« Seules les bonnes idées sont copiées ! »
Didier Ferrier, PDG d’Eodom
Les plus grands noms de l’outsourcing se sont battus pour remporter le contrat mais c’est… le petit poucet, leader du homeshoring en France, Eodom, qui leur a soufflé la politesse et traitera, avec ses agents indépendants à domicile, une partie du service client de la Fnac.
Un choix audacieux, qui prouve qu’Alexandre Bompard et ses équipes sont capables, y compris en matière de centres d’appels de tenter le coup gagnant, le passing-shot décroisé de revers :
« Webhelp, B2S, Data Base Factory, les finalistes de cette compétition nous ont fait des offres remarquables, pertinentes et nous aurions pu travailler avec chacun de ces groupes sans souci », déclarait l’un des dirigeants opérationnels de Fnac.com, en charge du dossier « mais le modèle des agents à domicile nous correspond parfaitement, d’un point de vue qualitatif, innovation sociale et également tarifaire, puisque les offres financières correspondent à un bon “mix” entre la France et l’offshore. Mais surtout, alors que beaucoup pensent que c’est un choix risqué, nous avons déjà depuis deux saisons réalisé des “Proof of concept” avec les équipes d’Eodom et elles nous ont convaincus. Je suis sur que tout sera … sous contrôle et parfaitement maitrisé ».
Voilà pourquoi, alors que le télétravail salarié patine en France, le modèle d’Eodom, avec des agents indépendants rémunérés à la performance, dispose lui d’un bel avenir. En tout, près de 2 500 agents ont travaillé avec Eodom depuis la fondation de la société en 2007. Didier Ferrier explique comment et pourquoi il a réussi à gagner un pari qui était tout sauf évident, lorsqu’il s’est lancé, à 39 ans, dans l’aventure, avec une « vraie volonté d’améliorer le marché sur rapport coût qualité ».
Comment avez-vous « converti » un grand compte comme Fnac.com au modèle du homeshoring ?
Ils y sont venus doucement. Ils étaient à la recherche d’une équation coût/qualité supérieure à leur modèle d’origine ; la première question était celle de l’externalisation de leur service client dans son ensemble, et celle du mode de production n’était en fait que secondaire, tant que la que l’adéquation coût/qualité était au rendez-vous.
Fnac.com a eu un premier besoin pendant quatre mois, en période de pics d’appels, puis un autre, identique, l’année suivante. Puis le choix stratégique a été exprimé de trouver un partenaire permanent, en complément de leurs ressources internes. Fnac.com s’est demandée si on pouvait lui apporter des garanties suffisantes avec les indépendants, afin que l’offre coût/qualité soit compétitive, et ce de façon pérenne. L’enseigne voulait s’assurer du niveau d’industrialisation et de professionnalisme avant de nous confier un contrat aussi important. Pendant les deux contrats de débordement de quatre mois, nous leur avons apporté toutes ces garanties : une offre sécurisée, industrielle, performante, dont le coût était compétitif.
Quelles sont concrètement ces garanties que vous avez pu leur apporter ?
La meilleure garantie, c’était notre portefeuille de clients existants satisfaits, la fiabilité de notre modèle économique et juridique et de notre process de production.
Ça m’énerve que certains essayent de minimiser le gain de ce grand compte en arguant que nous aurions fait du dumping. Nous nous sommes battus contre de gros acteurs de l’outsourcing qui proposaient des offres panachées France/ Offshore a des prix très compétitifs. Le prix n’était pas le seul élément important pour gagner ce compte. Nous avons mis dans la balance notre expérience passée avec eux durant lesquels nous avions pu démontrer notre savoir-faire et notre forte flexibilité, qui leur permet d’avoir entre 40 agents en basse période à 120 agents en haute période.
Quel volume de contacts ce contrat devrait-il représenter ?
Environ un million de contacts par an.
Le part du télétravail en France reste, selon les dernières études, bloquée à 0,3 % des effectifs des centres d’appels. Est-ce lié à des freins psychologiques ou a des inquiétudes sur la sécurité des données, la licéité du modèle ?
