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Quand la SNCF déployait les grands moyens pour vendre et informer par téléphone.

Publié le 10 décembre 2020 à 09:27 par Magazine En-Contact
Quand la SNCF déployait les grands moyens pour vendre et informer par téléphone.

« Les appels reçus sur la plateforme de Marseille sont plus longs, en moyenne. Et les grands voyageurs ont plus vite le sentiment d’attendre. »

850 positions de travail, 2 200 télévendeurs, 40 millions d’appels pour la vente de billets ou l’information donnée aux voyageurs : la SNCF ne fait pas les choses à moitié et elle les fait plutôt bien, en tout cas dans ses centres de vente à distance et ses plates formes téléphoniques dédiées aux Grands Voyageurs.

Comment est-il possible, avec une telle masse de contacts, de personnaliser la relation client ?
Grâce à des principes simples comme celui d’offrir des numéros dédiés, comme celui consacré aux Grands Voyageurs ou encore celui qui consiste à faire traiter en local ce qui est spécifique à une région. Ainsi, les informations sur les TER (Trains Express Régionaux) sont-elles dispensées par les plates-formes régionales, parfaitement au fait de ce qui se passe dans leur région.

Précisément, observez-vous des disparités liées aux régions, à des publics particuliers ?
En réalité, nous constatons qu’il existe trois grandes typologies d’appels : les appels locaux qui concernent essentiellement les TER, ceux qui traitent des trajets classiques et enfin ceux qui émanent des Grands Voyageurs. Ces derniers sont essentiellement urbains mais nous avons fait le choix de les « délocaliser », c’est-à-dire de les distribuer sur les plateformes de Bordeaux, Lyon, Rouen et Metz-Nancy.

40 millions d’appels, voilà un véritable laboratoire sociologique d’observation de la société ? Qu’est qu’on y apprend ?
Pas grand-chose de sensationnel, sinon peut-être que l’exigence de nos clients est de plus en plus grande, peut-être parce que nous sommes la SNCF et que l’attachement au service public se manifeste par le sentiment que chacun est un peu propriétaire de la SNCF ; que les appels reçus et traités à Marseille ont une durée de conversation un peu plus longue et que les Grands Voyageurs par exemple ont très vite le sentiment d’attendre. Au bout de dix secondes à peine et ils nous le font remarquer ! De ce fait, par exemple, nous préférons inciter assez rapidement à nous rappeler. Nous observons aussi de plus en plus de comportements d’incivilités, de mots parfois déplacés. Nous formons désormais les agents à la gestion de ce type d’appels un peu stressants.

Tableau général des départs en gare de Paris-Lyon, 1964 – © Archive SNCF

 

Vos agents justement. Rêve-t-on de faire carrière au téléphone à la SNCF ? Est-on d’ailleurs cheminot lorsqu’on est télévendeur ?
La VAD est de plus en plus reconnue et prend des proportions significatives dans le chiffre d’affaires global. La croissance de ce pôle est une croissance à deux chiffres et l’on y recrute du personnel qui peut être issu du guichet, des boutiques ou y démarrer sa carrière. Effectivement, il s’agit de cheminots – à l’exception du personnel saisonnier qui vient en complément – et qui travaillent, pour 1 200 d’entre eux, à temps complet. Dans l’organisation, des agents du guichet peuvent intégrer les plateformes ponctuellement pour assurer les prises d’appels. La formation initiale dure quatre mois, car il s’agit de bien connaître l’offre complète ainsi que les outils spécifiques SNCF. La télévente est reconnue comme une très bonne école d’apprentissage bien que quantité de gens qui y travaillent ne soient pas des jeunes diplômés.

C’est-à-dire ?
Le profil du télévendeur à la SNCF est atypique quand je suis amené à le comparer à celui des outsourcers par exemple. L’agent est de niveau bac à bac +2, a trente-cinq ans en moyenne et reste à la télévente entre 2 et 6 ans.

Ont-ils des objectifs de productivité ?
Non, il est très difficile d’en donner compte tenu de la diversité des appels qui peuvent durer de vingt secondes, pour une information concernant les horaires, à douze ou quinze minutes pour la vente d’un billet complexe. Nous leur donnons par contre des objectifs de chiffre d’affaires qui correspondent mieux à la finalité du service.

Des objectifs de CA ? On est loin de l’image du fonctionnaire déconnecté des réalités commerciales…
Oui, et ça ne pose pas de problème car, parallèlement les moyens et les organisations sont étudiés : dix minutes de pause par heure travaillée, vingt-trois secondes de temporisation et en moyenne onze appels traités par heure et par agent.

Rencontrez-vous des difficultés particulières alors et lesquelles ?
Il y a évidemment une particularité dans notre métier, c’est le volume complétement disproportionné de contacts que nous pouvons être amenés à gérer : on peut d’un mois à l’autre multiplier par dix ce volume par exemple lorsque certains trains deviennent ouverts à la vente, avant les départs en vacances d’hiver. Le service Grands Voyageurs est passé en octobre 2002 de 2 000 appels à 14 000 appels par jour ! Et nous devons gérer ces pics sans solution alternative de débordement.

Aucun prestataire ne gère votre overflow ?
Non, le temps de formation et d’appropriation des produits serait trop long.

Gare de Bernay, 1986 – © Archive SNCF

 

Les Grands Voyageurs constituent-ils une cible particulière ?
Pas en tant que tel : nous apportons le même souci de qualité à tous les clients qui nous appellent. Cependant, grâce au numéro dédié qui leur est réservé, nous savons qu’ils ont des demandes particulières : il y a 250 000 Grands Voyageurs et ils apprécient et utilisent par exemple très massivement la souplesse d’un service tel que l’échange de dernière minute. En fin d’année, également, lorsque les points acquis arrivent à échéance, et qu’ils risquent donc d’en perdre le bénéfice, cela génère également une belle croissance de contacts ! Sur ce segment de clientèle, très contributif, existent, comme je l’évoquais plus haut, un affectif très fort vis-à-vis de la SNCF ainsi qu’une attente de service rapide et qualitatif.

Lorsqu’ils sont amenés à utiliser leurs points justement, qu’achètent-ils ?
C’est amusant, car malgré la diversité des offres exclusives que nous leur proposons, ils profitent de ces points acquis pour… voyager : ils acquièrent en majorité des billets gratuits et vont séjourner dans des Gîtes de France, par exemple.

Ligne Directe

Ligne Directe offre une prestation complète d’information, de réservation, de vente et d’envoi du billet à domicile à partie de six numéros nationaux, dont deux principaux : le 08 92 35 35 35 pour l’ensemble des clients de la SNCF et le 08 92 35 35 34, réservé aux seuls Grands Voyageurs. Ligne Directe a été créée en 1996 pour rassembler les 109 centres d’accueils téléphoniques que comptait alors la SNCF en France. Le service est assuré par 38 centres d’accueils téléphoniques répartis sur tout le territoire national et rassemblant 850 terminaux de vente. S’y relaient 7j/7, de 7 heures à 22 heures, 2 200 télévendeurs. Chaque année, plus de 40 millions d’appels arrivent sur les six numéros de Ligne Directe, dont 38 millions pour le seul numéro général 08 92 35 35 35. Les appels durent en moyenne 3 minutes et 20 secondes, et le temps d’attente est de moins de 20 secondes.

Qui parle ?

Stéphane Fériaut était à l’époque de cette interview, réalisée en mars 2003, Responsable de l’exploitation à la SNCF.

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