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L’intérêt tardif pour les home agents et le Remote

Publié le 17 mars 2020 à 16:04 par Magazine En-Contact
L’intérêt tardif pour les home agents et le Remote

Le service client et la télévente, organisés via et grâce au télétravail, aux agents à domicile, ce que les anglo-saxons appellent le homeshoring ou le remote vont prendre un coup de jeune et de booster grâce aux évènements récents et à la période de confinement. Pourtant, l’essor de cette pratique a été fastidieuse et longue en France comme en attestent les témoignages qui suivent : Easycare, Callbooster sont quelques-unes des sociétés mortes sur le champ de guerre que constitue, souvent, le trop long délai entre les nouvelles organisations des modes de travail et leur adoption réelle par les entreprises.
Aux USA, les home agents peuvent représenter dans certains cas, jusqu’à 10% des effectifs de certains centres de contacts.
Dès les années 95, des États comme le Colorado, l’Utah ont vu de nombreux télétravailleurs s’installer dans ces états permettant une qualité de vie différente.

Archive de janvier 2009.

Le homeshoring est-il l’avenir des centres d‘appels ?

« Woke up, fell out of bed, dragged a headset across my head » : un jour dans la vie d’un téléopérateur à domicile…
Ils disposent de plus de mobilité que quiconque, cependant rien ne les force à mettre le nez dehors. De New York à Johannesburg, ils sont le visage de la société de l’information : un monde qui tourne sans se préoccuper des questions « où ? » et « quand ?». Leur métier se joue ici, chez eux et les amène pourtant franchir les continents à chaque instant…

« Woke up, fell out of bed, dragged a headset across my head » : côté anglo-saxon, c’est le lot quotidien de nombreux téléopérateurs. Bronwyn Blom est l’une de ces agents de centres d’appels dont le lieu de travail est également le domicile. Elle a 23 ans, habite à Johannesburg et travaille chez elle depuis maintenant plus de six mois. Elle se réveille aux alentours de 7.45, enfile ses vêtements, saute du lit, dévale les escaliers, passe par la cuisine, agrippe au passage sa tasse de café et finit sa course dans son bureau équipé d’un PC, d’un casque et d’une connexion internet. Elle démarre sa machine et déjà, le premier appel de la journée lui parvient…
Ses prestations, elle les vend à ClickIT, une société spécialisée dans l’assistance informatique. Elle gagne ainsi 5 000 rands par mois (environ 550 euros). Elle travaille 5 jours par semaine de 8am à 8pm. En travaillant à domicile, ses journées de travail sont un peu plus longues que la normale. Mais cet inconvénient est contrebalancé par quelques avantages, comme la rapidité de l’apprentissage. Le fait de travailler seule la contraint à trouver des solutions par elle-même, à développer son sens de la « débrouille ».
Selon Bronwyn, le plus grand avantage du travail d’assistance informatique « home-based », c’est la formation que cela donne. Le principal inconvénient, c’est le temps de travail et les reproches des clients qui vous sont adressés parfois sans qu’il soit possible de décharger la responsabilité sur quelqu’un d’autre : “I learn a lot, I learn how to work with people and more about IT. The drawbacks : long hours, people blaming you for most things” affirme-t-elle. Les moments les plus durs : “when the client is stressed out and takes it out on you… like they say, the customer is always right”.
Ce choix professionnel n’est pas une vocation pour Bronwyn, laquelle aurait souhaité pouvoir continuer sa carrière de journaliste plutôt que de se retrouver « coiffée » d’un casque derrière son écran d’ordinateur. Cependant, elle estime que son « boulot » lui offre de belles opportunités : perfectionner sa connaissance et sa maîtrise des nouvelles technologies et de développer son sens de la débrouille.  “Technology is what keeps the world turning these days, if you don’t keep up you’ll get lost along the way”, conclut-elle. “Working with people, learning how to handle certain situations, learning new programs and talking to the technicians. They explain a lot of things. Now, I understand when they say : a server crashed”.

