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En France, le chant du coq, le son et les bruits du clocher, l’odeur du fumier sont désormais protégés

Publié le 20 septembre 2021 à 13:18 par Magazine En-Contact
En France, le chant du coq, le son et les bruits du clocher, l’odeur du fumier sont désormais protégés

Ce qui rend le séjour à la campagne, dans une guinguette ou le lever du jour souvent uniques et mémorables en France relève désormais du patrimoine et est protégé. Les services régionaux de l’inventaire du patrimoine culturel deviennent les Directeurs de l’Expérience rurale ou villageois et les Maires des directeurs de la relation de voisinage enfin outillés pour gérer les conflits. Nombreux, parfois violents. 

Les espaces, ressources et milieux naturels terrestres et marins, les sons et les odeurs qui les caractérisent, les sites, les paysages diurnes et nocturnes, la qualité de l’air, les êtres vivants et la biodiversité font partie du patrimoine commun de la nation. Article L 110-1 du Code de l’environnement. Les citadins surtout mais pas seulement eux se sont rendus compte, depuis mars 2020, qu’une merveille nous est donnée, gracieusement en France, au détour d’un sentier, le long d’un chemin de halage : l’expérience de la campagne, de la tranquille ruralité, ce qui se trame et s’entend dans des centaines de coins de la Drôme, des Deux-Sèvres. Sensorielles, sonores olfactives, qu’elles sont uniques et incroyables, ces émotions qui naissent et se nichent dans les milliers de communes de France. Qu’elles viennent à nous manquer et nous les chérissons enfin ces odeurs, ces sons de cloche, ce glissement de la barque sur la Marne, près d’une guinguette où les bals continuent d’aider aux rencontres, sans Tinder ni Happn. Depuis la loi promulguée le 29 janvier de cette année, ces éléments qui contribuent à ces enchantements sont protégés et vont donc aider doublement à une protection et à la sérénité des relations de voisinage. Qui sont les directeurs et gardiens de cette expérience rurale et villageoise ? Les services régionaux de l’inventaire du patrimoine culturel, auxquels échoit le soin d’étudier et de qualifier l’identité culturelle du territoire. Cela peut-il aider à fluidifier et pacifier les relations inter villages ou coins reculés ? Oui car les Maires se voient désormais outillés pour résoudre des conflits nombreux, grâce à la promulgation de cette loi. La lecture de l’article instructif publié dans le Parisien, en début d’année en donne un bon exemple.

Face aux conflits de voisinage qui se multiplient, notamment entre ruraux et néoruraux, les maires peuvent maintenant s’appuyer sur la loi qui consacre le « patrimoine sensoriel des campagnes » 

Un petit havre de paix à la frontière des Yvelines et de l’Eure-et-Loir. Au nord, les arbres de la forêt de Rambouillet, au sud, les champs à perte de vue de la Beauce. Et au milieu, Saint-Hilarion, village de 1 000 âmes avec une école, de rares commerces et une église du XIIe siècle. L’impression d’être en province à 55 km de Paris. « Mais ici, avertit le maire Jean-Claude Batteux (SE), ce n’est pas seulement l’air pur et le chant des oiseaux. La campagne, c’est aussi du bruit. » Notamment les cloches de l’église. Comme dans beaucoup de villages, à Saint-Hilarion, elles sonnent toutes les demi-heures, toutes les heures et pour la prière de l’Angélus trois fois par jour. 

Des sons qui rythment la vie des villages 

Mais le tintement n’est pas au goût de tout le monde et il y a un mois, un habitant s’est plaint auprès du maire. « Il m’a expliqué qu’il n’arrivait pas à dormir, que c’était insupportable et qu’il fallait que ça cesse », se souvient Jean-Claude Batteux. Conciliant, l’élu essaie de trouver un compromis et décide de faire cesser le bruit la nuit. Pas suffisant, selon cet habitant qui souhaitait aussi l’arrêt de l’Angélus le samedi matin. « Je lui ai parlé de la nouvelle loi sur le patrimoine sensoriel des campagnes et le différend s’est arrêté net. » Depuis cette loi, promulguée le 29 janvier, les sons et odeurs des campagnes françaises ne peuvent plus être la cause de plainte pour « troubles anormaux du voisinage ». « L’église fonctionne surtout pour les enterrements, ce serait malheureux d’entendre les cloches seulement dans ces moments-là ! », souffle l’élu, habitant du village depuis trente ans. Pour lui, « en zone rurale, les cloches font partie de notre patrimoine. » 

Un boom démographique depuis le confinement 

Le riverain mécontent habite à Saint-Hilarion depuis un moment mais le maire constate que l’arrivée d’urbains depuis le premier confinement a renforcé ce genre de désaccords entre voisins. Soixante familles de région parisienne, de Rambouillet et de l’Eure-et-Loir se sont installées dans le village depuis quatre ans. « Nous sommes ravis d’accueillir de nouveaux habitants mais certains ne prennent pas la peine de venir se présenter en mairie. » Et ça, dans un village, ça compte. Car se connaître permet de prévenir certains conflits : « Plus les gens se parlent, moins il y a de démêlés. » À 10 km de là, à Orphin, Janny Demichelis a également vu arriver du monde. Trente-six familles ont posé leurs valises dans le village de 1 000 personnes depuis le premier confinement. « Enchantée » de voir arriver des couples avec de jeunes enfants, la maire (SE) doit aussi arbitrer davantage de conflits de voisinage. Lorsqu’elle entend des habitants se plaindre du bruit des moissonneuses dans les champs, ça finit par l’amuser : « Ici, il y a des exploitations agricoles et en juillet août, c’est la période des moissons. Point barre. » 

« Il faut réussir à garder son calme » 

Plus d’une fois par mois, Janny Demichelis règle des « détails du quotidien ». Des histoires de coq qui chantent trop fort, d’arbres trop hauts, de chiens qui aboient… Parfois, elle le reconnaît, « il faut garder son calme ». D’autant que ces histoires peuvent parfois mener à des issues fantasques. Comme en 2008, quand une habitante de Drocourt s’était plainte des chants intempestifs du coq de son voisin, agriculteur. Le juge du tribunal de police de Mantes-la-Jolie avait alors demandé au propriétaire de l’animal… de le faire taire dans un délai d’un mois. Sans quoi le coq devait être condamné à mort ! Du jamais vu, qui avait suscité la curiosité des médias du monde entier. Sans doute dépassé par l’ampleur du battage médiatique et d’une possible annulation du jugement, le magistrat était finalement revenu sur la sentence et le coq avait sauvé sa tête. 

Le Parisien, février 2021 - Par Jeanne Cassard (avec M. G.)

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