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« Nous n’avons plus convenance à maintenir notre relation commerciale » : l’enfer bancaire pour un entrepreneur s’appelle la clôture du compte

Publié le 09 janvier 2020 à 08:28 par Magazine En-Contact
« Nous n’avons plus convenance à maintenir notre relation commerciale » : l’enfer bancaire pour un entrepreneur s’appelle la clôture du compte

La Société Générale est-elle la banque la plus c…e de la terre ou tout simplement une banque des temps modernes ?

Un chef d’entreprise français, dont la banque a fermé tous les comptes professionnels, toujours en solde positif et sans raison ni explication, explique en 2 chapitres :
qu’une application (le graal désormais), ça ne rend pas moins bête. Et
pourquoi, selon lui, les grands banquiers doivent réécouter The Clash !

Chapitre 1 : La fermeture de mon compte pro

Avant d’être éditeur du magazine En-Contact, Manuel Jacquinet est déjà… un entrepreneur, et à ce titre, client professionnel de banques dont la Société Générale Mais celle-ci vient de mettre un terme à leur relation. Sans ménagement.

Que reprochez-vous exactement à la Société Générale ?
Exactement la même chose qu’à la majorité des banques françaises : elles semblent dirigées désormais par des algorithmes, depuis des Tours à la Défense, et dans leurs agences, des centaines de conseillers bancaires en sont réduits à des tâches d’enregistrement et de gratte-papiers. Même si sur leurs cartes de visite, des titres ronflants laissent penser que votre interlocuteur a du pouvoir : il n’en a aucun, et pire, pour ceux qui auraient du courage, celui de sortir un peu des process, il est vite mis au rencart. Comme je l’explique dans mon billet d’humeur, j’ai été successivement viré de deux grands établissements bancaires français en moins d’un an, le Crédit Mutuel et la Société Générale, qui ont toutes deux mis fin à nos « relations commerciales » alors que notre société n’est jamais à découvert, n’a contracté aucun emprunt auprès d’elles et dispose d’un solde positif. Mon crime, je crois, c’est de refuser d’obtempérer à toutes leurs demandes, ou de simplement demander à ce que le service soit rendu. J’ai réclamé une carte bancaire pro au Crédit Mutuel pendant plusieurs semaines : pas de réponse. Jusqu’au jour où je me suis rendu à l’agence pour essayer de comprendre, après de nombreux courriels. Ce jour-là, je n’ai pas accepté que la dame au guichet me dise qu’il fallait prendre rendez-vous, une diversion classique : je suis monté dans le bureau du directeur de l’agence. Un mois après, on clôturait tous mes comptes dans cette banque. A la Société Générale, on m’a demandé des justificatifs pour un virement de compte à compte, assez significatif (250 000 euros environ), correspondant au règlement de plusieurs factures. J’ai fourni une attestation de notre expert-comptable, mais j’ai refusé de fournir les contrats commerciaux qui sont selon moi des documents confidentiels que mon banquier n’a pas à connaître. Un mois après, la banque m’avertissait par LRAR de la clôture de mes comptes, toujours avec la même formule magique : « nous n’avons plus convenance à maintenir nos relations commerciales ».

La politique de connaissance des clients « know your customer, le fameux KYC, ne vous paraît-elle pas justifiée par des pratiques frauduleuses qui ont été constatées chez plusieurs clients dans les banques ?
En tant que mandataire social, je connais parfaitement les risques attachés à des opérations illégales ou abusives. J’ai répondu par écrit à mon banquier que je n’avais pas de problème à répondre à des éventuels contrôles de la part d’organismes spécialisés comme Tracfin, si la banque estime que des opérations passées par moi-même sont susceptibles de faire l’objet de notifications. En l’occurrence, je crois que le directeur commercial de l’agence a préféré se couvrir et clôturer mes comptes : il ne prenait pourtant aucun risque, car 100% des opérations demandées étaient légales, même si elles peuvent sembler inhabituelles pour eux. De deux choses l’une : soit un directeur commercial d’une agence qui traite avec des grandes entreprises n’a pas d’autonomie et de discernement et dans ce cas-là, son salaire de cadre n’est pas justifié, soit sa hiérarchie ne lui laisse pas d’autonomie, et il sera bientôt remplacé par un robot, ou un algorithme – voire une application, c’est à la mode.

