Du Rififi au RSI… (Jean Louis et Stéphane jouent à la pétanque, Anne ramasse le cochonnet ?)
Déjà montré du doigt par la Cour des Comptes dans un de ses récents rapports pour la piètre qualité de son service client, notamment, le RSI semble… se hâter lentement dans la mise en place des changements nécessaires et vitaux, mais très désireux de conserver son rang d’organisme et pseudo-administration la plus décriée sur les forums.
NB : L’honnêteté oblige à mentionner que le signataire de cet article a connu le harcèlement du RSI, infondé, les saisies sur compte, illégales, et entendu, déjà il y a quelques années la rengaine : « demain ça ira mieux, on s’en occupe, on vous rappelle ».
Jean Louis Rey, directeur général de l’Acoss et Stéphane Seiller, directeur général du RSI ont-ils conservé de leur passage à l’Ena une fâcheuse tendance à mettre la poussière sous le tapis (héritée d’un cours d’économie dont on imagine bien le titre : le temps long dans les mutations de la société) ?
Dans cette comédie, on ne sait pas trop en effet si leur prestataire en centres d’appels pour le débordement, attitré ou quasiment, depuis des années, appels d’offres après appel d’offres, la société H2A, est complice des exactions ou victime de conditions tarifaires et d’achat dépassées. Ou simplement d’un coup de dés : une journaliste infiltrée dans votre entreprise la filme, un mauvais jour…
Nos lecteurs se reporteront utilement, pour se forger leur point de vue, à l’extrait du reportage, diffusé sur le site d’En-Contact, à la lecture des interviews de Anne Bendler, d’Elise Richard, du communiqué du RSI, subtil exercice de novlangue et qu’on pourrait résumer en : « circulez, y a rien à voir, on s’en occupe, tout ira mieux demain ».
Le problème, c’est simplement que pendant ce temps là, plus de 2,8 millions d’adhérents au RSI n’obtiennent pas de réponse à des demandes simples, mais reçoivent bien les visites d’huissier, les saisies sur compte.
Un prestataire, manifestement dépassé… sur ce coup là : H2A ?
Le reportage diffusé sur M6 dans l’émission Zone interdite, le 14 décembre 2014, apporte en tout cas son lot d’images et d’extraits de conversations enregistrées en caméra cachée absolument stupéfiantes. On y découvre un groupe de téléconseillers, nouvellement embauchés chez H2A, chargé de prendre les appels en débordement du RSI. Au sein de ce groupe, la journaliste-réalisatrice Elise Richard, qui suit comme ses collègues, les deux jours de formation en salle, avant de poursuivre sa formation, en prenant les appels en réel qui parviennent à la plateforme.
La séquence du reportage rappelle, en y ôtant l’aspect burlesque, les comédies des Monty Python :
formatrice qui ne maîtrise pas totalement les consignes ou aspects techniques, si ce n’est la consigne « de prendre des appels en personnalisant… et de soigner la … clôture d’appels ; celle-ci, devant intervenir idéalement après 3 minutes 30, même si c’est un objectif qu’on ne vous demande pas d’atteindre dès les premiers jours ».
Téléconseiller rapidement formé, et apparemment mal « coaché » puisque pendant deux jours, ce dernier donne des informations erronées aux interlocuteurs qui l’appellent ; il confond les colonnes mélangeant ce qui est dû et les pénalités de retard.
Appels nombreux, pour lesquels de façon manifeste, les équipes de H2A ne disposent ni des informations, ni des outils ou qualifications leur permettant de répondre correctement aux adhérents, de plus en plus énervés par ces démarches kafkaïennes. Heureusement la salle de pause et les rencontres qu’on y fait pallient ces complexités ou petites lacunes de formation. Il s’y trouve toujours quelques vieux roublard ou professionnels aguerris (à savoir : les téleconseillers disposant de deux ans d’ancienneté…) capables de vous simplifier le problème : « l’important c’est de ne pas laisser de blanc entre la phrase de clôture et le moment ou tu raccroches » – « si ton interlocuteur semble très énervé ou menace de se suicider, tu passes au service fil rouge ».
