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Samsung, l’entreprise qui ne dort jamais

Publié le 29 avril 2019 à 08:26 par Magazine En-Contact
Samsung, l’entreprise qui ne dort jamais

Rencontre avec Alec Clément, Operations and Service Director chez Samsung Electronics France.

L’année 2018 aura obligé l’homme qui m’accueille ce matin, dans un bel immeuble encore tranquille (il est 7h45) à acquérir une nouvelle étagère pour son bureau. Celle où trônent les récompenses et trophées, nombreux et gagnés à la régulière, dans deux catégories bagarrées : le service client, la marque préférée des français. La prise de risque permanente et l’obsession de ne pas s’endormir expliquent ces succès, aux dires d’un des directeurs du service client les plus engagés du secteur. Rencontre au milieu des réfrigérateurs connectés et des derniers smartphones.

Alec Clément – © ELISE TOIDE

Manuel Jacquinet : L’année 2018 été aura particulièrement marquante pour Samsung : Marque Préférée des Français + Élu Service Client de l’Année dans trois 3 catégories de produit. C’est le moment de partir à la retraite, non, ou de revendre cette renommée très cher ailleurs ?
Alec Clément : Il n’en est pas question. J’occupe ce poste depuis six ans mais je demeure encore très passionné. J’en suis encore à savourer ces « récompenses » et prix qui me confirment qu’on va dans la bonne direction et qu’on enchante véritablement nos clients. Ils ne sont pourtant pas le fruit du hasard : la relation client fait partie intégrante de l’ADN de l’entreprise mais elle implique de grandes responsabilités. Nous devons prendre soin de nos clients mais surtout continuer à innover en permanence pour les enchanter. Ma conviction la plus ancrée est la nécessité vitale de prendre des risques, de continuer d’en prendre. Nos produits, pour une large partie comme celui des smartphones se vendent sur des marchés presque saturés, c’est pourquoi il faut se réinventer à travers soit de nouveaux produits soit sur l’expérience client. C’est le sens de notre slogan, #DoWhatYouCannot, qui signifie clairement qu’on ne veut pas se mettre de barrières.

Cette capacité à prendre des risques, sans arrêt, semble au cœur de la culture de Samsung ?
Ce n’est pas faux ; j’ai travaillé dans d’autres entreprise précédemment mais je n’ai jamais ressenti comme chez Samsung cette forme de « paranoïa positive », certainement liée à l’histoire ou à l’origine géographique de l’entreprise (la Corée). Nous n’ignorons aucuns de nos compétiteurs et si l’on ne bouge pas, si l’on ne se remet pas en cause, on pourrait mourir. Samsung est une entreprise qui ne dort jamais et capable par exemple d’abandonner des marchés déclinants sans état d’âme pour se projeter ou créer de nouveaux marchés. Parmi les prises de risque récentes, trois me semblent notables pour ce qui concerne l’expérience ou la relation client : un, nous avons décidé de placer l’émotion au cœur de notre relation client et donc de casser quelques barrières. Deux, il est nécessaire de s’ouvrir à tous les clients, et se demander donc quelle approche on va avoir avec chacun d’eux. Le discours ne sera pas le même selon le client, car chacun a sa propre histoire avec nos produits. Enfin, nous avons envie d’avoir un échange vrai et attentionné avec chacun d’eux.