Les clients des banques peuvent en changer à loisir, pourquoi est-il plus difficile d’accepter que les banques choisissent leurs clients ?
Le problème ne se pose pas ainsi : dans les deux cas de figure qui m’ont concerné ici, la banque a étudié mon dossier avant d’ouvrir les comptes. Elle a décidé et accepté de m’avoir comme client, elle a gagné sa vie avec moi en me facturant des frais de tenue de compte, et sans raison, elle a choisi de cesser cette collaboration. Ouvrir un compte bancaire, pour une entreprise aujourd’hui, est coûteux en temps et en procédures. Je suis éditeur et facture à des milliers d’entreprises des abonnements qui sont réglés par virement : indiquer à tous vos clients qu’ils doivent changer les coordonnées bancaires pour vous régler, c’est un enfer. Pour être payé par une grande entreprise aujourd’hui, il faut être référencé dans ses fournisseurs, la direction des achats vous demande des formalités, etc. Il y a un vrai préjudice quand cette clôture de comptes n’est manifestement pas justifiée.

Que pensez-vous du droit à l’ouverture de compte via l’aide de la Banque de France ?
C’est une très bonne question, parce que, figurez-vous qu’après avoir été viré de deux banques, aucune autre banque ne voulait de nous, curieusement. J’ai sollicité quatre rendez-vous dans des grandes banques de réseau cet été, pour disposer d’un nouveau compte bancaire, résultat : tous les motifs fallacieux m’ont été opposés pour en refuser l’ouverture. En désespoir de cause, j’ai réussi à ouvrir un compte dans une banque via la procédure de droit au compte. J’ai donc un compte bancaire a minima, sans chéquier, avec une Visa Electron – qui ne permet de rien faire. Un compte Banque de France, c’est pire qu’un compte Nickel.

Pensez-vous que vos protestations peuvent faire changer les choses ?
Je n’en suis plus au stade de la protestation, mais de la révolte. Je pense qu’ensemble, au lieu d’accepter d’être des moutons, nous devrions réagir. Je ne suis pas Cantona, mais je pense qu’il avait bigrement raison lorsqu’il incitait à une fermeture globale et concertée de tous nos comptes bancaires, par les citoyens français. La révolte me semble désormais nécessaire et vitale dans notre société où les réglementations, dispositifs, contraintes de tous ordres nous empêchent de vivre, respirer, travailler – nous sommes « prisonniers », et l’on nous raconte que la prison est dorée, que ses barreaux sont justifiés par notre propre sécurité. Curieusement, ces mêmes banques ne sont pas « empêchées » d’aller perdre de l’argent dans des opérations frauduleuses ou illégales. Dans le pire des cas, elles payent des amendes, en milliards d’euros, un lampiste est identifié pour payer les pots cassés et prendre sa retraite un peu plus tôt. Personne ne va en prison chez les banquiers. Je suis comme le directeur de la prison dans le film Brubaker, je pense que les prisonniers que nous sommes devenus ont droit au respect, a minima.

Je crois que les banquiers et ceux qui ont installé ce système devenu fou doivent d’urgence écouter ou re-découvrir les Clash et notamment  The Guns of Brixton.

You can crush, you can bruise us, but you’ll have to answer to the guns of brixton.
Hasta la vista, les Guns de Brixton arrivent !

Un jour ou l’autre, nous devons répondre de nos actes, passés ou récents. C’est à la mode mais c’est surtout logique et somme toute assez moral, non ?

Un billet d’humeur par Manuel Jacquinet

 

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