La route sauvage au MK2 (quai de Seine)
L’expérience client se vit partout, de la boutique au bed&breakfast, en passant par le musée. Et donc au cinéma, bien sûr ! D’ailleurs, Paris compte plus de 420 salles, écrans de cinéma. Phantoscope vous embarque pour une immersion dans le parcours du spectateur et vous offre un tour des cinémas parisiens, pour se former une carte du 7ème art.
Par Phantoscope
Les rayons du soleil reviennent enfin caresser les rues pavées de Paris. Cela donne envie d’extérieur, de vert, de promenades au bord de l’eau. Quel meilleur endroit alors, que le bassin de la Villette à Paris pour une séance de cinéma ? De chaque côté du bassin, on trouve un MK2. Ces deux cinémas comptent 12 salles, 2 076 fauteuils et plus d’1,2 million de spectateurs par an. L’un quai de Seine, l’autre quai de Loire. Identifier lequel est lequel est toujours chose ardue.
Arrivée en vélo, pressée de vérifier si je suis bien en face du MK2 Quai de Seine, et non son jumeau, je m’arrête au premier poteau trouvé au bord du bassin et tente d’y attacher mon fidèle destrier. Ça coince : le poteau est carré, le cadenas est en U. Tant pis, j’accroche le cadenas au cadre et à la roue, et pose simplement mon vélo contre le poteau. Le temps d’aller voir si le film souhaité passe bien dans de ce côté-ci de l’étendue d’eau, à peine une minute s’est écoulée. Ce qui a été suffisant pour que l’on fasse tomber mon vélo dans l’eau. Alors que je me dirige vers le poteau, une petite foule est attroupée, à scruter le fond du bassin. Une dame, voulant accrocher sa bicyclette au même endroit, a poussé la mienne, par mégarde, dans le canal.
Alors que je suis là, estomaquée, partagée entre le rire et l’esclandre, un homme apparait de nulle part et s’exclame : « on va le récupérer, pas de problème » et d’enchainer, en me tendant une banane carrée qu’il avait à la taille, « tenez-moi ça ». Il ouvre sa banane et en tire une longue, très longue chaîne, au bout de laquelle se trouve…une ancre. Une ancre de bateau oui, avec laquelle il s’attelle à ratisser le fond du bassin. « Mais, pourquoi vous vous promenez avec une ancre sur vous ? » je m’étonne, alors que mon sauveur est déjà en train de sortir mon vélo de l’eau.
C’est le capitaine de la navette fluviale qui relie les deux rives, et donc les deux cinémas MK2. Il a vu toute la scène alors qu’il arrivait de ce côté-ci et a sauté dès son amarrage pour m’apporter son aide. Cette navette, c’est la « Zéro de conduite », qui peut accueillir 25 passagers : elle est gratuite sur présentation d’un ticket de cinéma, et même sans !
Une navette MK2 pour amener le spectateur au bon cinéma lorsqu’il s’est trompé ou faire une balade sur les flots après la séance et surtout, un équipage prêt à se jeter à l’eau au moindre besoin. Ça, c’est du service client soigné d’un bout à l’autre et qui n’a pas peur de se plier en quatre pour satisfaire son spectateur.
Le film
L’histoire née avec le roman de Willy Vlautin, Lean On Pete. Qui a pour titre, en France, « Cheyenne en automne ». Le film, par Andrew Haigh, a pour titre français « La Route sauvage ». Sous ces différents titres se déroule une même histoire d’amour et de solitude, de famille et d’amitié, vue au travers des liens que tisse Charley (Charlie Plummer) avec Lean on Pete, un cheval de course. Lorsque ce dernier est vendu pour l’abattoir, le jeune garçon prend la fuite avec l’équidé, traversant l’Idaho, le Wyoming, l’Oregon et leurs paysages variés, afin de sauver l’animal. Mais en réalité, c’est le cheval qui sauve le jeune garçon, en lui donnant un sens à sa vie et une place dans ce monde.
Le ticket
Nous sommes en retard et il y a la queue au guichet. Et oui, ici, il n’y a qu’une caisse par cinéma. Bon à savoir si l’on peut réserver sa place sur internet, car les cinémas du canal débordent souvent de spectateurs. Qu’à cela ne tienne, nous galopons jusqu’aux bornes, qui nous attendent bras ouverts. Les places sont prises en un temps record et nous voilà à l’intérieur.
L'attente
Si la salle à l’étage n’est pas encore ouverte, des fauteuils de cinéma sont à disposition dans le couloir et pour patienter, on peut se tourner vers l’immense baie-vitrée qui sert de façade au cinéma : on y observe les bateaux sur le canal, les néons qui se reflètent sur l’eau, le cinéma d’en face et ses buvettes. Ainsi, le temps file comme une flèche.
L'accueil
Certes, ce n’est pas grand, mais grâce à ces dimensions, la simplicité de l’endroit et l’amabilité des équipes discrètes, « très bon film, mesdemoiselles », on se sent tout de suite très à l’aise, presque chez soi. Pas de stand de confiseries qui agresse le regard, pas de chahutements bruyants, seulement les couleurs sobres des moquettes et le clapotis des vaguelettes.
Les toilettes
Définitivement le bémol de ce cinéma. En effet, il n’y a qu’un seul cabinet. Et évidemment, presque dix personnes attendent pour y aller avant le film. C’est aussi mal pensé que l’agencement : vu l’emplacement des toilettes, la queue créée par celles-ci bloque l’accès aux salles de cinéma.
La salle
Alors oui, on le répète, ce n’est pas grand. Mais du coup, c’est cosy. C’est propre, c’est confortable, il ne fait ni trop chaud, ni trop froid, tout va bien.
Le public
Alors que le film touche à sa fin, dévoilant une scène très belle, quelqu’un a dû se mettre à couper des oignons, car je sens les larmes me glisser toutes seules sur les joues. Et lorsque le générique commence à défiler, dans la salle, personne ne bouge, pas un petit doigt ne remue, pas un bruissement de veste ne se fait. Étonnée, je me retourne sur les autres : tous profitent du générique et de son obscurité pour sécher ses larmes.
La sortie
La sortie se fait par une petite porte sur le côté. Difficile de se perdre ceci dit, car le canal sur la droite sert de repère immédiat. Les lumières s’y reflètent, parfait pour échanger quelques mots sur le film, en remontant le cours d’eau. Alors que le cinéma est déjà fermé, l’homme qui est à l’intérieur nous accueille avec plaisir, pour répondre à nos questions concernant la navette fluviale. Il est agréable, calme, au point qu’il en est apaisant. Apparemment, il fait bon vivre, et travailler, ici.
Le clap de fin
Ce cinéma est un petit écrin près de l’eau, où l’on se sent bien comme une perle dans une huitre protégée. Le nombre très insuffisant de toilettes fait perdre 1/2 point aux cinémas des quais. Cependant, l’impression laissée est très bonne, agréable, appréciable, rimant avec détente et moment de plaisir. Un réel voyage comme le cinéma devrait toujours l’être. Et ici, l’environnement aquatique du bassin de la Villette fait décoller avant même le film.
nb: Article paru en 2018, au sein du magazine En-Contact.
Photo de une : MK2 quai de Seine - crédit © MK2