Homeshoring, La délocalisation… à domicile

Ouvrez un magazine économique des années 90 : il ne vous faudra pas longtemps pour tomber sur un article relatif au télétravail (une revue dédiée lui fut même consacrée, morte depuis de sa belle mort)… ce serpent de mer. Malgré les bénéfices immédiats qu’on lui prêtait, cette pratique, cette nouvelle organisation du travail permettant à des salariés de travailler temporairement ou durablement depuis leur domicile ou des lieux dédiés n’a jamais réellement séduit les employeurs qui, du coup, n’y ont pas incité leurs salariés.
Seules quelques entreprises, souvent anglo-saxonnes ont joué le rôle de précurseurs, bien isolés. En janvier 2007, le constructeur automobile Renault signait pourtant un  accord syndical en faveur du télétravail, une première dans l’Hexagone. Le paysage juridique a lui aussi été modifié et clarifié voici quelques mois. Signe d’une réelle évolution… en soubresauts avant la mort définitive d’une vraie belle idée ? Le contexte s’avère pourtant porteur : l’actualité brûlante des délocalisations, la réflexion sur le stress au travail, la motivation très importante des salariés de concilier désormais vie privée et professionnelle sont quelques uns des paramètres qui pourraient très rapidement changer la donne, surtout lorsque celle-ci change de nom. On parle désormais de homeshoring et non plus de télétravail. La consonance anglaise, plutôt que le français ? Le homeshoring pourrait fracasser… ces diaboliques délocalisations, cet offshore où l’on aime séjourner, siroter un cocktail, profiter des RTT… mais pas voir d’autres salariés… prendre et détruire nos jobs ? Même le mot travail disparaît, cet instrument de torture (tripalium)… au profit du « home », évocateur d‘un environnement cosy, chaleureux. Cela méritait bien un dossier du mois, une enquête pour dépasser la seule séduction des appellations.

Télétravail et Homeshoring…

Dans l’accord cadre européen du 16 juillet 2002, le télétravail est défini comme « une forme d’organisation et/ou de réalisation du travail, utilisant les technologies de l’information, dans le cadre d’un contrat ou d’une relation d’emploi, dans laquelle un travail, qui aurait également pu être réalisé dans les locaux de l’employeur, est effectué hors de ces locaux de façon régulière ». En France, seule 7,4% de la population active exerce un télétravail, un taux largement inférieur à la moyenne européenne qui oscille autour des 13%. Aux Etats-Unis, 45 millions de travailleurs – 33% de la population active – ont déjà eu l’occasion d’exercer leur profession à distance, à partir de leur domicile (Interactive Consumer Survey du Dieringer Research Group, 2005).
Le terme homeshoring fait quant à lui référence au transfert d’activités de services vers les employés opérant à domicile – rendu possible par le développement des nouvelles technologies de l’information. Bref, c’est du télétravail sédentaire et sous-traité. C’est-à-dire que télétravailleurs en homeshore ne sont pas employés mais des prestataires indépendants. Les entreprises qui tirent déjà profit du homeshore sont extrêmement diverses : très petites structures (comme les cabinets médicaux ou les agences de conseil) grandes entreprises (comme la compagnie aérienne JetBlue ou le société informatique Dell). Le homeshore offre aux uns des services qu’ils ne pourraient se payer autrement et aux autres un outil simple, flexible et tout aussi compétitif que la solution « offshore ».

En France, le télétravail peine à s’imposer…

La France a toujours été extrêmement frileuse vis-à-vis du télétravail, jugé trop difficile à contrôler et à concilier avec les exigences managériales ainsi qu’avec le droit français. En matière de délocalisation, le choix naturel des centres d’appels français a donc toujours été l’offshore ou le nearshore et il a fallu attendre 2005 pour que les centres d’appels virtuels fassent leur apparition en France. Aux Etats-Unis, les emplois de téléopérateurs à domicile existent depuis bientôt dix ans et se développent fortement depuis maintenant trois ans. Si bien, que 112 000 positions de télétravail CRM y ont été déjà créées, un nombre qui devrait tripler à l’horizon 2010 ! (IDC, 4 janvier 2006).

