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De plus en plus d’appels, de moins en moins de professionnalisme : les raisons d’une grève qui n’en finit pas au 39 75 (Allô Mairie de Paris)

Publié le 20 juin 2014 à 11:00 par Magazine En-Contact
De plus en plus d’appels, de moins en moins de professionnalisme : les raisons d’une grève qui n’en finit pas au 39 75 (Allô Mairie de Paris)

paris2_retC’est une petite grève, bien plus discrète que celle de la SNCF, moins visible que celle du personnel des piscines municipales le dimanche, et que les usagers ne subissent que rarement. Pourtant, cela fait trois mois que les agents du 39 75, la plate-forme téléphonique de la Mairie de Paris, multiplient les actions de grève. Il y en aura eu en tout, à la fin du mois de juin, neuf : neuf demi-journées de grève les 18 et 24 mars, le 10 avril, le 15 mai, et les 10, 12, 17, 19 et 24 juin.
Et il est effectivement impossible aux usagers, comme la rédaction en a fait l’expérience, de joindre le 39 75 les jours de grève, et ce qui surprend Fabien Aigoin, délégué syndical Force Ouvrière, qui siège au Comité technique Permanent et au Comité hygiène sécurité de Dicom, contacté par la rédaction. « Je ne pensais pas que cela causerait des interruptions de service, il y a 50% de grévistes sur le plateau ». Les revendications des grévistes concernent leur rémunération, mais pas seulement : outre 100 euros de primes, ils demandent maintien d’une information d’un 1er niveau de compétence, la suppression du double système de notation, une base de données propre au centre d’appels, fiable et enrichie pour un traitement de l’information, rapide et de qualité, et la titularisation de tous les vacataires du plateau. Le thème n’est donc pas seulement l’argent, mais aussi la qualité de service, ce que la direction ne semble pas comprendre. Fabien Aigoin précise ainsi que « la direction de la Dicom a accordé 45 euros de primes, alors qu’on en demandait 100. Cela met les agents du 39 75 au niveau des standardistes, qui bénéficiaient d’une prime de technicité qu’on n’avait pas, mais c’est insuffisant. Ils refusent d’entendre parler des autres revendications ». Car il faut savoir qu’aujourd’hui, quand un agent du 39 75 répond à un Parisien, il ne fait « que » lire les pages publiques du site Paris.fr, avec une couche d’informations supplémentaires à l’usage des téléconseillers. Lorsque la rédaction a testé le service, elle n’a pas vraiment remarqué d’informations supplémentaires – ainsi, pour un appel concernant les horaires d’ouverture en période de grève, le 39 75 peut seulement informer… du numéro de la piscine pour qu’on pose la question. Une situation frustrante pour les agents. Pourtant, Fabien Aigoin explique que les agents avaient auparavant un autre outil « bien plus complet », mais « la direction, qui a fait développer le

Mairie de Paris
Mairie de Paris

nouveau système, refuse d’en changer, prétendant qu’il fonctionne beaucoup mieux, et que de toute façon, les gens ne veulent plus téléphoner, et tout trouver sur internet ». Mais qui, au juste, a développé ce nouveau système ?
Recruté il y a 9 ans par l’intermédiaire de Michael Page, responsable du Pôle Relation aux Usagers, Richard Lefrançois, responsable du Pôle Relation aux Usagers, est l’un de ceux qui a suscité le développement, exclusivement interne, du nouveau système. Ex-Teleperformance, il est aujourd’hui le seul, avec son adjoint Franckie Lanimarac, à avoir une expérience professionnelle dans le secteur des centres d’appels. Il nous confie qu’ « il y a eu (ndlr : au sein de notre plateau) plus de professionnels issus du privé : jusqu’à 4 responsables d’équipe et un « hyperviseur », mais la Mairie a décidé de restreindre les recrutements extérieurs au niveau Catégorie A ». Résultat : le 39 75 est de moins en moins professionnalisé, alors qu’on lui demande de l’être de plus en plus. Fabien Aigoin explique que les 40 agents, tous situés rue Lobeau, derrière l’Hôtel de Ville, sont « hormis les vacataires, tous adjoints administratifs de catégorie C recrutés sur concours. Vous répondez un jour au 3975, et le lendemain, vous êtes dans un bureau à traiter des factures ». Or l’évolution du service en demande de plus en plus aux agents. La promesse politique de la généralisation du dispositif Facil’Familles inquiète particulièrement les grévistes : ce nouveau service, destiné à simplifier les paiements de toutes les activités périscolaires mises en place par la municipalité en 2011, vise à mettre à disposition des Parisiens tous les services de la mairie en un point de contact unique : les agents du 39 75, non formés à recevoir ces appels. Les agents de la Direction des Affaires Scolaires (Dasco) ont du faire face à un afflux de réclamations des parents victime d’erreur tarifications ou de facturations. Plutôt que de renforcer les équipes de la Dasco afin de régler les problèmes récurrents aux familles, l’exécutif municipal a pris la décision de rediriger les usagers vers les agents du 3975. Fabien Aigoin estime inéluctable « la disparition des points de contact au premier niveau, dans chaque direction », et donne donc une dimension de solidarité à cette grève, ne voulant pas cautionner une diminution des effectifs au « profit » du 3975. Des inquiétudes qui toucheraient aussi au maintien du 3975 comme service internalisé à la mairie. « On voit bien le sens de l’économie depuis 30 ans », se lament Fabien Aigoin. « Ils ont déjà externalisé les musées, désormais établissements publics ».

Lionel Bordeaux, ex-directeur de la campagne numérique de François Hollande de 2012
Lionel Bordeaux, ex-directeur de la campagne numérique de François Hollande de 2012

La durée de la grève s’explique aussi par un dialogue social particulièrement mal structuré : ainsi, les grévistes ont-ils dû attendre le 6 juin pour enfin rencontrer Anne-Sylvie Schneider, directrice de la Dicom. Qui les renvoyait jusque là à son adjoint, Lionel Bordeaux, ex-directeur de la campagne numérique de François Hollande de 2012. Et qui serait désormais sur le départ. La mairie de Paris est le théâtre des ambitieux, les mouvements y sont fréquents. Et dans cette galaxie, « vous savez, conclut Fabien Aigoin, la Dicom est un monde à part ».

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