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INTELCIA digéré par ALTICE : le client SFR peut-il espérer désormais un service client à la hauteur de sa promesse et de sa facture ?

Publié le 06 septembre 2016 à 13:48 par Magazine En-Contact
INTELCIA digéré par ALTICE : le client SFR peut-il espérer désormais un service client à la hauteur de sa promesse et de sa facture ?

Photo : Karim Bernoussi

En rachetant, comme annoncé le 5 septembre, avec un communiqué sibyllin, l’un des prestataires de centres d’appels de mid-market (Intelcia), le groupe Altice réalise l’une de ces opérations de poker menteur qui sont sa marque de fabrique, en même temps qu’il sécurise sa capacité à industrialiser son service client, dont la qualité s’est largement dégradée depuis des mois. Le client SFR peut-il espérer que cette opération annonce un service de meilleure qualité, et à quelle échéance, c’est la bonne question mais il n’est pas sûr qu’elle fasse partie des priorités et objectifs de l’opération réalisée.

Une opération dont les contours sont mal connus :

Aucune information factuelle chiffrée n’est donnée sur les conditions de ce rachat si ce n’est, de la part d’Intelcia, que le management de l’entreprise reste aux commandes et qu’il augmente à l’occasion son pourcentage de participation dans le capital. 200 millions, c’est la somme évoquée, pour les deux sociétés rachetées, sans que la répartition soit connue ni le montage financier de l’opération.

Où en est réellement Intelcia ?

Lancée dans une course à la croissance significative, Intelcia, l’entreprise dirigée par Karim Bernoussi, a certes déclaré l’ouverture récente de deux nouveaux sites au Cameroun et au Sénégal, mais elle est aussi capable parfois… d’un storytelling subtil sur ses capacités et réalisations: lors de notre récent reportage au Cameroun et en Afrique subsaharienne, voici quelques semaines à peine, il nous a été impossible, malgré nos demandes, de visiter le site annoncé et présenté comme accueillant 600 postes de travail; quelques téléconseillers rencontrés par nos soins et qui avaient envoyé leur curriculum vitae sur place n’avaient pas de réponse en retour à leurs candidatures. Le centre d’appels semblait plutôt en pleine création, sans qu’aucune photo disponible ne puisse être adressée. Rien de grave dans une industrie des technologies et du service où on a l’habitude de « communiquer » et pas d’informer, mais le jour où il faut « prendre des appels » effectivement, il vaut mieux que les positions de travail soient réellement opérationnelles et les équipes formées. Le rachat des opérations d’Atento au Maroc par Intelcia a lui été bouclé, et témoigne d’un projet de développement amorcé depuis longtemps et planifié.

La recherche du coût de revient optimisé :

Les relations avec les prestataires actuels de SFR (Arvato, Acticall-Sitel…) ne sont pas au beau fixe, compte tenu des projets de décroissance que leur a annoncé leur grand client; or, dans le métier du service client, vécu à tort comme un simple intérim de téléconseillers, la montée en compétences des agents est une donnée qui impacte réellement le niveau de qualité apporté. Les équipes d’Intelcia, sur cet aspect, disposent du savoir-faire et des infrastructures ad-hoc: l’entreprise sert depuis longtemps, avec efficacité, des clients exigeants tels que Google, Microsoft… Et SFR. Mais on peut aussi penser que ce rachat tactique procède d’un autre constat : les récentes installations de centres d’appels opérées par SFR n’ont pas toujours atteint les objectifs escomptés : à Madagascar, 2000 postes de travail devaient être créés mais l’attrition (le taux de départ) du personnel rend difficile l’atteinte de cet objectif tandis qu’au Portugal, l’autre usine de production organisée et créée avec la collaboration de Randstad a également un rythme de croissance un peu inférieur aux objectifs initiaux. Pourquoi donc arrêter la collaboration avec d’anciens prestataires quand, dans le même temps, on recherche d’autres capacités de production ? Elémentaire mon cher Watson : grâce à des conventions collectives spécifiques (celles qui sont en vigueur chez les prestataires de services et sont moins disantes que dans les télécoms), à un coût de revient de l’heure de travail moins onéreux en offshore, SFR se trouve en mesure d’assurer son service client à un coût inférieur à une option où celui-ci est réalisé en interne.

Une opération bénéfique pour les deux parties en présence :

Avec ce rachat, l’opérateur se retrouve donc dans une situation qu’il adore et qu’il est très fort à organiser et tout à fait conforme à une stratégie qu’adore Altice: se mettre en situation de négocier avec ses prestataires, de façon musclée, en se préservant une capacité de produire ailleurs, si la négociation tournait mal, abaisser ses coûts de revient de façon drastique.

De son côté, Karim Bernoussi trouve là un allié industriel capable, ponctuellement, de lui assurer le volume d’activités pour asseoir sa stratégie de développement, pour autant qu’il ne voit pas à cause de cette opération, certains autres de ses grands clients choisir de le quitter. Qui aimerait confier ses opérations et données confidentielles (parfois) à un prestataire, filiale d’un concurrent ou d’un opérateur télécom ?

Et le client dans tout ça ?

Par une ruse de l’histoire que Hegel n’aurait pas désavouée, un opérateur télécom majeur se met donc à réinternaliser chez Intelcia ses centres d’appels, après les avoir externalisés et annoncé récemment que le volume d’activités et de contacts décroissait mécaniquement (pour justifier la baisse d’activités confiées à ses prestataires). On n’est pas à un changement de discours près dans le dossier SFR. Mais dans cette configuration, c’est presque le meilleur des deux mondes que parvient à organiser temporairement l’opérateur télécom. Disposer de centres d’appels en interne, sans les coûts de l’interne en France.

Dans les classes préparatoires parisiennes qu’ont fréquentées les deux natifs du Maroc (Patrick Drahi et Karim Bernoussi), peut-être les deux brillants hommes d’affaire et tous deux ingénieurs télécom ont-ils apprécié, découvert Hegel. Ou pas ? Ce qu’espèrent en tout cas, de tout cœur, les clients de SFR, c’est que la lettre K, qui réunit également les comparses (PatricK rachète Karim) cesse de leur rappeler Kafka… Et l’absurdité des box pas livrées, des appels réitérés, leur « Kotidien » de clients maltraités. Le foot et les contenus exclusifs, même vendus en package à grands renforts de publicité, suffiront-ils à endiguer la fuite des départs ? Ou peut-être un brillant « marketer » des équipes d’Altice songera-t-il bientôt à offrir en contenu exclusif, dans le pack SFR, un ouvrage de Boris Cyrulnik sur la résilience ? « De la souffrance peut naître le meilleur »

Michel (Combes) leur bon pote, déclarait ce matin sur France Inter à Patrick Cohen qu’il s’occupait lui, de son côté de l’autre « détail »: l’aKKompagnement  des collaborateurs qui désirent quitter le groupe SFR…

NB: pour aller plus loin et sourire un peu, lire la lettre ouverte à Patrick Drahi http://en-contact.comet-la-palme-dor-est-decernee-a-patrick-drahi-des-productions-sfr-prends-loseille-et-tire-toi-lettre-ouverte/.

Une analyse de Manuel Jacquinet.

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