Parmi les 1,54 millions des salariés français qui exercent leurs professions à distance de leur lieu de travail, seuls 380 000 travaillent à domicile et seules quelques centaines sont professionnels de la relation client à distance. (DARES – direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques). Pour Nicole Turbé-Suetens, Présidente de l’AFTT (Association Française du Télétravail et des Téléactivités) et coordinateur national de l’ETD (European Telework Development), le faible pourcentage de télétravailleurs français s’explique par « notre manque de culture de la négociation et la tradition de la culture managériale (…). On peut aussi ajouter que l’organisation du travail n’est que très rarement considérée comme un facteur potentiel de productivité et de motivation. L’explication de notre retard en matière de télétravail par rapport à des pays comme le Danemark, les Pays-Bas ou encore l’Allemagne est culturelle ». (« Le télétravail peine à s’installer en France », interviewée par R. Hederlé, News.fr, 25/01/2007).
Aujourd’hui, deux petites entreprises françaises centralisent l’essentiel des services de homeshoring : Easycare et CallBooster. Deux « firmes » aux philosophies bien différentes… Le président de Call Booster, Bertrand Retailliau, accuse son concurrent Easycare de récupérer le projet de CallBooster et de le dénaturer, en faisant miroiter aux gens des possibilités d’emplois qui n’en sont pas : « Ils disent ‘vous êtes indépendants’ mais, moi la question que je me pose, c’est comment ces gens se débrouillent avec l’URSSAF [syndicat indépendant]? Je suis surpris : comment arrivent-ils à gérer ça ?»… Et de s’offusquer que des entreprises engagent exclusivement des indépendants.
En 2006, une société française prétendait disposer d’une alternative à la délocalisation des centres d’appels en offshore : un système téléphonique et informatique permettant à chacun de créer son propre centre d’appel, le tout pour un coût assez faible. Selon cette entreprise, CallBooster, un PC, une ligne ADSL, un casque à 30 euros et une cotisation mensuelle de 60 euros, sont tout ce que vous coûterait l’activation d’un poste de téléopérateur à domicile. Enquête…



Société créée en 2002 par une équipe d’ingénieurs et d’informaticiens, CallBooster avait commencé par mettre au point un système permettant d’interconnecter 17 petits centres d’appels afin de les rendre plus efficaces en mutualisant leur travail. Après le succès de ce premier projet, l’équipe de Bertrand Retailliau se lançait dans un programme plus ambitieux : un système de mutualisation du travail en homeshore. Bref, un dispositif permettant à des travailleurs indépendants d’offrir des services d’accueil téléphonique depuis leur domicile, le tout en assurant une gestion des appels et des fiches clients (prétendument) digne des meilleurs outsourcers…
En 2006, Bertrand Retailliau exposait sur l’antenne de France Inter, les spécificités de l’offre de CallBooster : « Il s’agit d’entrepreneurs individuels à qui on va donner une solution technique à distance pour pouvoir monter leur centre d’appel à distance, donc ils n’auront pas d’investissement si ce n’est le PC, un casque à 30 euros et puis un bagage formation. Ils vont donc aller démarcher leur clientèle de proximité… ». Contrairement à la société EasyCare, CallBooster laisse donc ses téléopérateurs libres dans le choix des donneurs d’ordre. Par conséquent, ce service est plus proche du télé-secrétariat que du travail en centre d’appel : « Lorsque vous appelez votre médecin de famille qui n’a pas son assistance en permanence chez lui, l’appel est transféré chez un prestataire qui souvent est un prestataire de très petite taille. C’est deux ou trois personnes. Et ce prestataire prend l’appel pour vous et va vous accorder un rendez-vous, pour ce médecin ». (« Rue des entrepreneurs », France Inter).
Pour Bertrand Retailliau, l’image des centres d’appels est encore et toujours associée à l’idée de conditions de travail difficiles voire inhumaines. « Un Call Center, dans l’imagerie populaire, c’est un peu un poulailler, c’est-à-dire des cases dans lesquelles il y a des opérateurs qui répondent ou qui appellent au téléphone, assistés par informatique. Nous, nous avons essayé de casser le poulailler et de permettre à des personnes isolées à distance de pouvoir travailler dans une salle qui va être virtuelle. C’est un poulailler virtuel mais qui va être beaucoup plus humain parce que les conditions de travail de chacun vont être bien meilleures ».
Les personnes visées par EasyCare, sont au contraire essentiellement les femmes au foyer, lesquelles en France représentent 25 % de la population féminine en âge de travailler. Parmi elles, nombreuses sont celles qui cherchent un revenu complémentaire ou pensent qu’un travail à domicile serait susceptible d’améliorer leur quotidien.