Anne Bendler, la directrice générale de H2A, interrogée par nos soins (voir son interview ci-après) reconnaît les imprécisions de sa formatrice, mais indique que le reportage lui semble malhonnête. Argument que chacun, et peut-être la justice, jugera si cette dernière est amenée à se prononcer sur le caractère diffamatoire du reportage.
La journaliste Elise Richard, qui a réalisé ce documentaire pour l’agence Tony Comiti, enfonce le clou, et souligne surtout l’impuissance des téléconseillers.
En-Contact : Qu’est-ce qui vous a le plus étonnée dans votre immersion chez le prestataire H2A, au sein des équipes déléguées sur la mission RSI ?
Elise Richard : L’impuissance des téléconseillers. On nous demande d’avoir comme objectif de passer 3 minutes 30 en moyenne par appel, reçu et traité, soit idéalement une moyenne de 13 appels pris par heure. C’est compliqué, souvent même impossible. En général, ce sont des questions complexes qui sont posées par les assurés et il très difficile de répondre correctement aux demandes en si peu de temps.
Comment s’en sortir ? Cela peut pousser les téléconseillers à ne pas toujours chercher la réponse dans le logiciel et à transmettre directement les demandes aux gestionnaires de comptes du RSI et des Urssaf, chargés de traiter les dossiers des assurés. C’est d’ailleurs ce que nous incitaient à faire certains superviseurs, afin que nous écourtions nos temps d’appel. Car, dès la formation, on nous a bien expliqué que l’entreprise était payée aux nombres d’appels « décrochés ». Il fallait donc en prendre le plus possible pour que ce soit rentable pour le prestataire. Or, je me suis aperçue que les assurés n’étaient pas toujours recontactés par les gestionnaires de compte du RSI ou des Urssaf*. Et s’ils l’étaient, cela pouvait prendre beaucoup de temps. Ainsi, certains assurés attendaient depuis plusieurs mois d’être remboursés, malgré leurs appels répétés.
Le RSI indique que ce que vous décrivez et montrez dans le reportage ne montre pas la réalité de la prestation, au motif que vous auriez tourné pendant la période préalable à la prise de poste. Qu’en pensez-vous ? C’est faux, puisque je suis restée près de cinq jours au sein de l’entreprise, dont seulement un jour et demi en formation. Dès le troisième jour, j’ai pris mon poste effectivement, ainsi que tous ceux qui avaient été recrutés en même temps que moi. J’ai donc répondu à des appels pendant quelques jours en tant que salariée de l’entreprise et non en tant que stagiaire.
*L’Urssaf est l’organisme habilité à donner les réponses aux questions techniques des adhérents du RSI.
D’où pourrait venir la mise en place d’une organisation plus efficace ? En l’occurrence les espoirs sont vite douchés à la lecture des éléments de réponse fournis par le RSI.
(lire le détail de l’interview des Responsables du RSI sur le site d’En-Contact)
Privilégier les centres d’appels internalises : le souhait du RSI règlera t’il le problème ?
A lui seul, le communiqué de presse rédigé par le RSI permet de comprendre l’origine du mal et ce qui pourrait bien le faire perdurer :
« Nous n’étions pas au courant, nous allons faire plus de contrôles de notre prestataire, nous allons demander un centre d’appels localisé en province, synonyme de turnover moins important.
Et idéalement, seuls des centres d’appels internalisés, avec les outils et informations adéquats permettra de résoudre le problème … »
Voilà, en très résumé, le discours du directeur général de l’organisme Stéphane Seiller et de sa directrice de la relation client, Murielle Bialès. Ces « éléments de langage » comme disent désormais les spécialistes de communication sauront-ils longtemps masquer une réalité ? Les pratiques du RSI semblent avoir dépassé depuis longtemps les limites fixées par le législateur mais la réponse obtenue, elle, ne varie pas : « Nous nous en occupons, nous sommes très mobilisés pour que ceci change ».
