Après cette mise en redressement judiciaire, on m’a dit : « tu viens de passer ton MBA de chef d’entreprise ! »
Dans le n°97 d’En-Contact (sortie Avril 2017), découvrez comment et pourquoi on ne meurt pas toujours après un redressement judiciaire ; la master-class sur ce sujet sensible étant donné par Fabrice Pery Kasza, le Jason Bourne des centres d’appels et du télé-marketing. Démarrer sa carrière chez Teleperformance, c’est avoir la mémoire et la science du phoning et du télémarketing “dans la peau”. Survivre après un redressement judiciaire, c’est – sans toucher le même cachet que Matt Damon – grandire et être en mesure d’être embauché pour les prochains épisodes. Il l’a fait, même si sa petite entreprise est désormais soutenue par IPG (premier outsourcer Belge).
L’interview de l’époque (Septembre 2014) :
Fabrice Pery-Kasza, où en est l’activité d’Affaire de Contacts, quelques mois après son redressement judiciaire ?
On va mieux, très bien même ! Je vous résume la situation : j’ai placé la société sous la protection du tribunal de commerce de Paris début mars, puis nous avons conduit un PSE concernant 60 personnes jusqu’en juin. Par cette restructuration nous avons pu abaisser notre point mort de plus de 45%. Depuis juin notre carnet de commande est bien rempli et nous avons renoué avec une marge bénéficiaire !
Aujourd’hui nous visons une sortie du redressement judiciaire avant l’été.
Malgré les difficultés que nous avons affrontées, nous progressons : en juin dernier nous avons reçu le label « Profession Marketing PME » de l’Adetem (ndlr : Association nationale des professionnels du marketing) et du ministère du redressement productif.
Par ailleurs depuis octobre, nous avons ouvert une succursale au Liban, et nous sommes en cours de signature pour la distribution exclusive d’un outil de SRM – Socialmedia Relationship Management – révolutionnaire qui ajoute un canal de communication en temps réel sur tout le social web, exactement comme des appels entrants ou sortants.
Qu’avez-vous appris de vos passages au tribunal de commerce, de vos relations avec vos clients, fournisseurs, salariés… ? Que diriez-vous justement, compte tenu de ce que vous avez appris, à un impétrant à la création d’entreprise en France, dans le secteur de la prestation de services ?
D’abord je ne souhaite retenir que le positif. Heureusement que la procédure de redressement judiciaire existe !
D’un point de vue humain, ça aura été un des moments les plus forts de ma vie : en effet, annoncer à 60 personnes, les yeux dans les yeux, qu’ils ne feront plus partie de l’entreprise, ce fût terrible pour eux comme pour moi…
Les salariés qui sont partis ont été d’une grande dignité (pour la majorité…) et je les apprécie encore plus. Ceux qui sont restés m’ont bluffé par leur courage et leur confiance. Vraiment ! Ils ont accusé le coup les deux premiers jours et ensuite ils ont remonté leurs manches et ont travaillé, sans état d’âme. Ils ont compris que notre avenir était entre nos mains ! Cela m’a porté, m’a beaucoup aidé à traverser la tempête !
Concernant les trahisons, les saloperies qui ont été commises… j’en resterai là. Comme dit le proverbe « gardez-moi de mes amis … ». Ce qui nous aura vraiment fait grandir, c’est le courage de la majorité des équipes : Merci !
Nos fournisseurs, notamment Orange Business Services, ont été incroyables car ils nous ont suivis. Aucune rupture de service et ils nous accompagnent même sur de nouveaux projets !
Mes clients, mais je les adore ! Pas un, je dis bien pas un ne nous a lâché ! Ils nous ont aidés en nous conservant comme partenaire !!! Et c’est aussi grâce à eux que nous sommes repartis !
Enfin, je remercie deux confrères qui m’ont aidé et m’aident encore : Thierry Leduc, d’Outsourcia, qui est passé par là et aura été mon sherpa, ainsi qu’Arnaud Delacoste, d’Acticall.
Pour les conseils… Entreprendre c’est quelque chose qu’on porte en soi, alors que ce soit en France ou ailleurs, l’entrepreneur entreprendra. Mon seul conseil c’est : si la société va mal, assumez le redressement judiciaire plutôt que de tout perdre !
Pour conclure sur ce sujet, un confrère m’a dit « tu viens de passer ton MBA de chef d’entreprise ! ».
La télé-vente a-t-elle, selon vous qui en êtes un des spécialistes, un avenir en France ?
Oui, mille fois oui ! Du moment que l’on peut recruter des vendeurs… (sourire)
La demande des donneurs d’ordre est présente, elle est même très forte !
Chez Affaire de Contacts nous sommes axés vente, rendez-vous, leads et non plus contacts argumentés. Par contre il nous faut former nous même : il n’existe aucune filière télé-vente – j’entends, une filière efficace, sans fard, qui annonce la couleur, pas de ces hybrides avec du télé-conseil…
Enfin, il faut que les clients acceptent de payer plus cher la compétence réelle que représentent les bons vendeurs, sinon comment fidéliser leur meilleurs vendeurs ?
Au bout de vingt ans dans le métier, et après avoir été sur les bancs de « l’Insead » de notre secteur qu’a été pour beaucoup Teleperformance dans les années 85-95, qu’est ce qui a selon vous changé de façon radicale ? Rien ? Tout ? Les clients ? La qualité des argumentaires… ?
Effectivement, mon passage chez « TP » aura été mon E.S.T. (Ecole Supérieure de Télé-marketing) : j’y ai été formé par Daniel Julien, Pascale Piketty…
Oui, la donne a changé : l’offshore, le nearshore… Une concurrence qui n’existait pas à mes débuts et qu’il a fallu apprendre à maitriser et à dépasser…
Une autre chose également a changé : la baisse des marges sur le marché français ! Regardez quelles sont les entreprises du secteur qui se portent bien : toutes celles ayant des activités hors de France, mises à part quelques unes sur des marchés de niche, et nous en sommes arrivés là par la faute de quelques confrères produisant en France qui ont baissé leur prix face à l’offshore ! Les idiots !
Les outils aussi ont évolué, les différents canaux etc. Mais ça ne me perturbe pas : on fait la même chose, seul le support change – et bientôt avec notre nouvel outil ce sera encore plus puissant.
Les méthodes de travail évoluent aussi, nous sommes sortis de la lecture bête et méchante d’un script pour mieux écouter et mieux vendre aux prospects.
Pour finir, la perception de la télé-vente : il y 10 ans, on recrutait à tour de bras, maintenant… ça dégoûte presque les gens de venir vendre par téléphone.
Pourtant, notre métier reste passionnant ; il nous faut toujours être curieux, ouvert, dynamique, changer… Pour de nombreuses années encore (sourire).
Propos recueillis par Manuel Jacquinet
Ce qu’il faut en retenir :
• L’outsourceur spécialisé en télé-marketing b2b, Affaire de Contacts a été placé sous la protection du tribunal de commerce de Paris début mars.
• Un PSE concernant 60 personnes a été mené.
• Une sortie du redressement judiciaire est espérée avant l’été.
• Le fondateur et PDG estime qu’il est toujours possible de gérer une activité de télé-marketing basée en France.