Pourquoi France Billet (groupe FNAC Darty ) tarde-t-il vraiment à rembourser les clients et spectateurs ?
La période post confinement dévoile ou met à jour, de façon éloquente, les sutures des organisations et des directions de l’ expérience client pour tous les vendeurs de billets, place, séjours et la difficulté à gérer des flux colossaux et atypiques de contacts. Ainsi que la contrainte, rigoureuse, qui limite les programmes de transformation : le déficit de cash de ces entreprises. Alors que leur modèle d’organisation leur permet d’encaisser à l’avance le produit des ventes, bon nombre d’entre elles sont en effet amenées, depuis des semaines, à devoir rembourser leurs clients. Ou à leur proposer des reports, des avoirs, quand la loi ou des règlements les y autorisent. Après les compagnies aériennes, c’est au tour de la FNAC et de sa filiale (commune avec KPS Foundation, un partenaire allemand) France Billet d’être placée sous les projecteurs. Certes, le plus gros distributeur de billets français (il en écoule 2,5 millions d’unités par an) est amené à gérer actuellement des remboursements correspondant à ce qu’il traite actuellement en deux ans et demi, en moyenne mais il semble irriter ses partenaires organisateurs de spectacles. Ceux-ci l’accusent d’avoir tardé à rembourser et de multiplier les excuses dilatoires. Arnaud Averseng, président de France Billet, tente de calmer le jeu en indiquant que les opérations de remboursement seront achevées d’ici 10 jours. Sur le site web de l’entreprise France Billet, le spectateur qui tente d’avoir une réponse à sa demande de remboursement ne trouve qu’un formulaire type (qui indique qu’un e-mail va lui être adressé) ainsi qu’un numéro de téléphone qui ne répond jamais. On se croit à la Préfecture de Police de Paris, championne de notre palmarès, catégorie injoignabilité.
A quand une réaction de l’actionnaire, le groupe Fnac Darty ?
Alors qu’elle a été aidée par l’état français, via un prêt PGE de 500 millions d’euros, la FNAC, actionnaire de France Billet, va t’elle réagir ? Soigner sa trésorerie et tarder à rembourser comme l’ont fait quantité d’entreprises dans d’autres secteurs (Accor, Air France et les compagnies aériennes) ou mettre en pratique les déclarations nombreuses sur l’expérience client et l’attention qu’on porte à ses clients ? Enrique Martinez et ses équipes sont face à un sacré choix cornélien. La deuxième grande révélation de la Covid 19 en France, et qui devra être prise en compte par les nouveaux entrants au gouvernement, est bien le déficit terrible de fonds propres et de réserves de cash qui amène apparemment des entreprises françaises respectables à ces pratiques. “Plus jamais France Billet (…) France Billet, la Fnac des voleurs (…) impossible de se faire rembourser”, les avis clients sur les sites tels Trustpilot ou Pages Jaunes sont quasi tous similaires. Malheureusement pour une enseigne qui a engagé parallèlement, en magasins et sur sa place de marché par exemple (Marketplace) de réels chantiers d’amélioration de l’expérience client.
Pour joindre France Billet : Les mentions légales sur le site web de l’entreprise ne sont pas mises à jour: le numéro de téléphone indiqué dans celles-ci, le 01 55 21 59 40 n’est pas attribué. Celui déclaré comme dédié au suivi de commande, le 01 41 57 31 41 est injoignable : 5 tentatives faites à différents moments de la journée.
NB: Vincent Gufflet, ici en photo de une, n’est pas le dirigeant opérationnel de France Billet, qui est Arnaud Averseng. Ce dernier rapporte à Vincent Gufflet, Directeur Commercial Produits et services France.
Par Manuel Jacquinet
Lire notre dernier article sur France Billet, ici.
Comment la Fnac s’y prend elle pour opérer ces remboursements, aurait-elle pu anticiper de tels flux ou s’y adapter avec plus de célérité ? Quelques callbots, utilisés par d’autres acteurs économiques avec efficacité, pourraient-ils aider à fluidifier ces opérations de BPO de bout en bout qui s’installent désormais comme la continuité logique des opérations de service client ? On se rappelle par exemple que l’entreprise Oscaro, placée elle également sous les feux de l’actualité voici deux ans avait dû rembourser en urgence des centaines de milliers de clients, et qu’elle y est finalement parvenue. En-Contact a joint ce matin Vincent Gufflet, directeur des services du groupe FNAC et vous livrera, jeudi 9 juillet, dans un Plates-Formes numéro N°127 exclusif, le résultat de son enquête. Après voir entendu les différentes parties prenantes, dont le SMA et le Prodiss (les syndicats des producteurs de spectacles).
NB : Le remboursement, c’est parfois la clé de l’expérience client et le fondement d’un NPS positif, c’est à lire dans Le livre noir du service et de l’expérience client.