Voici deux ans, lors du dernier appel d’offres émis par l’organisme, quelques-uns des prestataires y répondant, s’étaient notamment étonnés auprès du commanditaire, de ses conditions de réalisation, en inadéquation complète avec le prix horaire de prestation proposé par le prestataire choisi (en clair, le prix annoncé et proposé par ce prestataire, et qui lui permit de remporter l’appel d’offres, ne permettrait pas de délivrer la prestation attendue, avec la qualité de service exigée).
Maxime Didier, le nouveau président du SP2C, s’en est ouvert récemment au directeur de l’Acoss, sans que ceci semble susciter d’émoi, selon nos informations.
Un petit tour sur les forums, saturés de témoignages accablants, la consultation du site sauvonsnosentreprises.fr, la lecture des nombreux articles parus depuis des années, le re-visionnage attentif du reportage de M6 rapprochent pourtant, de plus en plus, la réaction des sociétés concernées et de l’organisateur de ce système de celle de nombreux spécialistes du cyclisme et organisateurs du Tour de France, lesquels, pendant des années ont proposé le même type de réponse lénifiante devant le scandale de sportifs dopés.
Le champion s’appelait Lance Armstrong, et sa vitesse dans la montée de l’Alpe d’Huez avait quelque chose de comparable à la durée de prise d’appels sur les plateaux du RSI : de plus en plus courte.
Mais Lance assurait le spectacle au moins et il n’a fait de mal qu’à lui ainsi qu’à une certaine image du sport.
Aux RSI, 2, 8 millions d’assurés demandent grâce… tous les jours. Il serait temps de stopper la partie de pétanque.
Manuel Jacquinet.
« Nous n’avons pas le droit de dépasser un pourcentage d’appels transférés au niveau 2 »
Anne Bendler – Directrice générale, Groupe h2a
h2a est-il prestataire du RSI, et depuis combien de temps ?
Non, nous sommes prestataires de l’Acoss (ndlr : Agence centrale des organismes de sécurité sociale), l’organisme de tutelle des Urssaf et du RSI. Nous travaillons avec cet organisme depuis 2009.
L’Acoss a-t-elle sélectionné d’autres prestataires en complément de h2a pour des missions similaires ?
Il y a 2 ou 3 prestataires actuellement. Pour simplifier, selon les périodes, un assuré a une chance sur quatre d’arriver chez nous lorsqu’il appelle le numéro du RSI.
Avez-vous gagné ce marché suite à un appel d’offres, et si oui quelle est la durée de cet engagement ?
Oui, c’est un appel d’offres qui court jusqu’à fin mars 2015. Ce type d’appel d’offres court sur 12 à 18 mois maximum.
Quel volume représentent les débordements dont vous avez la charge, en proportion du nombre total d’appels ?
Il y a deux flux, les flux de l’Urssaf et celui du RSI. Les flux du RSI sont gérés d’une part par l’Urssaf, d’autre part par la caisse nationale RSI. Les appels qui nous sont renvoyés sont des appels en débordement du RSI qu’ils n’arrivent plus à absorber. Sur l’année passée, nous avons du prendre en tout 1 800 000 appels, je ne saurais dire combien provenaient de la caisse nationale RSI, mais il y en a eu beaucoup moins que pour l’Urssaf.
La rémunération de votre prestation est-elle indexée sur le nombre d’appels pris ou sur d’autres critères en sus des appels ?
Le nombre d’appels pris et un pourcentage d’appels pris sur appels présentés.
Est-ce que ce type de critères vous paraît suffisant, ou est-ce qu’il en faudrait d’autres selon vous ?
