Georges Anidjar, l’homme qui facilite l’embarquement sur Transavia
Chez Xerox, il apprit à vendre. Chez IBM à vendre des logiciels. Désormais, il automatise et fluidifie ; par exemple les parcours clients, à des moments clés du Customer Journey. Muni de sa console.
Né au Maroc, où il a vécu jusqu’à ses vingt ans, du côté de Tanger, dans la partie hispanique du Maroc (ancien protectorat), puis vers Casablanca, dans la partie francophone, Georges Anidjar a grandi dans une culture bigarrée, avec des Portugais, Marocains, Espagnols, en maniant une langue qu’il pratiquait à la maison, mélange d’hébreu, d’arabe et d’espagnol : le haketia. De son propre aveu, il a eu une belle enfance : lycée français, Bac E (technique) en poche, fin 80, il part poursuivre ses études en France. « J’ai fait une Miage (formation de maintenance informatique), puis j’ai eu un tilt lorsque j’ai fait mon stage de fin d’études chez Xerox. Les commerciaux avaient de belles voitures, ils portaient de belles cravates rutilantes, ils étaient magnifiques : ça m’a fait rêver ! Vers 1988, Xerox, c’était la Rolls pour apprendre le métier de commercial. C’est ça que je veux faire, je me suis dit. »
Pour l’époque, les salaires étaient mirobolants. « Comparativement à aujourd’hui, les commerciaux gagnaient déjà 180 000 francs, ce qui équivaut à un peu moins de 30 000 euros aujourd’hui, ce en sortant à peine de l’école ! De nos jours, les jeunes diplômés vont gagner entre 35 et 38 000. Mais il y a trente ans d’écart ». Alors qu’il a effectué quatre ans d’études en programmation, Georges Anidjar se lance dans la vente, à 22 ans. « J’ai commencé chez AGI, une petite société qui vendait des logiciels. J’y ai appris mon métier : savoir décrocher un téléphone, faire de la prospection, dans le dur, « Bonjour monsieur, j’aimerais prendre un rendez-vous ». Je pouvais en faire, comme ça, 50 à 60 dans la journée. Et quand on en décrochait un, de rendez-vous, c’était le Graal : on y allait avec le directeur. J’ai appris ce qu’il y a de plus difficile pour un commercial : la démarche, la phase de prospection. Il faut passer le barrage de la secrétaire de direction, passer les obstacles, être persévérant même si on se fait raccrocher au nez dix fois de suite. Rester souriant malgré les échecs. Le secret, c’est qu’il faut faire ça en groupe, surtout pas isolé. Parce que parfois, on n’a plus le moral. Il faut se remotiver, échanger. C’est là que j’ai appris ces bases. Et je n’ai jamais oublié. Je constate que beaucoup de jeunes que je recrute n’ont pas ces bases. Je n’étais pas un vendeur né ».
Depuis, lors des entretiens d’embauche, Georges pose la question suivante aux candidats : « C’est un art ? (la vente, ndlr). Ou ce sont des règles, des techniques que l’on apprend ? C’est intéressant de savoir ce que les gens pensent », confesse-t-il dans un large sourire. Il avoue s’être souvent trompé. « Une fois sur deux ; ça a toujours été compliqué de recruter. Je passe 20 % de mon temps à cette mission. Les commerciaux, ils vous disent ce que vous avez envie d’entendre, c’est bien connu. Avec l’expérience, je prends plus de précautions. Pega se développe alors on recrute, mais nous avons du mal à trouver les bons talents parce que nous sommes dans une activité pointue, technique qui nécessite de l’expérience ».
Chez IBM avant d’être recruté par Pegasystems*, Georges Anidjar assure avoir été le premier vendeur de sa boîte. Il est toujours en contact avec les clients et « prospects ». C’est par les clients qu’il s’informe sur le marché, les tendances, demandes, etc. C’est ce qu’il conseille d’ailleurs à ses commerciaux. « Soyez toujours en contact avec le client ». Très jeune, il a été amené à diriger des équipes. Il était déjà directeur général en 2001. Il avait alors 31 ans. En trente ans de carrière, et alors qu’il en est à son sixième employeur, il a un fil conducteur : « Mon point central a toujours été le business : trouver des affaires, dénicher des projets ».
Marié, père de trois enfants (de 16, 21 et 22 ans), Georges Anidjar possède une maison du côté de Malaga (Andalousie) et ses bureaux, sur l’avenue Marceau, lui offrent une vue magnifique sur la Tour Eiffel ; il aime toujours son métier. Parce qu’on ne cesse d’y évoluer, que ce soit dans le domaine digital, et/ou le service client. « C’est un milieu très concurrentiel : il faut être meilleur que les autres, plus innovant, plus intelligent, agile. Les grandes évolutions de ce métier, le but ultime consiste à ce que l’expérience client soit la meilleure possible. Moi-même, récemment, j’ai commandé chez Amazon et je me suis demandé pourquoi, alors que je suis client Premium, ils ne me livraient pas dans la journée – comme une semaine auparavant – mais en 24 h. Le client est de plus en plus exigeant. Nous devons en avoir conscience ».
Il reste d’ailleurs vigilant. « Le service, le contenu va prendre de plus en plus d’importance. Nous sommes tous notés, de plus en plus. Notre libre arbitre est de plus en plus menacé, remis en cause. On peut se sentir manipulés, on l’a vu en politique, ou sur Facebook et Google, qui nous proposent toujours la même salade. J’ai parfois l’impression qu’ils sont en train de nous lobotomiser. C’est une machine qui est derrière tout ça. Ne nous laissons pas enfermer. Ces systèmes d’évaluation nous piègent mais c’est ce vers quoi se dirige le marché ». Build for change (le slogan de Pega) mais gaffe au Black Mirror.
Propos recueillis par Guillaume Chérel
NB : Pegasystems (Pega pour les intimes) est un éditeur de logiciels spécialisé dans le domaine de l’expérience client, basé à Cambridge, pas loin de Boston (États-Unis). L’entreprise emploie environ 5000 personnes et génère un milliard de chiffre d’affaires environ. Elle organise chaque année un évènement, le CES (Customer Engagement Summit). Transavia, la compagnie aérienne, est un de ses clients en Europe.
Georges Anidjar est vice-président (VP) et directeur général, de Pegasystems, pour l’Europe du sud (France, Italie, Espagne). Il parle plusieurs langues, est amateur de vin, pratique le golf, l’équitation, le jardinage et la plongée sous-marine, mais sa vraie passion c’est la vente.
Relisez le portrait de Philippe Lederman, dirigeant d’agence immobilière.