Par quoi cela se concrétise-t-il ?
Lors de l’Unpacked 2019 qui s’est tenu à San Francisco, en février, Samsung a dévoilé ses Galaxy S10/S10+ et le Galaxy Fold – notre premier smartphone pliable. Les deux autres sont des smartphones exceptionnels et très innovants, dont les premiers modèles datent de dix ans.  Comme on peut s’attendre à toutes les questions et tous les ressentis client, si nous rencontrons en magasin ou via le centre de contacts, l’un deux et qu’il désire passer trois heures avec nous à échanger ses impressions sur le Galaxy Fold, nous accueillons sa demande avec un grand OUI, évidemment. Le temps n’est pas compté. Car l’un de nos engagements, c’est d’écouter tous nos clients, qu’ils soient promoteurs, neutres ou détracteurs. Notre conviction profonde est que rien n’est plus riche et instructif que le contact direct. On a donc ouvert tous les canaux avec l’ambition de disposer d’une vision globale du parcours client et à tous les moments de celui-ci : savoir comment la réparation a été perçue par les clients et ce qu’ils pensent de nos produits, dans un monde connecté complexe nous importe (voir ce qui a été fait dans popup store).
Pour ma part, j’ai lancé avec nos prestataires en service et relation clients, deux grandes révolutions : alors que tous nos indicateurs étaient au vert, j’ai désiré sortir de cette zone de confort en leur demandant d’abandonner le pilotage via des KPI, pour tenter de se focaliser sur l’émotion ressentie. Sur l’intuition que pourrait avoir alors un agent du centre d’appels d’un discours ou d’une action à entreprendre, après qu’il aurait eu un échange vrai et naturel. Ça les a désarçonnés un peu au début, mais finalement, tous sont montés dans le bateau, que ce soit sur le canal voix ou digital. Pour les embarquer, ma méthode a consisté à dérouler 3 étapes : leur partager ma vision sur l’enchantement client, déployer des formations sur l’intelligence émotionnelle et définir ce qu’était pour moi une relation client enchantée. Enfin, donner toute ma confiance, pour qu’ils libèrent leur autonomie et leur créativité.
J’avoue que j’étais curieux de voir comment on allait s’en sortir.

© DR

Et donc ?
Le bilan s’avère très positif : la responsabilisation et la proximité avec l’émotion client a redonné du sens au point qu’une énergie positive s’est propagée sur les plateaux, jusqu’à atteindre les clients par contagion. Résultat, nous avons réussi à abandonner les scripts d’entretien, trop robotisés et nous avons repensé le recrutement. Nous recherchons désormais des gens qui aiment les gens car je pense que c’est le secret d’une belle relation client.
Samsung se lance dans la conciergerie de luxe auprès d’hôtels et de palaces. « Nous démarrons un pilote début avril auprès des conciergeries d’hôtels afin de permettre aux clients qui y séjournent toute une série de services : oublis d’accessoires, réparations express, gestion de coursiers alliant qualité, sécurité, préservations et confidentialités des données. L’idée étant de créer une expérience de marque, du service là où on ne nous attend pas, afin de créer la surprise et de l’enchantement. Là encore, la méthode est celle inspirée de lean startup : imaginer un service ensemble, à partir d’interviews de prospects, en créant un MVP et un test rapide sur le marché, à petite échelle.
Nous avons lancé une boutique magnifique sur les Champs-Élysées. En juillet 2018, alors que ce n’était pas prévu dans les plans, et à la suite d’une opportunité (un lieu devenait libre, dans l’attente d’une grande et future rénovation à cet endroit), nous avons ouvert un pop-up store au sein duquel nous montrons nos produits, dans leur l’environnement. Une sorte de lieu magique, rempli des produits exceptionnels susceptibles de créer une émotion, de l’enchantement. Nous avons résolument décidé d’y ajouter un espace service qui plus est adapté à la clientèle internationale qui fréquente les Champs-Élysées. Alors que ceci peut paraitre antinomique d’associer services et enchantements, nous avons tenté la combinaison qui nous semble pertinente, en nous attachant à quelques points essentiels. Proposer un service client d’exception : réparation en 1 heure, garantie internationale, conseils et formations multilingues, service en langue des signes (FR + INTL).