Déjà, il faut savoir que les appels sont décrochés par un SVI global qui est beaucoup plus « haut » que nous, ce n’est pas nous qui le gérons. Je crois que c’est Prosodie. Nous ne sommes donc pas indexés là-dessus. Après le SVI, l’appel part soit à la caisse nationale RSI soit chez nous. Ensuite, il y a des critères de qualité sur les écoutes. Le client fait des écoutes en aveugle, produit des notes et des commentaires.
Sur quoi la partie variable de votre rémunération est-elle indexée ?
Sur le taux d’appels pris sur appels présentés. Avec une variation des appels difficilement maîtrisable.
Donc, que vous répondiez bien ou mal, cela n’a aucune incidence sur votre rémunération ?
Si, lorsque nous ne répondons à rien et qu’on transfère au niveau 2, cela a une incidence. Cela représente des pénalités pouvant aboutir à une rupture du contrat : nous n’avons pas le droit de dépasser un pourcentage d’appels transférés au niveau 2, par e-mail, parce que nous n’avons pas toutes les informations. Nous pouvons être pénalisés, mais pas motivés. La partie variable de notre rémunération est de 10%. C’est la nature même des appels qui fait que c’est extrêmement tendu. Mais si vous voulez me demander si nous avons les moyens de faire notre travail, à part situations de débordements anarchiques ou de modifications législatives, et on n’y peut rien, oui, nous avons les moyens de faire notre travail correctement.
Apparemment l’objectif fixé à vos salariés est de 13 appels de 3.30 en moyenne pris par heure. Le confirmez-vous, et estimez-vous cet objectif conciliable avec une qualité de réponse suffisante compte-tenu de la complexité des cas ?
Le temps moyen de communication est de 3 minutes 30, en moyenne, car nous ne raccrochons par à 3.31… Ensuite, il y a une DMT de 4 minutes indiquées dans le cahier des charges, prenant en compte 30 secondes de traitement. Nous ne donnons pas d’objectif en termes de nombres d’appels par heure à nos salariés. Les collaborateurs sont payés de la même façon qu’ils prennent 13 ou 15 appels par heure. Il y a des appels simples. On peut discuter à la marge, 4 minutes ou 5 minutes, mais oui, une moyenne de 4 minutes de DMT est réaliste, au niveau 1 de réponse.
La formation des agents délégués sur l’opération du RSI semble être d’une journée et demie, le confirmez-vous ?
Non, elle est de 2 jours en salle, plus 2 jours en production. La journaliste indique qu’elle a traité beaucoup d’appels, or nous avons regardé ses logs, elle n’a jamais traité un appel en 3 minutes 30, mais en moyenne en neuf minutes, ce qui est normal puisqu’on ne peut pas maîtriser d’emblée les outils informatiques du client.
Comment expliquez-vous que dans le reportage la formatrice semble assez peu pointue sur des questions de base ?
La formatrice du reportage est quelqu’un de chez nous, elle a peut-être balbutié pour définir l’Urssaf, elle a eu un mot totalement inapproprié et pas acceptable, si cela s’avère vrai. Mais il faut savoir qu’on a chaque semaine des reportings, des conf’calls avec le client, et nous sommes toujours bien notés, cela montre qu’ils savent quand même former.
Quelle proportion du chiffre d’affaires de h2a représente le client Acoss ?
12%, pour l’ensemble des missions que l’Acoss nous confie.
Avez-vous envisagé de porter plainte pour diffamation contre la journaliste qui a réalisé ce reportage ?
On regarde le sujet avec nos avocats. Elle s’est présentée sous sa véritable identité, il y a une dizaine de mois, et elle a enfreint la clause de confidentialité du contrat.
h2a semble recruter fréquemment des salariés pour ces missions, est-ce obligatoire compte tenu des marchés à assurer ?
Nous recruterons énormément dans les mois qui viennent pour un dossier qui doit durer 6 mois. Sur le dossier RSI, il y a en gros 70% de CDI et 30% de CDD selon les besoins.