La vérité c’est que c’est le télétravail en mode salarié qui progresse pas, parce qu’il n’apporte pas de valeur au client final. Il n’y a pas de frein technologique à son développement, car les capacités techniques ou organisationnelles sont là, c’est simplement qu’il n’y a pas de gain pour le client final avec ce modèle, qui n’est qu’une mesure d’organisation des ressources humaines. L’assurance d’un consommateur ne sera pas moins chère si tous les salariés de l’assureur sont en télétravail. Désormais, certains petits acteurs payent les agents à l’heure : c’est la même situation, c’est du bricolage. De plus animer des équipes à distance requiert un véritable savoir- faire dont peu disposent en interne.
Les agents du réseau Eodom ont pour la réalisation de leurs prestations des conditions tarifaires incluant leur performance à c’est ce qui fait la valeur pour le client final.
Sur le plan technologique, avec la virtualisation, avec VMWare, il est tout à fait possible de créer une offre sécurisée, mais cela demande des investissements conséquents dont les petits acteurs n’ont pas conscience et qui n’en ont pas les moyens.
A combien ce chiffrent ces investissements, pour qui voudrait venir concurrencer Eodom sur le même modèle de homeshoring ?
Il faut mettre en place des infrastructures de données, des capacités de virtualisation, des plates-formes multiples e-mail et appels, surtout dans l’entrant… cela se chiffre à plusieurs millions d’euros d’investissements, sans compter le développement d’un vrai savoir- faire. Nous avons ainsi trois à cinq ans d’avance sur les autres.
Est-ce pour cette raison que vous n’avez pas non plus beaucoup de concurrents sur ce modèle ?
Pas seulement. Il faut disposer d’un vrai savoir-faire dans la gestion des indépendants, un modèle vérifié et audité. Il y a plusieurs acteurs importants en Europe ; en France, nous avons acquis une certaine surface qui nous permet d’être leader sur le marché. Mais nous gardons à l’esprit que seules les bonnes idées sont copiées ! Mêmes petits, nos concurrents nous maintiennent éveillés.
Y a-t-il des secteurs qui vous paraissent plus prêts à se lancer dans l’externalisation par le homeshoring ?
On peut dire en effet que les e-commerçants connaissent des fluctuations de volume plus importantes, et que donc une offre comme celle d’Eodom est plus adaptée. Mais d’autres secteurs connaissent une saisonnalité marquée, qui requiert une grande flexibilité au niveau des ressources : ainsi les ascensoristes sont-ils plus sollicités aux premiers frimas et aux premières chaleurs, car la température agit sur la dilatation des métaux ! Mais le modèle peut s’adapter à tous les secteurs.
Pourquoi les outsourceurs de premier plan ne s’y sont-ils pas mis ?
Car en France soit on gère des indépendants soit on gère des salariés.
… ou en rachetant des spécialistes qui ont fait leur preuves comme Eodom ?
Nous faire racheter par un grand groupe ? Si cela présente un sens pour conquérir de nouvelles parts de marché ça méritera réflexion. Ce qu’il faut comprendre, c’est que comme l’offshore, le homeshoring enrichit le paysage. Les centres d’appels traditionnels ne vont pas disparaître pour autant, et les grands acteurs de ce métier ne vont pas forcément changer de modèle.
Quelles sont donc vos objectifs actuellement ?
Continuer à nous développer. En France, où nous connaissons une croissance de 30% à 40% par an, avec des clients comme Fnac.com donc, mais aussi M6 Boutique, Oscaro, Carrefour… les perspectives de croissance sont encore importantes. Nous allons dupliquer aussi le modèle en Europe, dans les pays frontaliers, car il y a une vraie demande de nos clients, en langues étrangères, en Espagne, au Royaume-Uni. Notre processus de production et de management des indépendants est exportable partout, et avoir su se développer sur un marché aussi compliqué que le marché français est un réel avantage.