EasyCare, centre d’appel virtuel

EasyCare affiche également une politique de responsabilité sociale. Ses représentants se disent animés de la « conviction profonde qu’il est possible d’allier performance économique et progrès social », de lutter contre les délocalisations et de permettre à des personnes qualifiées mais ne pouvant s’intégrer aux milieux professionnels classiques, d’exercer une activité en rapport avec leurs ambitions et leurs compétences. Cette exigence de responsabilité sociale s’accompagne également d’une critique de l’organisation du travail en centres d’appels classiques : « Les gens ont souvent très peu d’espace en termes de mètres carrés, ils sont dans des boxes, il sont comme des poulets carrément en batterie quand c’est poussé à l’extrême. Il y a un très grand taux de turn-over dans cet environnement là aussi, parce que les gens sont sous pression trop importante » affirme Christophe Sarrabayrouse, Président d’Easycare. Dans des centres d’appels virtuels, l’insatisfaction au travail serait moindre et la productivité accrue : « Des études ont montré qu’il y a 15% de productivité supplémentaire parce que les gens généralement s’y sentent bien ». Mais les bénéfices du homeshoring ne s’arrêteraient pas là :
• diminution des charges opérationnelles : les coûts d’infrastructures et de fonctionnement sont beaucoup plus faibles que dans un centre de contacts classique
• grande flexibilité de la gestion des effectifs : possibilité de mobilisation des agents sur des périodes très courtes, très rapidement et en dehors des heures de bureau
• des agents mieux qualifiés, plus compétents : moins d’absentéisme, accroissement de la productivité de 10 à 15 %
• diminution du turnover de 10 % : grâce à une fidélisation des agents, globalement satisfaits de leurs conditions de travail étant donné qu’ils choisissent leur environnement de travail.

Easycare centralise aujourd’hui une quarantaine de postes de téléopérateurs à domicile, sélectionnée auprès d’une population de 3000 personnes référenciées. Ils travaillent pour une dizaine de donneurs d’ordre, essentiellement issus du domaine de l’informatique, de la gestion de patrimoine… La petite société a notamment géré les services clients de la CNAV (Caisse d’assurance vieillesse). Puisqu’elle n’en est pour l’instant qu’à sa phase de développement, elle se centre essentiellement sur des TPE et PME.
En 2002, les partenaires sociaux – représentant des employeurs et des travailleurs européens (UNICE, UEAPME, CEEP, CES) – signaient un accord historique destiné à offrir au télétravail un cadre juridique, de manière à protéger les millions de travailleurs qui travaillaient alors déjà à distance de leur entreprise et à améliorer la flexibilité et la productivité des entreprises européennes. De l’avis de tous les signataires, cet accord constituait une réelle avancée tant pour les travailleurs que pour les entreprises qui les emploient. Quatre ans en demi plus tard, quel est le bilan ?
L’accord affirme notamment que le télétravail doit être volontaire, que les télétravailleurs doivent disposer des mêmes droits et des mêmes conditions de travail que s’ils effectuaient leurs tâches professionnelles dans les locaux de l’entreprise. Parmi ces droits, il y a entre autres l’accès à la formation et le droit à la représentation collective. L’accord prévoit en outre différents domaines dans lesquels des mesures de protection spécifiques doivent être prévues :
1/protection des données
2/respect de la vie privée
3/mise à disposition, installation et entretien du matériel
4/intervention dans les frais de communication
5/dispositions en matière de santé et de sécurité
6/règles d’organisation du travail.

Mais, jusqu’il y a deux ans, la législation française était encore floue en matière de télétravail. Il se pouvait en effet que l’on refuse à un téléopérateur à domicile des droits qu’on lui aurait accordés s’il avait travaillé dans un centre d’appels classique, car les dispositions de l’accord européen n’avaient pas encore été traduites au niveau national. Pour cela, il a fallu attendre le 19 juillet 2005. « Les télétravailleurs sont des employés comme les autres et doivent être considérés comme tels » martelait alors Jean Gronié, juriste et auteur d’un rapport sur le télétravail.

