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Tessi acquiert le spécialiste des centres d’appels ADM Value pour 110 millions d’euros. Un achat gagnant ?

Publié le 26 août 2019 à 14:47 par Magazine En-Contact
Tessi acquiert le spécialiste des centres d’appels ADM Value pour 110 millions d’euros. Un achat gagnant ?

La discrète Tessi a annoncé, fin juillet, la très probable acquisition d’ADM Value, l’un des rares acteurs encore indépendants du secteur des centres d’appels, également présent dans le BPO (Business Process Outsourcing). HLD, l’actionnaire majoritaire de Tessi, dirigée par Jean-Bernard Lafonta, signe-t-il là l’acquisition de Neymar ou celle de Ribéry ? (D’un joueur très talentueux et donc cher ou d’un buteur en fin de carrière, au caractère affirmé.)
En-Contact tente de décrypter cette nouvelle du mercato d’été des centres d’appels, toujours animé…

© Emil Hernon

Grandir dans la relation client, en sus du BPO, vite

Grâce à cette acquisition, qui reste à finaliser et que l’AMF devra valider, Tessi devient un acteur majeur -en France- dans l’externalisation de la relation client, un marché dont il n’était jusque-là qu’une équipe de 2ème division.
« Nous réalisons déjà plus de 40 millions d’euros de CA en relation client de front office, nous allons donc y ajouter plus de 40 millions d’euros (ceux générés par ADM Value) et un portefeuille d’activités et de clients qui nous manquaient et complètent ceci », indique Olivier Jolland, directeur général de Tessi. « Par ailleurs, nous sommes très présents dans les secteurs de la banque ou de l’assurance ainsi que dans des comptes du service public (comme Pôle Emploi) et y avons démontré notre savoir-faire sur des opérations complexes en saisie de données, fulfillment complet ou prise en charge complètes de process back et front-office », ajoute-t-il.
Convaincue que le métier du BPO est largement aussi complexe dans son exécution que celui de la relation client, l’équipe dirigeante de Tessi démontre sa réelle ambition de profiter du retard du marché français en matière d’outsourcing, notamment dans certains secteurs tels la banque assurance et entend bien y intégrer la dimension technologique, attestée par ses acquisitions dans ce domaine. « Nous disposons ainsi des équipes, des techniques et outils et d’une capacité d’exécution avérée et reconnue », indique Olivier Jolland. L’acquisition d’ADM Value permettra au groupe côté en bourse qui réalise presque 500 millions de CA, dans différents pays d’Europe, de disposer au terme de l’opération d’un portefeuille de clients diversifié : Oscaro.com (ADM Processing, filiale de ADM Value, dirigée par Stéphane Blondeau, en est un des principaux prestataires), Transavia et Air-France (via Blue-Link qui s’appuie sur quelques capacités de production d’ADM Value), Air Caraibes, Toupargel ou encore Total-Direct Energie sont quelques-uns des clients servis par ADM Value.

Dans la corbeille ADM Value, des clients fidèles et prestigieux et… attachés à leur prestataire

Claude Briqué, printemps 2019 – © Emil Hernon

Tandis que de nombreux prestataires couraient, il y a quelques mois, après le règlement de leurs factures chez Oscaro.com, alors en mauvaise posture, l’un d’entre eux ne vivait pas la même situation et angoisse tel ADM Processing dont le président nous avait confié qu’il parvenait à voir ses factures honorées par le fournisseur de pièces détachées.
Lorsque Vivetic a cessé sa collaboration avec l’Argus de la presse, devenu depuis Cision, voici deux ans, elle a été remplacée par le voisin malgache (ADM Value) ; il était également question, d’après nos informations de l’époque, de factures réglées en retard et d’insatisfaction récurrente entre le client et son fournisseur, à l’origine de ce divorce. C’est le beau fixe qui règne désormais entre la filiale du groupe américain Cision et ADM Value avec comme résultat que ce dernier alignerait dans la grande île plus de 400 positions de travail pour assurer les prestations confiées par l’Argus. Enfin, dans nos colonnes, Xavier Caitucoli, le co-fondateur de Direct Energie, également client d’ADM Value, racontait récemment et également l’attachement entre l’énergéticien et son fournisseur en expérience client externalisée qui vient de monter pour lui un site à Dakar (ouverture en septembre). Il y aurait donc, en sus du volume de chiffre d’affaires apporté, un actif réel : la fidélité des clients de l’entreprise dirigée par l’équipe de Monsieur Claude (voir le parcours de ce Citizen Kane) et une perception lucide de l’apport et de la valeur ajoutée des services du fournisseur par ses clients. Ce n’est pas anodin : hyper concurrentiel, le marché de la relation client est caractérisé par une versatilité des donneurs d’ordre vis-à-vis de leurs fournisseurs, qui est même devenue la marque de fabrique de certains, tels Nespresso (voir notre article à ce sujet). Ce qui est donc devenu complexe pour tous les acteurs de ce marché, les Webhelp, Comdata, Pro Direct Expérience, etc., c’est précisément de gagner de grands clients, d’être réglés par eux pour les prestations effectuées et de grandir avec eux tout en pratiquant des tarifs cohérents. ADM Value est, jusqu’à présent, parvenu à réussir cette prouesse : transformer, avec sa méthode de suivi des clients, de production des services et sa patience parfois à grandir en restant rentable.

