Plus fort que la Tesla 3 (et un peu moins chère) Lunérus 2 est de retour dans les Bauges, mais il ne vous emmènera nulle part (sinon dans le passé)
Le dimanche 2 juillet, au Sire (sur le chemin de la Croix du Nivolet), une quinzaine de Savoyards (baujus, aixois ou chambériens) ont bravé le brouillard pour contempler et saluer la réinstallation de Lunérus, on devrait dire Lunérus 2, la nouvelle statue créée par Serge Ravier. Hommage au Spoutnik de la fin des années 50, cet édifice modeste par son coût n’a rien à voir avec la Tesla qui affole les médias, mais il rappelle que la conquête spatiale a toujours émerveillé, notamment les plus jeunes ; et que les Savoyards savent se réunir pour collecter des sous, aller à la chasse, boire un coup et défendre leur territoire.
On ne va pas vous mentir, il n’y avait pas besoin de service de sécurité pour contenir la foule dimanche dernier, en haut de la piste sans neige du Sire, au-dessus de la vallée de Chambéry. Haut-lieu touristique, le chemin qui mène à la Croix du Nivolet accueillait officiellement en ce premier dimanche de juillet la nouvelle mouture d’une statue emblématique, Lunérus. A la fin des années 60, un professeur de chaudronnerie du lycée Monge à Chambéry, Monsieur Wolf, s’acoquine avec Jean Baud, chef des travaux, et quelques élèves pour collecter des pièces en métal qui permettront, après avoir été assemblées par un magasinier bidouilleur, Daniel Radici, de créer une statue en l’honneur des satellites spoutniks. Abîmée depuis (d’abord par un hélicoptère de l’armée, puis par le temps), la statue avait quasi-disparu, mais les Savoyards ont montré qu’ils n’ont rien à envier à la Californie en matière de fund-raising et d’appropriation des technologies. La statue a coûté un peu moins cher qu’une Tesla 3 (1 500 euros environ, contre plus de 30 000 pour la berline), elle a été financée sur une plate-forme de crowd-funding, et surtout elle rappelle que dans les années 60, des lycéens de la vallée, aidés par leurs professeurs, étaient fascinés par l’espace. Si Vladimir Poutine fait peur, Lunérus non, comme l’indique son créateur, Serge Ravier, qui l’a voulu « sympathique, rayonnant, familial ».
Chefs d’entreprise, retraités ou agents de la SNCF, ils étaient nombreux pour découvrir et admirer la nouvelle version de Lunérus, en souvenir de leur enfance. « Le génie c’est l’enfance retrouvée à volonté » écrivait Baudelaire. Il ne manquait que Jacques Veyrat, l’enfant de Montmélian, devenu depuis capitaine d’industrie à la capitale, mais d’autres figures locales du bâtiment et de la charpente notamment avaient fait le déplacement. En écoutant leurs noms, certains d’entre eux ayant co-financé cette statue, lors du discours d’inauguration prononcé par le maire des Déserts, on est forcés de se rappeler qu’il y eut beaucoup d’immigrés italiens (Claude Piantoni, Yves Radici, le fils de Daniel, Jean-Paul Bettega) dans ces vallées, qu’ils cohabitent paisiblement depuis l’enfance avec les Cochet (John), charpentier, les Baud, les Guerraz. Et que ce parc des Bauges c’est un peu la Californie, sans les tics des start-uppers… comme c’est reposant. En 2014 déjà, la rénovation de la Croix de Rossane avait démontré la capacité à mobiliser des fonds chez ces montagnards, et l’expertise d’artisans locaux. C’est le serrurier-métallier Michel Morand d’Arith qui avait été à la manœuvre.
Lunérus 2, aussi fort que la Tesla 3 ? Of course ! A midi, on a descendu le chemin, il n’y avait toujours pas de caméras ni de micros, mais on a bu un coup : on est en Savoie, ne l’oublions pas.
Par Manuel Jacquinet