Etre aidant, ça ne peut qu’aider
Les clients professionnels aussi ont envie d’être enchantés et qu’on leur simplifie la vie
Les nouveaux standards d’expérience client, en magasin ou digitaux, sont souvent basés sur les référentiels que constituent Apple, John Lewis, Amazon. A cette difficulté (se comparer aux meilleurs, même lorsqu’ils appartiennent à des catégories différentes de celles où on monte sur le ring) s’en ajoute une autre : le client B2B ne comprend plus que le monde professionnel ou ses fournisseurs le traitent moins bien que son livreur de pizzas. Aussi, c’est avec un peu de retard mais beaucoup d’innovations que quelques grandes marques ont lancé des projets d’amélioration de l’expérience client, avec peu de moyens parfois mais toujours avec de la méthode et des logiques d’expérimentation (parce qu’il faut bien convaincre que les investissements rapportent). Du fabriquant de parquets et de sols (Tarkett) au fournisseur de services énergétiques (ENGIE Cofely), petit détour dans ces entreprises first-mover sur le sujet, et décryptage de ce qui fonctionne par l’un des spécialistes du sujet (le cabinet Pagamon).
Le témoignage de Gilles Lebret, membre du Comité Exécutif et Directeur des Opérations Clients et des Systèmes d’Information chez Tarkett.
L’exemple donné par la société Tarkett en matière d’expérience client interpelle et interroge : on pourrait penser qu’une multinationale spécialisée dans les revêtements de sols et surfaces de sports ne ferait pas de l’expérience et de la relation clients une priorité. Rencontre avec Gilles Lebret, membre du Comité Exécutif et Directeur des Opérations Clients et des Systèmes d’Information, qui nous prouve le contraire.
Hormis ceux (nombreux depuis deux ou trois ans) qui sont coutumiers de la prise de parole dans les salons et conférences professionnels et dont les projets effectivement réalisés sont souvent moins disant que les documents Powerpoint, quelques groupes industriels français ou internationaux ont entamé de réels projets de refonte ou d’amélioration de leur expérience client, avec méthode, goût de l’expérimentation et équipes dédiées. Les ingénieurs de formation qui les dirigent ont conservé leurs réflexes et bonnes habitudes hérités du temps où ils dirigeaient des équipes de production, des usines ou des systèmes d’information : on observe pour comprendre, on imagine, on teste et… on ne met pas ses œufs dans le même panier.
C’est cette méthode et ces convictions qui transparaissent lorsqu’on détaille le projet « Expérience client » mené dans le monde, par Gilles Lebret, membre du Comité Exécutif et Directeur des Opérations Clients et des Systèmes d’Information chez Tarkett. « L’objectif est de faire de Tarkett le meilleur partenaire dans le secteur des revêtements de sol, c’est-à-dire avec qui il est le plus facile et le plus agréable d’interagir pour nos différentes catégories de clients. Cette approche centrée sur le client est au cœur de la stratégie du groupe, et illustre bien une de nos valeurs clés : offrir une expérience exceptionnelle à nos clients ».
Le constat de départ
Les attentes des différents types de clients de l’entreprise, qui peuvent être des artisans installateurs, des architectes, des distributeurs ont évolué mais sont caractérisées par un besoin de support élargi, une demande d’aide numérique réelle et des demandes de gains de temps, qui varient selon les clientèles touchées. Il fallait engager un plan de transformation non pas seulement digitale, mais de la relation client. Au-delà des solutions techniques et digitales, c’est l’ensemble de la relation client qui est repensée, en prenant en compte les différents points de contacts du client avec l’entreprise à chaque étape de son projet de décoration : s’inspirer pour imaginer le projet, découvrir les produits, évaluer les solutions en fonction de multicritères, sélectionner et commander, livrer et installer le revêtement de sol, et enfin assurer l’entretien. « Pour nous, la transformation digitale est un moyen, un levier puissant pour offrir une meilleure expérience client, mais pas une fin en soi. C’est pourquoi on a totalement intégré l’ensemble des processus clients dans ce programme CX 2.0. On en profite pour redéfinir notre niveau de service, clarifier nos engagements en termes de délais de livraison, améliorer l’accessibilité au téléphone, accroître notre flexibilité dans nos entrepôts, informer en temps réel des livraisons, etc. ». détaille Gilles Lebret.
La méthode
Elle a consisté à choisir, sur trois zones géographiques différentes, des clientèles distinctes auprès desquelles l’entreprise a testé des hypothèses de transformation, imaginées en écoutant ces clients. Les architectes ont été le réseau testé aux Etats-Unis, les distributeurs en Russie et les installateurs en Europe.
La combinaison d’équipes internes et de spécialistes externes a été privilégiée afin de profiter à la fois d’expertise du métier et de sang neuf. Tarkett a décidé de combiner l’approche Design Thinking et la méthode Agile pour pouvoir lancer, tester et optimiser rapidement les nouveaux projets. Les réalisations sont ainsi testées sous forme de pilote avec certains clients, comme par exemple le passage d’un site web informationnel à un site transactionnel sur la zone UK, déployé ensuite en France (ces deux sites viennent d’être mis en ligne).
« Sur la cible des architectes et designers, c’est par exemple la capacité offerte aux clients de visualiser l’installation qu’ils aménagent qui a été retenue comme pilote : l’objectif est de proposer des images de haute qualité et intégrées dans la visualisation de leur projet, pour aider nos clients à présenter un rendu numérique de leur chantier » indique Gilles Lebret.
Les résultats, les enseignements
Bien que ce programme Customer Experience 2.0 soit encore en cours, le directeur monde de l’expérience client en a déjà une bonne vision.
« En matière d’expérience client, on apprend en faisant. Notre approche est à la fois structurée et pragmatique : l’enjeu est de se mettre à la place du client, de comprendre ses besoins plus ou moins clairement exprimés pour pouvoir bien poser le problème à résoudre. Ensuite, on teste, on adapte et on évalue l’efficacité de la solution au regard de la satisfaction du client. Enfin, on avance pas à pas et en profondeur sur des domaines clés pour l’expérience client, en associant les équipes de vente, marketing et communication, du service client, de la supply-chain et du design, avec le support des équipes des systèmes d’information ».
Le programme Customer Experience 2.0 est organisé avec des équipes centrales multidisciplinaires (Customer experience, systèmes d’information, web, supply-chain…), et des relais dans les business dans chaque région (ventes, marketing, services client…), ce qui permet d’assurer l’implication des équipes sur le terrain et la proximité avec les clients. Le programme bénéficie d’importants investissements informatiques, avec notamment une nouvelle plateforme web, des outils de gestion omni-canal, un nouveau système de gestion de la relation client, ainsi qu’une solution de gestion des ressources numériques.
Par Manuel Jacquinet