Rachat de Wefix, plaintes contre la SFAM et Fnac Darty, mesures du NPS, il a répondu à tout, vite et clairement. Il, c’est… Vincent Gufflet le nouveau directeur produits et services du groupe Fnac Darty. (Archive 2018)
En-Contact : Fnac Darty est entré en négociations exclusives avec le réseau Wefix qui assure la réparation de téléphones mobiles (cinquante-neuf points de vente). C’est une démarche menée pour contrer les Back Market, Recommerce, Save et les autres, ou le prolongement de la culture service du groupe ?
Vincent Gufflet : Je choisis la deuxième option Nous sommes convaincus que le reconditionnement et la réparation de téléphones mobiles est une tendance de fond, cohérente avec notre engagement en faveur de l’économie circulaire, et Wefix était déjà dans nos radars depuis longtemps. Lors de notre dernier entretien, j’avais déjà indiqué que cette société faisait partie de celles que nous suivions et observions de très près. C’est la suite logique de l’histoire
UFC-Que Choisir a déposé plainte fin août contre Fnac Darty et la SFAM (courtier en assurances affinitaires) pour pratiques commerciales trompeuses et agressives. D’après cette association, les ventes de ce type d’assurance dans les magasins Fnac et Darty seraient conclues parfois à l’insu du plein gré des clients, pour reprendre et paraphraser une formule célèbre*.
Nous suivons de très près la qualité et la conformité des ventes en magasin et sommes très attentifs au ratio de plaintes ou de réclamations rapportées au nombre de ventes. Dès la commercialisation de ce service, nous avons mis en place le même process qu’avec nos autres partenaires : nous mesurons en effet le NPS (Net Promoteur Score) des clients acquis pour le compte de la SFAM dans notre réseau. Nous mesurons la satisfaction à tous les moments du parcours client et notamment lorsqu’ils remplissent les formalités pour bénéficier de l’offre de remboursement proposée lors de la souscription ou lorsqu’ils résilient. Notre constat est certes qu’il y a des réclamations mais que leur nombre est marginal au regard du nombre de ventes, très significatif. Nous suivons par ailleurs individuellement chaque réclamation pour que les problématiques soient réglées au plus vite. Pour moi il n’y a rien d’anormal et nous continuerons d’être vigilants.
D’autant que la SFAM est devenue actionnaire du groupe Fnac Darty. A ce sujet, qu’en est-il des nominations de Kilani Sadri Fegaier et de Nicole Guedj au conseil d’administration (ces derniers avaient souhaité être nommés administrateurs du groupe en mai 2018) ? Ils n’avaient à l’époque pas été agréés par le conseil d’administration.
La situation reste inchangée à date.
La bataille autour de l’expérience client est-elle perdue en face d’Amazon ? Les rumeurs de rapprochement entre Carrefour et Casino indiquent qu’il y a beaucoup de fébrilité chez les distributeurs. Quel est ton point de vue sur ce sujet ?
L’expérience client est au cœur du projet de Fnac Darty qui l’a inscrit dans son projet stratégique « Confiance + ». Notre objectif : devenir la plateforme omnicanale de services de référence en Europe. C’est évidemment plus complexe d’être efficace et qualitatif sur tous les canaux, dont les magasins. Quand une offre est exclusivement digitale, l’expérience client peut être optimisée par exemple avec de l’AB testing et cela peut être suffisant. Nous devons, au contraire, nous soucier de toutes les étapes du parcours client, de tous les irritants, dans tous les magasins, ainsi que sur les sites web de nos enseignes. Quand on désire, comme nous, proposer à la fois des bonnes affaires, du plaisir et de l’émotion, l’expérience client est chaque jour au cœur de nos préoccupations et son optimisation est un horizon sur lequel nous travaillons continuellement.
Son parcours
Vincent Gufflet a derrière lui un parcours très complet et réussi d’abord chez Darty, et a joué un rôle majeur depuis le rapprochement entre Fnac et Darty.
Diplômé d’ISAE-SUPAERO, Vincent a démarré sa carrière en tant que consultant et analyste chez Arthur D. Little en 1995. En 2000, il a rejoint le Groupe Kingfisher comme Directeur de la stratégie de l’activité Bricolage. Il a ensuite occupé divers postes à responsabilité au sein du Groupe Darty : Directeur du développement de 2003 à 2006, Directeur du développement et de l’organisation au sein de Darty Box de 2006 à 2011, Directeur marketing de la division services de 2011 à 2013, Directeur du service et assistance clients de Darty de 2013 à 2014 puis Directeur des ventes et du marketing pour tous les services du Groupe Darty jusqu’en 2015. En octobre 2017, Vincent Gufflet est nommé́ Directeur des Services de Fnac Darty, en charge de la définition de l’offre de services du Groupe. Il est depuis 2014, membre du Conseil d’administration de Menafinance.
*Richard Virenque, très grand coureur cycliste.
Propos recueillis par Manuel Jacquinet
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