Dispositions relatives aux accidents de travail :
L’article 8 de l’accord cadre du 16 juillet 2002 stipule que l’employeur est responsable de la protection de la santé et de la sécurité personnelle du télétravailleur. L’employeur est tenu de consulter le Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT) avant toute mise en œuvre du télétravail, il doit également identifier et combattre les risques qui pèsent sur le salarié, par des formations et le choix de postes de travail adaptés. Cette exigence d’identification et de diminution des risques s’applique essentiellement aux circuits électriques et à l’équipement de travail. Une visite préalable doit permettre de répondre à cette exigence de conformité aux normes de sécurités.
Cette disposition légale demeure cependant incomplète : « L’incertitude reste entière quant à la qualification des accidents de télétravail à domicile, l’identification du lieu de télétravail et des horaires de travail étant alors rendus difficiles. La solution semble devoir passer par l’instauration d’une présomption d’accident de travail en cas de réalisation d’un accident au domicile d’un télétravailleur à domicile » (« Les garde-fous juridiques du télétravail », par Me Marie-Sylvie Vatier, in JDN Management, 2005).

Le contrôle du temps de travail : Selon Jean Gronié, « beaucoup de salariés font du télétravail mais ne le savent pas, ou du moins ne connaissent-ils pas les risques juridiques exacts. Le premier constat que nous ayons fait est l’absence de formalisme juridique, véritable danger pour le salarié et l’entreprise ». L’absence de formalisme juridique en matière de télétravail est un danger, non seulement pour les salariés (qui risquent de passer à côté des avantages qu’ils auraient s’ils exerçaient leur profession en entreprise, ainsi que d’effectuer des heures supplémentaires non-payées), mais aussi, par rebond, pour les entreprises…
Comment combler ce vide ? Il faut que le contrat de travail fasse mention des horaires d’accessibilité et la présomption d’accident. Il faut également fixer un nombre limite d’heures de travail, afin que la vie professionnelle du téléopérateur n’empiète pas sur sa vie privée. En tant que commettant de ses salariés, l’employeur est responsable de la manière dont ils utilisent le matériel professionnel. Cette disposition juridique (Art. 1384 alinéa 5 du Code Civil) vise aussi à protéger l’employeur en mettant sur papier les possibilités et les interdictions.
Existe-t-il un cadre juridique qui s’applique au télétravail indépendant ? Du propre aveu de Christophe Sarrabayrouse, « Il faut bien faire la différence entre notre modèle [de homeshoring] et le télétravail [salarié], il faut bien comprendre que dans le télétravail il y a un environnement juridique. Dans le cas du télétravail, on a un salarié, qui se trouve à la maison, ça tombe sous le coup d’une réglementation ; par exemple, le télétravailleur n’utilise pas son PC, normalement, c’est l’employeur qui doit lui fournir l’équipement. Ceci a  été un frein au développement du télétravail… ».
Aux Etats-Unis, le recours aux téléopérateurs indépendants (self-employed home agent) pourrait bien finir par s’imposer comme une alternative réelle aux délocalisations les plus rentables… Les Call Centers y disposent déjà de l’expérience et des infrastructures nécessaires pour faire de cette forme de sous-traitance le fer de lance de leurs politiques de réduction de coûts. Depuis 2004, l’intérêt des entreprises pour le travail sous-traité à domicile n’a, par ailleurs, pas cessé de grandir.
Selon Tim Houlne – Président de l’outsourcer pour téléopérateurs indépendants « Working Solutions » (Plano, TX) – les centres d’appels virtuels attirent des effectifs hautement qualifiés et performants : « De plus en plus d’entreprises prennent conscience de la valeur du travail à domicile en comparaison avec les moyens traditionnels : externalisation et offshore. Nous garantissons des acteurs qui ont généralement de meilleures compétences que ceux que les centre d’appels non-virtuels (brick-and-mortar call centers) attirent typiquement ». (Call centre workers stay at home, Reuters, 08/02/2005).
Parmi les entreprises américaines qui ont eu recours au homeshoring comme alternative aux centres de contacts classiques, on retrouve Office Depot – qui a fermé 9 de ses 11 centres d’appels en septembre 2005, afin de délocaliser les postes de travail en homeshore – JetBlue Airways – 900 téléopérateurs à domicile en 2005 – General Electric, Staples et enfin l’entreprise basée en Floride Delray Beach – 1400 télétravailleurs en 2005, le double aujourd’hui : « Nous choisissons de collaborer avec des acteurs virtuels afin de maintenir les emplois sur le territoire national, et aussi d’obtenir une meilleure qualité et un moindre coût » témoigne Julian Carter, directeur des opérations chez Delray Beach.
Autre gros avantage : lorsque le volume de production est important, les donneurs d’ordre peuvent planifier la production à travers de petits créneaux à temps partiel (small part-time slots) plutôt que de faire appel à des téléopérateurs classiques qui seront payés de la même manière quelle que soit la charge de travail sous-traitée. Beaucoup de téléopérateurs à domicile accumulent individuellement des heures supplémentaires, par petites tranches d’une ou deux heures, entre le dîner et le repassage et au bout du compte, c’est leur employeur qui y gagne : pas de « downtime » (temps d’arrêt).
Cette flexibilité et cette disponibilité de la main-d’œuvre se traduit par une diminution, voire une suppression du temps d’attente. « Les clients de nos donneurs d’ordres reçoivent une attention im-médiate ; ils n’attendent pas », affirme par exemple Basil Bennett, CEO chez Willow CSN. Conséquence : la productivité, les salaires et donc la satisfaction des employés augmente : un représentant de service client à domicile génère en effet un profit supérieur à un téléopérateur classique : 13 ou 14 dollars par heure contre 8 ou 9 dollars s’il opérait à partir d’un centre de contacts non-virtuel.
Enfin, le lien de cause à effet peut aussi être renversé : les employés à domicile sont généralement plus heureux, plus motivés, cela permet aux clients d’être mieux servis, donc plus fidèles à l’entreprise. Et au bout du compte, c’est la productivité qui s’accroît. C’est en tout cas ce qu’affirme G. R. Badger, superviseur chez JetBlue Airlines : « Lorsque les employés sont heureux, notre chiffre d’affaires augmente ! ».
Pionnière en matière de homeshoring, l’entreprise JetBlue compte aujourd’hui plus de 1 500 agents de réservation. Ils ne sont pas des salariés, mais des contractuels. La compagnie informatique Dell se décide aujourd’hui à suivre cet exemple…

