L’affaire Monique Case. Les photos de Gérard Géry que Paris Match n’a jamais publiées

Gérard Géry, les photos qu'il prit de Monique Case et de sa famille, pour Paris Match, enfin visibles, dans un livre sur les Innocents de la Guerche.
De temps à autre, les photographies prises par de célèbres photographes, tel Gérard Géry, ne sont jamais publiées.

Novembre 1965. La France est en émoi. Monique Case et son amant le gendarme Jules Barrault ont assassiné un banquier, à la Guerche. Du moins est-ce que toute la presse rapporte. René Case et Gérard Géry, deux photographes, sont des protagonistes de cette erreur judiciaire, de l’affaire des innocents de la Guerche.
Le 4 novembre 1965, dans un bois que les habitants de la Guerche appellent le Bois Bleu, le corps de Georges Segrétin, Chef de bureau à la Société Générale de Bourges, est découvert calciné, dans une 2 CV, par deux bûcherons. La France est en émoi. Une enquête, bâclée sur place par deux policiers qu’on appelle sur place les incorruptibles, va mener en prison, pendant 43 jours, le gendarme Jules Barrault et Monique Case, la femme de René Case, photographe à la Guerche.
Quatre questions sur l’Affaire Monique Case dont l’une des plus intrigantes : pourquoi les onze photos réalisées par Paris Match en 1967 n’ont-elles, jusqu’à l’édition du livre qui suit, jamais été publiées ?
Gérard Géry, photographe.
Paris Match envoie en Octobre 1967 l’un de ses photographes les plus renommés et appréciés sur place : Gérard Géry. Onze photos ont été conservées, consacrées essentiellement à Monique Case et sa famille et la Guerche. Il semble qu’une actualité plus brûlante, ou considérée comme telle, dans les semaines qui suivirent, ont amené la rédaction du grand magazine à ne jamais consacrer d’article à l’affaire. Ça arrivait et ça continue d’arriver. Ces onze photos sont publiées dans le livre l’Affaire du Bois Bleu, les innocents de la Guerche sans recadrage.

Monique Case et Jules Barrault ont-ils été victimes d’une erreur judiciaire ?
Faire 43 jours de prison avant de bénéficier d’un non-lieu et voir votre existence altérée à jamais, en raison de la rumeur et de tout ce qui a été dit ou écrit sur vous, s’apparente pour chacun de nous à une erreur judiciaire, qu’il faudrait d’ailleurs réparer. C’est d’ailleurs avec ce terme que de nombreux journaux et magazines de référence et sérieux ont décrit l’affaire des innocents de la Guerche. En droit pourtant, il ne s’agit pas rigoureusement d’une erreur judiciaire puisque les deux inculpés n’ont jamais été condamnés. L’affaire Monique Case est bien la seule erreur judiciaire connue qui ait concerné une femme en France, depuis 1945, dans une acception grand public du terme, mais elle ne l’est pas forcément pour un juriste.
La juge Georgette Chouvelon.
La juge Georgette Chouvelon a-t-elle joué un rôle décisif, effectué un travail remarquable ? Qui était-elle d’ailleurs ?
Oui, comme l’atteste le récit et la chronologie de l’enquête, racontée dans le livre. Grâce à son travail, cette juge d’instruction va éviter, après avoir été un peu baladée par des enquêteurs peu rigoureux et de faux témoignages, qu’une grave erreur judiciaire ne soit commise ou entérinée : c’est la guillotine qui aurait pu intervenir à l’époque pour les deux inculpés. Il existe dans les années 60 peu de femmes juge d’instruction en France, la discrète Marie Bernadette Georgette Chouvelon en est une efficace, et que l’un des auteurs de ce livre a pu rencontrer et faire témoigner. Elle continuera de rencontrer et d’échanger avec Monique Case, jusqu’à la fin de la vie de celle-ci. Il semble qu’elle n’ait jamais été mariée.

Détective, journal sérieux.
La presse et les médias ont-ils joué un rôle « critiquable » dans l’issue de l’affaire et son traitement ensuite ?
Soixante-quinze jours seulement séparent la date de découverte du corps de Georges Segrétin et l’inculpation des présumés coupables, signe que l’enquête est menée rondement par les policiers en charge de celle-ci. La presse régionale s’y intéresse forcément, en relayant des thèses qui lui sont présentées et fournies clés en main par des enquêteurs plutôt manipulateurs des médias. Les journalistes de presse locale disposent-ils de trop peu de temps pour contester ces « suggestions », n’y sont-ils pas incités ? Toujours est-il qu’ils questionnent moins la thèse officielle qu’un journal tel que Détective, habitué pourtant à la mise en forme sensationnelle des sujets mais qui émet assez vite des doutes sur les versions proposées par la police. Après la sortie de prison de Monique Case et de Jules Barrault et lorsque le vrai coupable sera identifié, les plus grands journaux, magazines, tout comme la télévision vont s’intéresser à cette erreur judiciaire, comme s’il fallait tenter de réparer et d’expliquer comment elles surviennent et se construisent ; dans Elle, Le Nouvel Observateur, le Monde, les plus grandes plumes ou écrivains s’emparent de l’affaire.
L’affaire du Bois Bleu, les innocents de la Guerche, Gérard Boursier et Manuel Jacquinet.
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