Tu as appris des choses étonnantes avec cette expérience d’un magasin, au sein duquel on ne vend pas ? Que peux-tu partager sans trahir de secret trop stratégique ?
Par exemple que le niveau d’un NPS peut baisser très rapidement : 5 mois après l’ouverture du magasin, nous avons constaté une baisse du NPS. La satisfaction sur la réparation et les conseils était toujours aussi élevée mais on n’était plus dans l’enchantement. C’est la part des neutres qui avait augmenté. Un débriefe équipes et un rappel de l’importance des petites attentions ont permis de le faire vite remonter.
C’est comme dans une relation de couple : la routine est un des pires ennemis de l’enchantement. Créer des surprises et imaginer des petites attentions, faire preuve d’empathie et bien communiquer agissent comme des dopants efficaces du NPS, font passer le client de neutre à promoteur.

Deux grands sujets récurrents apparaissent comme des monstres du Loch Ness : la mesure de l’expérience client et l’apport ou le rôle essentiel que devrait jouer l’IA dans la relation client de demain ? Quel est ton sentiment sur ces deux questions, angoisses oserais-je dire ?
Sur le premier sujet, je surveille et m’attache au NPS, aux verbatim de nos clients, aux sourires de nos clients et de nos collaborateurs. Pour l’IA, je crois à son apport, si tant est qu’elle arrive en support et soutien, sans ralentir les process et les machines pour permettre aux humains d’apporter plus d’intelligence émotionnelle. L’IA va nous aider à savoir ce que pensent nos clients de nos produits, de nos services, à mieux les connaitre également. Mais elle n’a pas d’intérêt si nous ne nous en servons pas pour un supplément d’émotion, une meilleure qualité d’interaction. Je crois que nous sommes passés sur nos marchés à une attente de valeurs de perfection et de professionnalisme à celles de transparence, de chaleur, d’attention.

Le pop-up store Samsung sur les Champs-Elysée – © DR

En savoir plus
Samsung s’appuie en matière de relation client à distance et digitale sur deux prestataires majeurs : Teleperformance et Webhelp au Maroc, en Roumanie, en France également de façon plus marginale (à Montceau les Mines).
« Le parcours client est chargé de moments importants : on a la chance de vendre des produits au cœur du quotidien des Français à forte valeur émotionnelle (compagnons de vie). On doit et peut donc célébrer les émotions positives (ex. un anniversaire, la Coupe du Monde) et on essaie de transformer les émotions négatives, celles associées à une panne. Une priorité : libérer le naturel, faire sauter les verrous émotionnels, libérer la créativité, partir du sens du métier et non plus des compétences techniques. Privilégier une posture de conseils d’ami : “Et si c’était votre ami, que lui conseillerez-vous ? »
Permettre à des conseillers d’exprimer leur véritable personnalité, simplement guidés par leurs valeurs (la bienveillance, l’amour des gens), être proche de nos clients et engager avec eux un dialogue chaleureux et sincère, écouter, apprendre d’eux.
« Combiner NPS et émotion : nous rappelons les clients qui ont bénéficié d’une intervention et étaient promoteurs. Après des rappels effectués à 3, 6 et 12 mois, nous sommes très surpris de voir que la valeur de l’enchantement est stable. Créer de l’enchantement en transformant l’émotion négative d’un client (ex. suite panne) en positive (besoin d’aide et on l’a résolu). On peut donc créer une empreinte émotionnelle qui dure notamment. La valeur du service est déterminante dans la recommandation de la marque. »
La gestion globale du recrutement et des aspects RH des 2 lieux d’expériences où l’utilisation et la réparation des produits sont effectuées (Paris, Marseille) créés par Samsung a été confiée dans chacun d’eux à des prestataires spécialisés dans le service et l’assistance technique et déjà sous-traitants pour le compte de la marque coréenne. Il s’agit en l’occurrence de Ceat Electronique. Et à Marseille, de l’entreprise Cordon Electronics.

Par Manuel Jacquinet

Alec Clément sera présent à la 7ème édition d’Expérience Client/The French Forum, en octobre, à La Baule.

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