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Réserver un VTC Allocab par téléphone ? You’ll have to « Get lucky »

Publié le 30 juin 2014 à 15:30 par Magazine En-Contact
Réserver un VTC Allocab par téléphone ? You’ll have to « Get lucky »

Le mardi 17 juin, Allocab, premier site de réservation de VTC (véhicules de tourisme avec chauffeur), annonçait dans un communiqué de presse une nouvelle qui a fait date dans l’univers du service client : pour la première fois, une de ces stars de la nouvelle économie, un de ces « nouveaux » concurrents des taxis proposait, outre son système de réservation par internet ou par l’application mobile, une alternative téléphonique. Cette délicate attention à l’endroit des consommateurs plus habitués aux canaux de communication traditionnels est-elle un succès ? Nous avons testé l’ « expérience client » chez Allocab. Et nous avons eu plusieurs surprises…

Jour J-1 : « Get Lucky »

Le moins qu’on puisse dire, c’est que la nouvelle a vite fait le tour de sa clientèle. Lors de notre test, mercredi 18 juin le matin soit le lendemain du jour où ce service a été rendu public, tout ne s’est pas passé exactement comme prévu… Après 5 minutes 50 d’attente, rythmée par le fameux « Get Lucky » de Daft Punk&Pharrel Williams, une opératrice prenait enfin la communication… pour nous demander nos coordonnées afin de nous rappeler plus tard. Ce qu’elle n’a jamais fait. Problème de dimensionnement des ressources pour un nouveau prestataire qui découvre la volumétrie des appels au tout début de la mise en service de la ligne ? Bon, ça arrive.

Jour J : Une commande sans coutures

Le jeudi 19 juin, nous avons donc réitéré notre appel. Et là, surprise, pas de Pharrel Williams, nous sommes mis en en relation avec une opératrice en seulement 40 secondes. Le compte client est créé, les coordonnées de carte bleue communiquées, la commande passée pour un véhicule prévu pour arriver dans 30 minutes à nos bureaux, près de la Maison de la Radio à Paris, pour 22 euros. Durée de la conversation : neuf minutes. Quelques secondes plus tard, un SMS est reçu confirmant la commande, avec sa référence, les détails exacts de notre adresse, l’heure de départ prévue (à peine 4 minutes plus tard ce que nous avions demandé), la description du véhicule, et même le numéro de portable du chauffeur.

Les plâtres ont-ils donc été essuyés ? Pas tout à fait.
Déjà, si on n’a plus forcément besoin d’un accès à internet ou d’un smartphone pour faire une réservation, il est toujours impératif d’avoir un téléphone portable, puisque la course n’est confirmée que lorsqu’on donne à l’opératrice la référence de la commande, reçue par SMS. Mais il y a plus inquiétant.
L’annulation d’une course et son paiement semblent sujets à des tergiversations permanentes – et à des risques non négligeables.
Lors de la commande, l’opératrice nous a informés que le montant de la course allait être prélevé immédiatement. Joint précédemment par tchat sur leur site internet (temps de réaction moyen : 5 minutes, mais sans les Daft Punk), le service client d’Allocab nous avait informés qu’une pénalité de 10% du montant de la course serait également prélevé en cas d’annulation dans les deux heures précédant l’heure prévue pour le début de la course – ce qui était largement notre cas. Concrètement, le montant de la course doit être recrédité, amputé de la pénalité, dans les 7 jours suivant la commande.

Joint directement, le chauffeur, au demeurant très aimable, ne connaît pas la procédure ni les tarifs de cette pénalité.
L’agent de la centrale de réservation (jointe cette fois en moins de 10 secondes) n’est pas au courant non plus, et assure qu’aucune pénalité ne sera prélevée.

Le plus inquiétant – mais qui va y penser de nos jours ? – c’est que rien n’indique que Wisecom, le prestataire d’Allocab en centres d’appels, est certifié PCI-DSS. Une norme de sécurité garantissant que les coordonnées bancaires des clients ne peuvent être subtilisées par un téléconseiller malveillant. Nous regarderons donc de près nos relevés bancaires, et espérerons comme les Daft Punk et Pharrel Williams (ceux de « Get Lucky »)… qu’on « aura de la chance ».

Jour J + 5 : Sauf que voilà…

Nous n’avons pas eu de chance. Cinq jours après cette commande, nous apprenons que nous avons été débités de 22 euros, soit le montant de la course, le jour même de la commande. Et le jour même de la commande, nous avons été recrédités de… 4 euros 40. Soit une pénalité de… 65%. Bien plus que les 10% annoncés par la conseillère sur le tchat. Et surtout, beaucoup, beaucoup plus que la conseillère jointe par téléphone lors de notre annulation, qui nous avait assurés qu’ « il n’y aura(it) pas de frais ».
Nous recontactons le 09 70 82 56 56 pour faire part de notre incompréhension. Nous mettant plusieurs fois en attente, visiblement pour recueillir les informations demandées auprès de ses collègues ou supérieurs, le téléconseiller, très affable, s’excuse pour le « quiproquo », mais est incapable de nous dire le montant normal des frais d’annulation, « calculés automatiquement », nous conseillant de consulter les conditions générales de vente.

Bonne idée. Que disent ces conditions générales ?