Depuis sa création – en l’an 2000 – Jet Blue Airlines n’a cessé de miser sur le homeshoring. Une stratégie gagnante si l’on en croit les résultats du groupe et le témoignage de Jason Ward, directeur de « l’engagement client » (director of customer commitment) de la compagnie aérienne. Les home-based agents travaillant pour Jet Blue suivent une journée et demie d’orientation et un programme de formation de quatre semaines. L’entreprise fournit au télétravailleur un ordinateur, un téléphone et une adresse e-mail. Chaque mois, le téléopérateur à domicile doit quant à lui s’acquitter de 25 dollars (s’il souhaite disposer d’une seconde ligne téléphonique). Au début, la société procédait à des visites à domicile, afin de vérifier la qualité de l’équipement et de l’environnement de travail. Mais le développement de la compagnie a rapidement forcé les superviseurs à recourir à des moyens plus rapides et plus pointus : l’assistance technique se fait aujourd’hui à distance, l’équipement informatique des téléopérateurs a été considérablement amélioré et les contrôles (appels mystères, doubles appels …) sont à présent effectués 4 fois par mois. Il y a également une évaluation en face à face tous les trois mois, avec renvoi éventuel à la JetBlue University, le centre de formation de l’entreprise.

Le régime demeure donc relativement strict et l’expression « travailleur indépendant » peut induire certaines personnes en erreur : « Ils ne se rendent pas compte qu’ils seront attachés à un cordon ombilical » affirme Ward, «les gens démissionnent pour différentes raisons. Certains pensaient qu’ils économiseraient davantage en travaillant à domicile ». Jay Flemming, chief operating officer pour la business unit de JetBlue, affirme que malgré cela le taux de turn over pour des employés à domicile est quatre fois inférieur à celui en centre d’appel « brick-and-mortar » (non-virtuel) : « Pour nous, c’est clairement un avantage stratégique que de développer ce programme ». (Home Work de Carol Patton).

Par la rédaction d’En-Contact

En savoir plus :

Lire l’interview de Nicole Turbé-Suetens, ici.

Lire l’article Télécentres : délocaliser… dans le Cantal, là.

Relire l’article Benjamin Gray, home agent in Miami, ici.

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