« Une entreprise qui ne comprend pas que ses clients s’attendent logiquement à interagir avec leur marque à tout moment et en tout endroit va perdre du terrain »
Bernard Louvat, CEO – TouchCommerce
Lors de son dernier reportage en Californie – en janvier 2015 – l’équipe d’En-Contact a été marquée par la campagne publicitaire d’un vendeur de sous-vêtements masculins « Me Undies ». Pourquoi la start-up dirigée par un jeune entrepreneur expérimenté connaît elle ce succès qui lui vaut des articles dans les magazines et lui permet de se payer des campagnes d’affichage partout aux USA ? Très certainement grâce à la qualité de ses slips, mais aussi parce qu’elle parle avec ses clients et prospects – par tchat, sur le site internet de la marque. Le tchat, l’engagement avec le client, c’est précisément le métier de TouchCommerce, une entreprise encore discrète en France, mais que son PDG voudrait bien développer ici aussi fort qu’aux USA… Ca tombe bien, il est français. Il nous répond depuis sa résidence à « Agoura Hills, California ».
Après plusieurs années d’implantation en France, qu’avez-vous appris et qui sont vos clients aujourd’hui ?
Nous opérons en France depuis 2009 et avons commencé par servir les entreprises du secteur télécommunications, très demandeuses de solutions pour acquérir de nouveaux clients et fidéliser les clients existants. Aujourd’hui nous sommes fiers de travailler avec Bouygues Telecom, SFR, Numericable, Virgin Mobile, le groupe MMA, et un grand parc d’attractions, entre autres.
Il y a un point commun entre toutes ces marques : TouchCommerce travaille en partenariat avec des marques qui vendent des produits ou des services « engageants », c’est-à-dire des marques qui vont déclencher chez le consommateur une vraie réflexion par rapport au prix, à la durée du service qu’il va acquérir ou bien à la satisfaction qu’il va en tirer. En France, afin d’assurer une vraie relation de proximité avec nos clients, nous avons tout de suite recruté des équipes locales. Ces équipes accompagnent nos clients pendant toute la durée des programmes de live chat ou self-service que nous mettons en place. Nos clients français sont friands des best practices de leur industrie, et dans les télécommunications nous avons pu partager notre expertise, acquise auprès de grands noms américains tel que AT&T, Sprint, T-Mobile, Comcast, Direct TV. En travaillant avec nos équipes locales, nos clients français de longue date ont ainsi très bien compris comment interagir avec les consommateurs pour que ceux-ci soient satisfaits et continuent de consommer, tout en réduisant les coûts opérationnels…
… par quels moyens ?
En mettant en place notre plateforme customisée de web chat, des règles métiers pour segmenter les clients potentiels et sélectionner ceux qui ont besoin d’aide pendant leurs parcours d’achat. En 2015, le chat est devenu incontournable. Je constate que les entreprises françaises mesurent la nécessité de mieux interagir avec leurs clients mais elles ne comprennent pas toujours les enjeux stratégiques. Nous continuons notre approche pédagogique avec les autres secteurs, après celui des télécommunications qui a bien compris notre modèle, nous éduquons aussi le secteur du tourisme et celui de la bancassurance, plus traditionnel et moins preneur de risque dans leur approche de la relation client.
Que diriez-vous à une entreprise française qui hésiterait toujours à se mettre à la relation client multicanale ?
On assiste au niveau mondial à une véritable rupture des modèles économiques traditionnels avec l’arrivée de sociétés tel que Uber dans le transport de passagers, AirBnb pour l’hébergement, Amazon ou Google dans les services financiers… Leur succès montre l’appétence des consommateurs pour les services ou les produits compétitifs et innovants. Les entreprises avant-gardistes ont toutes des projets de transformation digitale et ont créé des postes de Chief Digital Officer pour faire face aux mutations et aux demandes des consommateurs. Cela signifie que celles qui hésitent encore à investir davantage dans la relation client multicanale – ou omnicanale – doivent sauter le pas si elles veulent survivre dans un monde très concurrentiel. Il faut savoir que désormais, ce sont les consommateurs qui ont la main, et ils vont la garder dans les années à venir. Le pouvoir des clients va continuer à progresser. Les consommateurs sont très informés, ultra-connectés par le biais de leurs téléphones mobiles. Faites un test dans un magasin d’électronique grand public, les clients sont souvent plus informés que les vendeurs sur les produits et sur les prix ! Il faut donc anticiper et être innovant. Une entreprise qui ne comprend pas que ses consommateurs s’attendent logiquement à interagir avec leur marque à tout moment et en tout endroit va perdre du terrain. Il faut être là où est le consommateur, que ce soit sur mobile, sur le web, en magasin ; il faut pouvoir communiquer avec lui partout et lui faciliter son parcours client.
Est-ce que le succès de concurrents locaux, comme iAdvize en France, vous a surpris ?
Non, au contraire : cela confirme le fait que les entreprises françaises ont réalisé l’importance de l’engagement client par chat. Le marché a bien évolué, et c’est positif. Il y a beaucoup d’acteurs sur le marché proposant du chat, que ce soit iAdvize, des internationaux comme Liveperson et les prestataires des centres de contact comme Genesys, les mastodontes du software comme Oracle. Tous ces acteurs répondent à différents besoins selon la maturité de l’engagement client des entreprises. Certaines entreprises veulent ainsi s’équiper d’un outil de chat basique pour tester la relation client sur le web, d’autres pensent se simplifier la vie en travaillant avec un prestataire unique qui fournit du logiciel pour la finance, le CRM et le chat, d’autres plus matures vont s’adresser à TouchCommerce pour avoir accès à une plateforme pointue et un accompagnement d’experts pour mettre en place une vraie stratégie de satisfaction client, de désengorgement des canaux voix et emails, et donc une réduction des coûts.
Quel serait donc votre conseil – aussi objectif que possible… –- aux entreprises intéressées par ces dispositifs pour s’y retrouver ?
Mon conseil aux entreprises à la recherche d’un prestataire est de faire le tour du marché et de bien comprendre le modèle économique de chacun pour éviter les dépenses cachées, souvent nombreuses. Il faut préparer le projet de chat en amont avec tous les décisionnaires pour bien tenir compte des différents besoins et enjeux. Aux Etats Unis, les programmes d’interaction clients sont suivis de près par les comités exécutifs : la France n’en est pas encore là. Chez TouchCommerce, nous savons que ces programmes sont de vrais projets stratégiques et nous avons la capacité d’accompagner les entreprises dans ces projets clefs.
Quelle est votre recette personnelle pour réussir en tant qu’entrepreneur français dans la Silicon Valley?
Un, travailler dur.
Deux, croire en soi.
Trois, ne jamais se décourager – les obstacles sont nombreux!
Quatre, travailler dur.
Cinq, être a l’écoute de ses clients et du marché, des besoins des consommateurs, et réagir rapidement.
Six, bien s’entourer et construire une équipe avec des profils qui se complètent.
Sept, travailler dur.
Huit, créer une culture d’entreprise forte et axée sur la performance.
Neuf, choisir des investisseurs expérimentés.
Et enfin dix, travailler dur, encore et encore…
Jonathan Shokrian – Fondateur de Me Undies