[note note_color=”#f3f3ef”]« 4.4. En cas d’annulation de la Course ou de la Mise à Disposition par l’Utilisateur ou en cas d’absence de présentation de ce dernier à l’adresse, au jour et à l’heure convenue pour le départ, l’Utilisateur peut se voir appliqué une Pénalité d’Annulation correspondant à un % du prix de vente de la Course ou de la Mise à Disposition »[/note]

De deux choses l’une : soit la pénalité est chiffrée à 1%, et donc beaucoup moins que ce qui nous a été infligé, soit… elle n’est pas chiffrée et ces conditions générales, remarquablement pauvres en informations claires et riche en fautes d’orthographe, font simplement référence à « un pourcentage »… indéterminé. Ce qui est rigoureusement illégal.

Le cas des pénalités de retard, évoqué juste après, est du même acabit :

[note note_color=”#f3f3ef”]« En cas de retard de l’Utilisateur, l’Utilisateur peut se voir appliqué une Pénalité de Retard et correspondant à une pénalité dont le montant est progressif en fonction de la durée du retard de l’Utilisateur par rapport à l’horaire de départ convenu pour la Course ou la Mise à Disposition.
Chacune des sanctions s’applique à l’initiative du Chauffeur, dès lors que les conditions cumulatives suivantes sont réunies : (i) le Transporteur a mis à disposition sur le Site sa grille tarifaire spécifique relative à la Pénalité d’Annulation ou la Pénalité de Retard et (ii) l’Utilisateur a pu y avoir accès préalablement à toute confirmation de Réservation. Le cas échéant, la Pénalité d’Annulation ou la Pénalité de Retard sera compensée sur le Prix Indicatif prélevé lors de la Commande et/ou sera prélevée en sus, directement sur le compte bancaire de l’Utilisateur sans qu’une autorisation complémentaire de sa part soit requise ».[/note]

Une grille tarifaire (et une seule), mentionnant des pénalités de retard, est bien disponible sur le site. Mais elle est suivie d’un astérisque :

[note note_color=”#f3f3ef”]*Ces tarifs sont donnés à titre indicatif, et sont susceptibles de varier en fonction des CGV de nos partenaires. TVA à 10%.[/note] En clair, être en retard pour une prise en charge par Allocab revient à signer un chèque en blanc, puisque la pénalité est « prélevée en sus, directement sur le compte bancaire de l’Utilisateur sans qu’une autorisation complémentaire de sa part soit requise ».

Une bonne nouvelle quand même : vérification faite, Wisecom, le prestataire d’Allocab en charge de son central de réservation téléphonique, est équipé de la solution Paybox, certifiée PCI-DSS. Au moins, le « chèque en blanc » ne sera jamais prélevé… que par le prestataire de service auquel il est destiné.

Le bilan : une « expérience client »… très angoissante

Notre expérience indique que lorsque stars de la nouvelle économie découvrent les centres d’appels… ils découvrent aussi les problèmes qui vont avec. A savoir : difficultés de dimensionnement des flux entrants lors du lancement de la ligne téléphonique et temps nécessaire à la maîtrise de l’offre commerciale par les ressources, et donc leur formation.
On peut dire qu’avec Wisecom, Allocab a choisi un prestataire très professionnel : le problème de dimensionnement a été rapidement réglé, et les délais d’attente sont désormais très acceptables. Les agents sont patients, efficaces et aimables.
On ne saura leur reprocher de mal maîtriser des conditions générales… aussi opaques.
Ce qui renvoie, au final, à ces problèmes que rencontrent tant de netentrepreneurs, de la Silicon Valley à Silicon Sentier : une certaine improvisation sur des éléments clefs de la relation client, et des avocats beaucoup plus soucieux de protéger la société qui les emploie que le consommateur…

Mise à jour du 2 juillet

Contacté par la rédaction, Yanis Kiansky, le PDG d’Allocab, a agi en véritable pro de la relation client : dans les dix minutes qui ont suivi l’envoi de notre e-mail, il a pris en charge notre demande, et nous a expliqué que le prélèvement correspondait aux conditions générales, citant un paragraphe que nous n’avions pas vu.
[note note_color=”#f3f3ef”]Conditions d’annulation
Toute annulation plus de 2 heures avant la prise en charge est gratuite. Si la course est annulée entre 1heure et 2 heures avant départ de la course, les frais d’annulation sont de 60% du montant de la course. En cas d’annulation moins d’une heure avant le départ de la course, 80% du montant de la course sont facturés. En cas de non-présentation du client ou d’annulation en dernière minute, la valeur intégrale de la course réservée est facturée au Client.[/note] Notons que Yanis Kansky a eu l’amabilité et le bon sens commercial de nous proposer de s’ « arranger pour (nous) rembourser 100 % de la somme comme il s’agissait la d’un test dans le cadre de la rédaction de (notre) article ». Il est quand même… étrange que le paragraphe cité par Yanis Kansky n’apparaisse qu’à la toute fin de la page des conditions générales, et non pas dans la partie intitulée « conditions d’annulation ». Vérification faite, le cache google faisant foi, ce paragraphe n’apparaissait pas au moment de notre réservation. Pas vu, pas pris ?

Harold Caufield

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