 2009 et 2010 aux Éditions de l’Archipel, des éléments annonciateurs du volume inédit de la suite de l’histoire qu’elle est en train d’écrire. […]

« À l’époque de leur parution, mes livres n’ont pas fait l’objet d’articles de critique littéraire. J’ai surtout eu droit à des papiers extrêmement désagréables qui se moquaient de moi et du personnage que j’avais créé alors même que leurs auteurs n’avaient pas lu une seule ligne de mes livres. J’ai fini par penser qu’il était insupportable à certains que des livres d’une pareille ambition et d’un tel souci de rigueur dans la reconstitution historique aient été écrits par une femme. Après la publication du premier volume d’Angélique, sorti en Allemagne en 1956 sous le nom d’Anne Golon, mon agent avait exigé un nom d’homme pour la parution française : il prétendait que cela ferait « plus sérieux ». C’est la raison pour laquelle mes livres ont été signés « Anne et Serge Golon » quand ils ont été publiés en France. J’ai accepté parce que j’avais une famille et que nous devions la faire vivre. Mon mari m’aidait dans mes recherches documentaires, mais il n’était pas l’auteur d’Angélique et il n’a jamais prétendu l’être. Il a été un grand peintre.
Le premier volume d’Angélique est paru en France en 1957. Le succès a été immédiat et phénoménal. Mais il ne faut pas oublier qu’à l’époque être un auteur populaire était très mal vu en France. En 2009, lorsque j’ai publié les premiers volumes de l’intégrale d’Angélique, quelques journalistes sont venus me voir, probablement par curiosité. Ils avaient l’air heureusement surpris de me découvrir auteur et historienne. Mais il y a eu des réactions sympathiques, dont celle de Frédéric Beigbeder, qui a écrit un article chaleureux, et celle de François Forestier du Nouvel Observateur.



Après le premier volume, mon agent littéraire croyait que je m’arrêterais là. Mais je savais que je continuerais et qu’Angélique serait une sorte de monument. Mes livres étaient traduits dans le monde entier mais mon agent et mes éditeurs m’en disaient le moins possible : ils affirmaient qu’Angélique n’intéressait « plus personne ». Ils avaient organisé la disparition de mes livres dans les pays francophones. Pendant des années, il était impossible de trouver un seul exemplaire d’Angélique en librairie, même lorsque les films étaient diffusés à la télévision. J’étais pourtant persuadée que mes lecteurs existaient, et je continuais d’écrire pour eux. Au début des années quatre-vingt-dix, un cousin m’a renseignée sur les chiffres extraordinaires de vente d’Angélique en Russie. Puis l’arrivée d’Internet en France m’a révélé mes lecteurs du monde entier. En 2001, j’ai ainsi reçu à Versailles un premier groupe de lecteurs étrangers : Américains, Allemands, Australiens, Japonais… […] Le mépris dont j’ai été l’objet en tant qu’auteur révèle beaucoup de choses sur la place des femmes dans la société. Les journalistes qui venaient nous voir à l’époque de la publication des premiers volumes me disaient à peine bonjour : c’est mon mari qu’ils interrogeaient sur Angélique. Il leur répondait : « Demandez à ma femme : c’est elle l’auteur. » Mais ils ne me posaient pas la moindre question. Je crois que le personnage d’Angélique inspirait une forme de crainte : il était trop fort pour l’idée que l’on se faisait alors de la femme. Songez qu’à l’époque les femmes n’avaient pas le droit d’exercer une activité professionnelle sans le consentement de leur mari ! Or Angélique mettait en scène une femme qui n’hésitait pas à se révolter contre le roi de France et à devenir chef de guerre ! Beaucoup de lecteurs français et étrangers m’ont dit avoir appris ce qu’ils savent du XVIIe siècle français dans mes livres. Mais ce qui a conquis le monde entier, c’est le personnage d’Angélique : les lecteurs se sont identifiés à elle. »

Lire notre article Mais qui est Angélique Gérard ?

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