« Les téléconseillers méritent la même reconnaissance que les personnels soignants »
Le point de vue d’Éric Dadian, président de l’AFRC, sur les semaines animées que Samu, centres d’appels et directeurs de la relation client ont traversées avec engagement. Des webinars y ont aidé (notamment ceux organisés par l’association). Mais la planification aurait pu être améliorée, indique l’ex-fondateur d’Intracall.
En Contact : Les centres de contacts ont « tenu » dans le monde entier, mais ils ne semblent toujours pas recueillir la faveur des médias : on a parlé des caissiers, des livreurs, des soignants, peu des agents de centres d’appels. Qu’est-ce que cela t’inspire ?
Éric Dadian : Oui, c’est regrettable, la relation client n’a jamais vraiment été mise en avant à sa juste valeur par les médias, décriée dans les années 2000, associée à des « petits boulots », les 280 000 téléconseillers qui, tous les jours, apportent leur expertise au service de toutes les activités de l’économie française (tourisme, transport, banque, assurance, télécom, énergie, e-commerce, santé…), méritent la même reconnaissance que les personnels soignant ou autres métiers au service des français, seulement on ne les voit jamais en face à face !
Cela n’a pas empêché les équipes internalisées et externalisées dans les centres de Relation Client de se mobiliser dès le 17 mars, pour que les millions de demandes, de prises de commandes, de supports technique, de télésurveillance, de situations d’urgence avec les clients, les citoyens, les patients soient pris en charge dans les meilleures conditions.
Si les activités commerciales se sont retrouvées à l’arrêt brutalement, les services de santé ont été débordés, mais aussi La Poste pour la gestion des courriers, la grande distribution a dû continuer de fonctionner pour nourrir les français ; les secteurs de l’énergie, des télécoms, des banques et assurances ont dû s’adapter avec des flux et des demandes différentes en B to B et en B to C avec des équipes réorganisées en télétravail à domicile.
Si les activités de Relation Client à distance n’avaient pas fonctionné, la France aurait connu une situation beaucoup plus compliquée.
Le télétravail, partout plébiscité, ne semble pas forcément bien adapté pour les prestataires, pourquoi ?
Oui le homeshoring et le télétravail sont, en période de crise, plébiscités. Mais pour les prestataires, multipliant des activités diverses en front, en back office, sur des canaux très différents pour des marques aux biens et services avec des spécificités, gérant des centaines de conseillers et de managers sur des grands plateaux, il est crucial de pouvoir piloter avec beaucoup de proximité des équipes très nombreuses.
Ces solutions ont été testées à petite échelle en partir de 2005 par plusieurs prestataires sans grand succès et quelques PME en ont fait leur spécialité, comme EODOM avec des auto-entrepreneurs ou encore Meilleurcontact/Relaytion en mode hybride avec des salariés à la fois sur site et à distance. Peut-être que l’après COVID-19 verra naître plus de solutions hybrides !
Les grands prestataires étaient finalement assez peu en avance sur la mise en place de ce télétravail. Comment l’expliquer ?
Leur mode de fonctionnement, comme je viens de le préciser, ne le justifiait pas ; c’est pourquoi je profite de ces quelques lignes pour saluer d’autant plus la capacité d’adaptation et de résilience des grands prestataires qui ont su, grâce à l’engagement des salariés, du management et de toutes les équipes techniques, faire basculer dans un mode full télétravail pratiquement toutes leurs opérations dès le début du confinement. Avec du recul je reste très admiratif de ces grands acteurs qui ont déployé des dizaines de milliers de téléconseillers en télétravail en quelques jours.
L’AFRC a mis en place des webinars sur la période ; lesquels ont recueilli le plus grand succès ?
Dès le début du confinement, nous avons reçu de nombreux messages de notre communauté qui souhaitait garder un lien de partage et d’échange entre membres et cela s’est traduit par le succès des premières audiences : entre 80 et 140 participants par webinar.
Tous les webinars rencontrent un franc succès avec des interventions d’avocats (comme Etienne Drouard de Hogan & Lovells sur les mesures sociales, fiscales proposées par le gouvernement) ; des témoignages de dirigeants comme Marie-Anne Brodschii (Senior VP d’ADEO), Isabelle Chapis (Partner de Wavestone sur l’apport des solutions digitales pour revoir les parcours clients, les services de livraison, sans jamais pouvoir remplacer le contact humain si précieux en période de crise) ; sur le thème de l’Intelligence Artificielle en plein COVID-19, PMP et Françoise Soulié, Conseiller Scientifique au Hub France IA apporteront leur vision.
D’autres témoignages sont aussi passionnants avec le Docteur François BRAUN, Président de Samu Urgence de France, Ian Di Tullio (SVP Guest Accor) ou Samantha de Freitas (Responsable client du groupe Intermarché).
Les Samu, les services d’urgence médicales ont réquisitionné, recruté afin de disposer de répondants en nombre suffisant. La planification, c’est donc la clé ?
Oui, c’est certain, l’investissement en Relation Client, une meilleure planification des flux auraient permis d’éviter, dans le cas du SAMU, des situations désespérées pour des malades atteints de COVID-19. D’ailleurs dès le 17 mars, l’AFRC a été appelée en renfort pour trouver en urgence pour l’APHP un site pouvant accueillir entre 100 et 300 positions et y recevoir des étudiants en médecine capable de traiter les flux d’appels de malades et de les orienter vers les hôpitaux (Free, Comdata, Sitel se sont portés volontaires) mais les flux d’appels ont été mal anticipés et le pic était passé.
Par la rédaction d’En-Contact