Des sites installés dans les pays adéquats, une équipe soudée

Elle a pu le faire notamment grâce à un dispositif de sites de production judicieusement localisés, au Maroc, à Madagascar, en Espagne et désormais au Sénégal. A une équipe de directeurs de site attachés à l’entreprise et reconnus comme des professionnels aguerris, la parité y étant largement respectée : Frédérique Authouart, Rachel Ferrand (à Oujda), etc., y côtoyant Wilfriez Perez, Gérald Bouillaud et consorts. A Amiens, Yann Lebreton pilote et est le directeur associé du seul site français du groupe, prestataire par exemple pour la Carte Total GR.



De 110 millions à 2,4 milliards, quel est le juste prix des prestataires ?

Une acquisition payée plus de 9 fois son EBITDA… pour gagner du temps sur son plan de marche, sans avoir à financer de plan social et avec un patron qu’on a pris la peine de motiver afin qu’il reste aux commandes (voir le communiqué de presse publié par Tessi, qui indique que Claude Briqué va prendre la direction de l’entité centres d’appels) ressemble dont fort un coup gagnant, à date, pour son acquéreur. Qui a certes fait un gros chèque certes mais pas pour un seul buteur : pour les raisons évoquées plus haut, on pourrait avancer que c’est l’équipe des Pays-Bas dans ses grandes années qu’elle vient d’acquérir, et ce y compris les méthodes atypiques de son entraineur de l’époque Rinus Michels.
Des alternatives existaient-elles d’ailleurs sur un marché français déjà largement consolidé et où il ne restera plus bientôt que quelques acteurs mal en point, de petite taille ou à la rentabilité incertaine ? Ou de très rares pépites, que seul un chercheur d’or sera en mesure d’identifier. Dans le même été, la valorisation de Webhelp lors de l’entrée d’un nouvel actionnaire majoritaire (2, 4 milliards) a constitué une autre référence quant au prix que semblent disposés à payer des financiers aguerris et agiles. Les quelques dirigeants de sociétés encore sur le marché, avec une pancarte :  à vendre, dont la visite des appartements n’aboutit   pas à un compromis de vente signé doivent donc se frotter les mains ou penser au contraire : pourquoi ne s’intéressent-ils pas à moi, ces fonds au point de me remettre, à moi aussi, un chèque sur les mêmes multiples ? Les propriétaires des quelques pépites, eux, observent ce mercato passionnant qui légitime une leçon que rien n’a disruptée : une entreprise de services rentable avec des clients fidèles et des équipes motivées se vend de plus en plus cher, encore plus quand la consolidation est presque achevée. Un momentum qu’avait certainement saisi Mister Briqué. La capacité à voir dans quels pays installer ses usines, à prendre des risques, à distinguer dans le brouillard le bon move, n’est-ce pas ce qu’on dénomme le goodwill en M/A ? (merger and acquisition).

Une analyse de Manuel Jacquinet

NB : Dans les années 70, L’Ajax d’Amsterdam a réinventé le jeu de football, notamment grâce à des joueurs de talent mais également à ses deux entraineurs de légende : Rinus Michels et Stefan Kovacs ensuite. Mais Cruyjff et ses comparses ne gagnèrent pas la Coupe du Monde de 1974.

Photo de une : A Amiens, seul site en France du groupe ADM Value, via sa filiale Callweb, dirigée par Yann Lebreton – © Emil Hernon


 

 

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